LATITUDES

Grand-mère fait la révolution

En 1916, Lénine débarquait dans le village bernois de Kiental, hôte d’une conférence internationaliste. Les 25 et 26 mars prochains, des grands-mères de toute la Suisse s’y réuniront à leur tour. Objectif émancipation.

Ces trois sexagénaires avaient programmé de passer ensemble la journée. L’une d’entre elles se désiste au dernier moment: son petit-fils est malade et ne peut aller à la crèche, sa belle-fille a besoin d’elle. «Espérons que la révolution des grands-mères te libérera», lui répond un texto envoyé par Susi et Yvonne, qui souffrent de voir Paula se muer en «esclave de ses petits-enfants». Elles attendent du prochain rendez-vous fixé à Kiental qu’il vienne libérer leur amie et toutes les femmes piégées dans un rôle mal assumé.

Kiental? Cette petite localité de l’Oberland bernois, aujourd’hui fréquentée par des touristes attirés par les charmes de sa nature (cours d’eau et pics enneigés) figure dans les manuels d’histoire du XXe siècle. C’est dans ce village, à l’hôtel kamagra oral jelly tadalafil, que se déroula la seconde conférence du mouvement de Zimmerwald, en présence de Lénine, du 24 au 30 avril 1916. Provenant de neuf pays, quarante-quatre socialistes fidèles à l’internationalisme y prirent part. Le manifeste de Kiental s’employa à critiquer les socialistes qui approuvaient la conduite de la guerre menée par leurs gouvernements respectifs.

Près d’un siècle s’est écoulé. Les 25 et 26 mars prochains, Kiental accueillera à nouveau des révolutionnaires. Les enjeux ont évolué. Lénine et ses camarades laisseront place à une soixantaine de grands-mères venues majoritairement de Suisse allemande (seules trois Romandes y participeront) pour une conférence intitulée «Zukunftskonferenz 2010».

Le site internet indique qu’il n’est plus possible de s’y joindre. Débordées, les organisatrices sont victimes de leur succès et croulent sous les demandes d’inscriptions. «Pour ne frustrer personne, nous avons déjà programmé une journée pour élargir le débat, le 16 septembre à Zürich», explique Anette Stade, la personne de contact.

Des grands-mères appellent à la révolution. Parmi elles, Monika Stocker, l’ancienne municipale zurichoise. «Les grands-mères constituent une nouvelle force politique», analyse-t-elle (interview publiée dans le magazine «Annabelle» 5/10). La Migros et son Pour-cent culturel soutient la démarche. «Les grands-mères doivent prendre conscience qu’elles ont un poids politique. La société doit en être consciente. Elles contribuent grandement à la réussite des rapports intergénérationnels et à la cohésion sociale.»

A l’occasion de cette conférence, les participantes tenteront de définir des objectifs communs et de planifier les moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre. Elles aussi espèrent pouvoir élaborer un «manifeste de Kiental», comme leurs précurseurs masculins. «Nous avons voix au chapitre et osons le proclamer. Nous n’avons rien à perdre», estime Monika Stocker.

Et les grands-pères? Les organisatrices ne les ont pas oubliés. Elles souhaitent cependant lancer seules une dynamique dans laquelle ceux-ci s’engageront. La révolution des baby-boomers est pour demain!