LATITUDES

De la simplicité volontaire à la pauvreté choisie

La dernière philosophie à la mode prône le désencombrement, d’où l’omniprésence du slogan «less is more», qui s’impose dans le mode de vie des nantis alors que, de tout temps, les pauvres n’ont eu d’autre choix que de le vivre.

«Je ne mange pratiquement plus de viande ni de poisson, je ne sors ma voiture que lorsque je ne peux pas faire autrement, je ne téléphone qu’en cas d’urgence. Ce n’est pas un choix pour moi d’être un ‘consommateur minimaliste’ mais une nécessité. Tout simplement pour survivre, comme des milliers de personnes», témoigne Chantal dans le courrier des lecteurs du magazine Elle. Une réponse à un article intitulé «Ils en ont marre du tout-conso», une enquête sur la génération «less is more», qui veut consommer peu mais mieux.

D’apprendre que certains consomment moins pour être simplement tendance ne console pas Chantal qui, depuis deux ans, n’a plus d’emploi et voudrait tellement pouvoir consommer plus. Sa «simplicité» à elle n’est en rien volontaire. Une précision et un rappel nécessaires à l’heure où, la crise aidant, consommer moins outrancièrement paraît raisonnable et suscite des vocations pour «cheapest cialis super active» ou, appellation plus mode, la «simplicité volontaire». Un concept que résume bien l’expression «less is more».

Le slogan ne date pas d’hier. On le doit en effet à l’architecte Ludwig Mies van der Rohe, un des pères du minimalisme. Réservée jusqu’ici au monde de l’architecture et du design, l’injonction «moins, c’est plus» ou «moins, c’est mieux» accompagne les changements suscités par l’actuelle crise financière et s’apprête depuis peu à toutes les sauces.

Un petit échantillon. Les recessionistas troquent, partagent, recyclent. Loin de les déprimer, la crise les inspire. Ravies, ils découvrent la créativité suscitée par le «moins c’est mieux». L’astrophysicien Hubert Reeves souhaiterait que l’on en fasse de même avec l’énergie, «il faut diminuer nos dépenses énergétiques: faire mieux avec moins». Les politiciens le mettent en bonne place dans leurs discours. «Less talk more action», vient d’annoncer le ministre britannique du commerce. «Consommer moins pour travailler moins et vivre mieux», préconise Jörgen Larsson, chercheur à la faculté de sociologie de l’Université de Göteborg et adepte de la décroissance.

Le slogan remplit les porte-monnaie des nombreux conférenciers qui dispensent les recettes du désencombrement et de l’allégement. Plus anecdotique, il réjouit les bricoleurs persuadés que «construire sa maison c’est moins cher et plus sain», les pêcheurs qui constatent que «less money, more fishing». Mais less monney, c’est aussi more sex selon une enquête parue dans «Flagrants Délices» qui indique qu’un Français sur trois déclare avoir plus de rapports sexuels depuis le début de la crise financière.

Paradoxalement, cet oxymoron est aussi au service du marketing. Il fait vendre sanafi tadalafil 20mg qui l’affichent en couverture, des livres aux titres éponymes, en anglais surtout, mais en français également depuis peu, des voitures (rouler avec Fiat c’est «cialis availability uk», chez Saab, il se fait allusion au minimalisme du design scandinave mais aussi à la maîtrise de l’art de la suralimentation), des nuitées «tadalafil tablets spc» en hôtels, en produits alimentaires ou cosmétiques, et bien d’autres choses.

La nouvelle philosophie de «la simplicité volontaire» permettra-t-elle aux nantis d’entrer sans trop de douleur dans l’ère de frugalité annoncée? Dans la nature, lors des grands cataclysmes et autres changements climatiques, les plus gros et les plus forts n’ont pas forcément bien su résister. Ce sont souvent les créatures les plus humbles qui ont survécu. C’est chez les plus vulnérables que l’ingéniosité adaptative a développé ses plus belles inventions. Jean-Marie Pelt souhaiterait que les humains entendent cette leçon tirée de la nature qui fait de l’égoïsme la maladie mortelle des plus forts et de la solidarité la force indéfectible des faibles.

Dans «La raison du plus faible» (Fayard), le professeur émérite de biologie végétale montre l’extraordinaire énergie des petits, réputés faibles. Les regards de Majid Rahnema et Jean Robert convergent sur ce constat. Dans «la Puissance des pauvres» (Actes Sud), ils rappellent opportunément l’existence des quatre milliards de femmes et d’hommes qui vivent avec moins de deux dollars par jours: «il s’agit de les écouter, de s’ouvrir à eux, de comprendre leur langage, de les aimer et de faire confiance à leur puissance de pauvre, pour qu’un jour, peut-être, des peuples à venir puissent enfin redécouvrir la joyeuse liberté de la pauvreté choisie» (p.13).

En passant l’hiver en compagnie des SDF, l’écrivain allemand Günter Wallraff a initié une démarche qui ne fera vraisemblablement pas école mais qui n’en est pas moins exemplaire.