LATITUDES

Le Prince charlatan et l’intox de la détox

Du Prince Charles au secrétaire au Trésor américain en passant par Katie Holmes, ce printemps tout le monde ne jure que par la détox. Diététiciens et scientifiques s’insurgent.

Prince Charles est-il un charlatan? Edzard Ernst, un professeur de médecine, spécialiste des compléments alimentaires à l’Université d’Exeter, s’attaque de front à une potion princière de détox.

L’héritier de la couronne britannique s’est lancé il y a quelques années déjà dans la production agricole biologique. Sa société commercialise divers produits. Le dernier lancé sur le marché sous l’appellation «The Duchy Herbals Detox Tincture» (15 euros le flacon de 50 millilitres) provoque des effets indésirables inattendus.

Ce complément alimentaire à base de pissenlit et d’artichaut serait en mesure de débarrasser le corps des toxines dues à la pollution, prétend son emballage. «Cela relève du charlatanisme complet et de la superstition» (outright quackery and superstition) n’a pas hésité à publier à sa une le Guardian en reprenant les propos indignés d’Edzard Ernst.

«Rien ne serait plus facile que de prouver les vertus de cette décoction. Il suffirait d’analyser le sang de quelques volontaires ayant pris leurs gouttes quotidiennes pour voir si leurs toxines ont été éliminées plus rapidement. Mais de telles études n’ont pas été faites, pour une simple raison, c’est que cette potion ne désintoxique rien du tout», accuse le scientifique.

Puis, c’est la société qui regroupe les diététiciens, la British Dietetic Association qui a pris position. Elle a tenu à rappeler qu’«il n’existe pas de potion magique pour débarrasser le corps humain des substances chimiques qu’il ingurgite». Le Ministère de la santé vient d’ouvrir une enquête pour publicité abusive après avoir reçu la plainte d’un consommateur.

Que de consommateurs pigeons potentiels à l’heure où la détox jouit d’une popularité croissante, non seulement outre-Manche mais chez nous aussi. Des formules magiques servent d’appât: «Purifiez-vous!», «Détoxifiez votre corps!», «Retrouvez votre vitalité!», «Perdez du poids!».

Les nettoyages de printemps s’étendent de notre habitat à notre organisme. Notre pauvre corps sort de l’hiver envahi de toxines qu’il s’agit d’éliminer au plus vite grâce à des remèdes miracles dont la cote fluctue avec l’arrivée sans fin de nouveaux venus. Dans le désordre, on a loué les vertus à nulles autres pareilles, du ginseng, du ginkgo biloba, de l’aloe vera, de l’ail des ours, de l’huile d’argan, du thé vert puis, mieux encore, du thé blanc.

Comment, vous ne mangez pas encore du goji? Et pourtant, cette baie himalayenne est présentée comme l’aliment le plus puissant de la planète. Le dalaï-lama en serait friand. Goji ou gogo, peut-on s’interroger en prenant connaissance de son prix: plus de 100 francs le kilo.

Autre coqueluche de la nutrition-santé, l’açai, une petite baie de couleur pourpre qui pousse sur des palmiers. Les Brésiliens qui la commercialisent aimeraient globaliser ses bénéfices et les leurs par la même occasion. Ce fruit est auréolé de vertus médicales multiples. A ses côtés, les pissenlits et artichauts du prince ne font pas le poids…

Incontestablement, la détox est la version 2009 de l’huile de serpent de jadis. Dans la foulée des people (ainsi Katie Holmes, Angelina Jolie ou Isabelle Adjani) aux programmes détox concoctés par des gourous de la forme, tout le monde s’emballe pour la détox. A commencer par tous les marchands de produits détox (crèmes, comprimés, algues, tisanes, boissons, potages, patchs, poudre de perlimpinpin, etc) et les dispensateurs de régimes et de cures.

Ceux qui ne font pas confiance à leur foie, cette véritable usine de filtrage, dépensent aujourd’hui sans compter pour accomplir cette fonction par d’autres biais. Au nombre des derniers snobismes, on compte les «détox hôtels» où il est de bon temps de se faire voir. Grignoter les macarons détox de Meurice et cuisiner les recettes du dernier bouquin de Joël Robuchon qui met en exergue les vertus détox des épices, est de bon ton également. Enfin, les accros de Facebook se purifient avec la Facecorette

Et puis, plus inattendu, c’est à l’aide d’un plan de détox que Timothy Geithner, le secrétaire américain au Trésor s’attaque à la crise.

On attend toujours, en revanche, l’album baptisé «Detox», du célèbre rappeur Dr. Dre, qui devait pourtant sortir en 2004…