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Salaud de nuage

Visiblement, nous ne supportons plus ce qui stoppe, empêche, retarde, ou freine nos marches triomphales. Les volcans comme les barrages de police.

Ainsi donc, majestés volantes et trépidantes, nous fûmes — nous! — durant cinq jours privées d’espace aérien. Réduits à l’état de larves rampantes et grognantes. Cloués au sol comme de pauvres kakapos.

Intolérable. Et même insupportable pour les compagnies aériennes, cette plaisanterie à 200 millions de dollars la journée d’inactivité et de reptation. Certes, à quelques jours près, grâce au satané volcan, la Pologne aurait encore un président. Mais ce n’est pas une excuse et avec des si, on met Katyn et Tupolev en bouteille.

Les transporteurs aériens ont donc fini par voir rouge, par traiter les gouvernements de pleutres et de couards pour avoir fermé le ciel. Pour s’être couché devant cet horrible, ce minuscule concept: le principe de précaution.

Ouh le vilain mot: précaution. Quand, majestés volantes et trépidantes, nous avions, nous, tant à faire et à voir. Tout ça pour un nuage, volcanique, d’accord, mais un nuage quand même. Autant dire rien, de l’ultra léger, du quasi vide. Ouate. Fumée. Poussière.

Provoquant, qui plus est, des drames particulièrement épouvantables. Thalasso reportée ici, boum annulée là, tels que le rapporte la Tribune de Genève après un audacieux reportage chez les «naufragés de Genève», appelés aussi «les victimes du volcan». Bref, tous les pauvres bougres coincés à l’aéroport de Cointrin.

Alors que rien ne doit, rien ne devrait plus, jamais, entraver la marche triomphale de nos majestés trépidantes et volantes. Nous qui avons, à combien juste titre, en horreur désormais tout ce qui freine, stoppe, colle, cloue, arrête, empêche.

Cette fusillade par exemple, près d’Estavayer. D’un côté, «un jeune voleur de voiture français de 20 ans», de l’autre, un briscard, un vieux de la très vieille, pensez-voir, un «appointé d’une trentaine d’année». Dont on nous précise bien qu’il pratique le tir depuis huit ans. Sous entendu: c’est pas du jeu, le «jeune voleur de voiture français de vingt ans», le pauvre, n’avait aucune chance.

Le Matin, d’ailleurs, après cette mortelle rafale, va plus loin et porte la question à une hauteur carrément métaphysique: «Peut-on tirer sur un voleur de voiture?» Et les voleurs de chevaux, hein, pourquoi ne pas se demander s’il serait éventuellement légitime, comme autrefois, de les pendre haut et court?

A moins que par cette question, on veuille laisser déjà entendre la bonne réponse: que face aux voleurs de voitures, le mieux encore est de regarder passer. En se gardant toutefois d’applaudir. Encore un effort et bientôt la question sera: peut-on adresser la parole à un délinquant? A un jeune délinquant? Même français? Même voleur de voitures?

Ils sont d’ailleurs tellement odieux, ces policiers, avec leurs herses, leurs lubies d’arrêter tout ce qui bouge, leur vilain caractère, leurs mauvaises humeurs, qu’à la fin même le brave citoyen excédé finit par porter plainte.

C’est ce que raconte dans 24 Heures un automobiliste lambda passé juste avant la fusillade dans le désormais fameux tunnel de Sévaz: «J’ai vu les policiers déployer la herse. L’un d’eux était totalement hystérique. Il nous a insultés comme jamais je ne l’avais été auparavant.»

Tant pis si cet automobiliste anonyme et sa copine n’ont pas respecté les instructions données par les policiers — comme il le reconnaît lui-même. Tant pis s’ils se sont immiscés au milieu de la tentative d’interception du fuyard voleur de voiture. Tant pis oui, il va porter plainte.

Bravo. Nous, majestés trépidantes et roulantes, qui ne supportons plus d’être insultés, même quand nous l’avons un tout petit peu mérité, nous voilà désormais solidaires avec les jeunes voleurs de voitures français. Surtout s’ils sont mortellement empêchés d’aller leur chemin.

Quant au nuage, parole de naufragé en colère et de victime indignée, si c’est tout ce qu’elle a à exporter, pas étonnant que l’Islande soit un Etat en faillite ou quasi.