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L’an neuf, tu parles!

Nouvelles embrouilles avec le clan Kadhafi, nouvelles misères faites à nos banques, retour du voile islamique sur le devant de la scène: aïe, 2010, c’est comme 2009. Même Chessex est encore là.

L’an neuf, tu parles… Crédit Suisse prend le relais d’UBS et se fait à son tour étriller par des plaintes collectives américaines. Le clan Kadhafi continue d’embarrasser toujours un peu plus la Confédération — diatribe anti-suisse du colonel himself en plein réveillon, prolongation du procès des otages de Tripoli, décision hésitante et fédérale d’interdire les Libyens de forum économique, etc.

La cohabitation avec les musulmans fait à nouveau question à Zurich et bientôt dans nos cantons romands, via des projets de loi un peu partout visant à interdire le voile à l’école, propres à raviver les malentendus créés par le vote sur les minarets.

Bref, en 2010 tout semble vouloir continuer comme en 2009. C’est comme si on se moquait de tous nos beaux espoirs, nos fortes résolutions, nos aspirations à des jours radieux, dignement formulées une coupelle de champagne à la main. Même les désagréables spécialités propres au mois de janvier sont au rendez-vous: les décérébrés du hors-piste continuent à semer la mort blanche; même décédé depuis trois mois, enterré sous une avalanche d’éloges, Jacques Chessex continue de publier des romans «provocants». Tellement provocants qu’ils épousent à peu près les thèmes les plus conventionnels du pire marketing, celui des tabloïds ou du cinéma de série Z. Après le vampire de Ropraz, puis le juif pour l’exemple victime du crime nazi et réchauffé de Payerne, voici donc le crâne du divin Marquis. En attendant, probablement, la biographie illustrée du sadique de Romont, qui doit bien dormir quelque part dans les fonds de tiroirs ou les poubelles du Maître.

Faut-il néanmoins croire, avec quelques observateurs enthousiastes — généralement des observatrices — que super-Doris va inverser la tendance et faire toute la différence? C’est sûr, comparé au pitoyable Hans-Rudolf Merz, la présidente Leuthard aura du mal à tomber plus bas. Elle devrait même se montrer meilleure communicatrice, plus habile vendeuse de nos embrouilles helvètes sur la scène internationale. Mais là encore la barre n’a pas été placée très haut par son prédécesseur.

Il serait quand même étonnant que les lendemains se mettent à chanter du seul fait que Doris soit plus jeune que Hans-Rudolf, qu’elle soit tellement plus femme, qu’elle possède d’innombrables paires de chaussures alors qu’on ne sait rien des godillots d’Hans-Rudolf — et que d’ailleurs personne ne veut rien savoir.

Comme si cela ne suffisait pas pour un millésime qui démarre sur un si mauvais pied, 2010 a été décrété année pas seulement de la biodiversité mais aussi et surtout de la pauvreté. Enfin, plutôt de la lutte contre la pauvreté. Et là, même la Suisse, contrairement à ce que peuvent imaginer nos indigents voisins, oui même la Suisse est concernée. 800’000 pauvres, chiffre officiel. Et un catalogue de 31 mesures préconisées par la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS).

Ce qui fait une mesure pour 25’806 pauvres et du rêve pour tout le monde: parmi les mesures vantées, on note par exemple celle qui consisterait à «mettre à disposition des emplois durables pour les chômeurs de longue durée». Dans le monde réel, on le sait, la lutte contre le chômage passe surtout par la lutte contre les déficits de l’assurance-chômage. Les mesures votées au parlement fédéral vont d’ailleurs dans le sens d’une réduction des indemnités versées aux chômeurs plutôt que d’une fougueuse création d’emplois. On mesure ainsi l’écart entre les bons vœux du nouvel an et la real politik des 364 autres jours. Cela non plus n’est pas bien neuf.