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Devenir invisible, le rêve et le cauchemar

L’invisibilité. Ce que la science nous promet pour demain est déjà vécu aujourd’hui par toute une partie de la population. Voyage aux confins de la transparence…

Qui rêve d’invisibilité? Depuis le casque du dieu grec Hadès jusqu’à la cape de Harry Potter, en passant par la formule de «L’Homme invisible» de H.G.Wells, beaucoup de récits mettent en scène la faculté d’échapper à la vue de ses semblables.

Durant ce mois de mars, ce qui apparaissait comme un rêve s’est pourtant rapproché de la réalité grâce aux travaux de savants qui n’ont rien de fou. À l’Institut de technologie de Karlsruhe, des scientifiques sont parvenus à créer un «bouclier d’invisibilité». Une structure microscopique en trois dimensions permettant de rendre les objets invisibles. Des cristaux photoniques et des nano-structures modifient la propagation de la lumière. Cette technique est appelée optronique.

«La cape de Harry Potter, c’est possible théoriquement, mais techniquement impossible aujourd’hui. Elle pourrait devenir réalité d’ici dix ans», estime Nicolas Stenger, un des trois auteurs d’une étude publiée dans la revue américaine Science (18.03.2010).

À grand renfort d’intelligence et de technologie, on parviendra peut-être, demain, à rendre l’homme invisible, pour le meilleur ou pour le pire. Mais cette possibilité, perçue comme une avancée majeure, est aujourd’hui vécue comme un cauchemar quotidien par toute une partie de la population. Des êtres invisibles, il en existe déjà. Florence Aubenas les rend à la lumière dans son dernier livre, «Le Quai de Ouistreham» (éditions L’Olivier).

Pendant six mois, la journaliste s’est livrée à une immersion dans le monde des femmes de ménage, des femmes invisibles. «Tu verras, quand tu seras femme de ménage, tu seras invisible», lui avait prédit Victoria, une retraitée rencontrée durant son enquête. La preuve n’a pas tardé a lui être administrée.

Alors qu’elle est au boulot, Florence Aubenas se trouve dans une pièce. Surgissent deux personnes. «Enfin, nous sommes seuls», s’exclame l’une d’elle. «Je n’étais pas cachée, au contraire, je me trouvais à quelques mètres d’eux, en train de passer l’aspirateur avec fracas. Ils ne m’entendaient pas, ne me voyaient pas. Je n’étais plus pour eux qu’un simple prolongement de l’aspirateur», constate-t-elle, sidérée.

«Nous, les vieux, nous sommes invisibles», constate une vieille dame dans «La disparition de Giulia», le film de Christoph Schaub sur les écrans romands en ce moment. Un constat que fait sien Benoîte Groult, 90 ans, qui déclarait récemment: «Quand on me bouscule au sortir du ciné, j’ai l’impression d’être invisible» (Europe 1). Des propos que l’on retrouve dans la bouche des SDF, des êtres devenus invisibles aux yeux de la plupart des passants.

D’ailleurs, moi aussi, j’ai parfois l’impression de devenir invisible. L’autre jour, dans le train, une jeune femme me bouscule pour s’installer tout en m’ignorant. Je n’en déguste pas moins les basses de son iPod, puis sa conversation avec une copine qui l’appelle sur son portable. Après une quête vaine dans son sac, elle dirige son regard vers moi: «Vous n’auriez pas un stylo?» Je ne suis donc pas transparente, j’existe pour elle. Pas longtemps. Le temps d’emprunter mon stylo. Un stylo qu’elle déposera quelques minutes plus tard sur la tablette de fenêtre, sans un mot et sans me regarder. Me voilà redevenue invisible!