Un chien très méchant, un employé de banque félon et des Etats canailles qui se drapent de vertu. Au bal des hypocrites, à la fin, c’est le chien qui perd.
L’un s’appelle Baxter, ce qui évoque un personnage d’«Objectif Lune», mais ce n’est qu’un chien, pire: un pitbull. Baxter, on le sait, a sauvagement agressé un bébé qui ne lui avait rien fait, Bleon, âgé de 10 mois. D’autant plus inadmissible que la maîtresse de Baxter le détenait en toute illégalité.
L’autre s’appelle Falciani, Hervé Falciani, ce qui n’évoque rien, ce n’est qu’un informaticien, employé par une banque, pire: un délateur. Un rapporteur. Un mouchard.
Enfin, du point de vue suisse, qui n’en reste pas moins fort relatif, bien que suisse. Du point de vue français, en effet, ce Falciani-là serait plutôt un modèle de civisme. Dans cette affaire, entre Berne et Paris, on ne semble plus très loin loin de Marignan, match retour.
Falciani cumule ainsi dans la presse de chez nous les titres infamants comme «Voleur de données bancaires». Pensez-voir, balancer comme ça au si vorace fisc français des noms de clients d’une banque établie en Suisse, des noms volés, c’est-y pas dégueulasse? Evidemment, jouer les idéalistes, les naïfs, faire semblant de découvrir à Genève, les principes de l’évasion fiscale, quand on est né à Monaco, comme Falciani, cela semble un peu juste.
C’est donc avec d’autant plus d’aplomb qu’un ex-futur et un futur-ex-conseiller fédéral disent à peu près la même chose: «Scandaleux! Indigne d’un état de droit!»
Il semble effectivement que l’utilisation de telles données par la France soit illégale. Mais il en faut plus pour culpabiliser sa majesté au culot d’acier, Sarkozy-le-pragmatique, rétorquant, non sans cynisme, sur le thème: «Qu’aurait-il fallu en faire, de ces informations? Les jeter à la poubelle pour respecter le droit?»
Ben oui, ça aurait eu de la classe, en tout cas. Mais dans la France de Nicolas Sarkozy et de Thierry Henry, dans cette France qui triche et s’en flatte, on sait déjà que pour le style, il faudra repasser.
N’empêche, on peut trouver limite-limite également l’indignation des chevaliers blancs Luscher-Leuenberger: cette Confédération qui ferme les yeux, sinon encourage l’évasion fiscale étrangère au profit de son secteur bancaire, est-elle vraiment bien placée pour dispenser des cours de droit international tout azimut?
Mais bon, Baxter lui aussi se fait incendier en tête de page: «Ce sale chien restait accroché au visage de mon fils», dénonce la mère du petit Bleon sur six colonnes.
Sinistre coïncidence, c’est le jour que choisit le Conseil fédéral, par sa ministre de l’économie Doris Leuthard, pour écarter d’un revers de manche, sans même contreprojet, l’initiative de la SPA proposant d’instaurer l’obligation d’un avocat pour les animaux (comme le pratique déjà le seul canton de Zurich). Au motif qu’une telle institution ne ferait pas baisser la maltraitance et que la loi actuelle sur la protection des animaux suffit largement.
De toute façon, la SPA se dit sûre de l’emporter le 7 mars prochain devant le peuple — le oui caracole actuellement à 70% dans les sondages. Il s’était déjà trouvé une majorité de citoyens pour estimer, par sondage, que la vie de l’ours Finn valait plus que celle de l’handicapé mental descendu dans la fosse. Le peuple suisse est donc peut-être un tout petit peu islamophobe sur les bords, mais plus certainement, plus pleinement, zoophile.
Ce qui n’empêchera pas Baxter de passer tout prochainement un sale quart d’heure. Lui dont le destin, nous dit le quotidien 24 Heures, est désormais «entre les mains du vétérinaire comportemental.» Sans avocat, sans papier ni la moindre circonstance atténuante, on le voit effectivement mal parti, le pit.
L’affaire est moins nette pour le mouchard Falciani. Disons que dans son cas, l’opinion publique se tâte — crapule ou monsieur Propre? — et que son cœur… balance.
