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Au plaisir de la grande histoire

La naissance du christianisme racontée hors contexte religieux: c’est le sujet d’une extraordinaire série documentaire en 12 épisodes à voir sur Arte.

Mordillat et Prieur sont de retour sur Arte avec «L’Apocalypse», un documentaire historique exceptionnel présenté en douze épisodes de 52 minutes chacun. Comme nous avons découvert la série «Corpus Christi» il y a déjà dix ans et «L’Origine du christianisme» il y a cinq ans, une petite piqûre de rappel n’est pas inutile.

Gérard Mordillat et Jérôme Prieur sont deux compères en intellectualité polyvalente capables d’écrire, de scénariser et de filmer des tranches d’histoire qu’ils auront préalablement décortiquées en recourant à la littérature spécialisée et à ses auteurs.

Leur spécialité? Les débuts du christianisme, religion dominante du monde européen et de ses anciennes colonies. Leur truc? Se hâter très lentement sur les chemins de la découverte. La clé de leur succès? La rigueur historique et esthétique.

Prendre les débuts du christianisme comme champ de recherche est d’une grande habilité. C’est une période que tout le monde, même sans être religieux, connaît un peu. Suffisamment pour que quelques noms, Jésus, Marie, Joseph, Judas, etc., résonnent dans tous les cerveaux. Mais pas assez pour que le téléspectateur, même plus que moyen, puisse s’y retrouver aisément.

Notamment parce que deux cultures s’entrecroisent à ce moment-là: la culture laïque enseignée dans nos écoles qui met l’accent sur l’empire romain et sa civilisation et la culture religieuse enseignée par les Eglises qui s’efforce d’ignorer la précédente. Pour le simple pékin, il n’est pas facile de faire la jonction, de se dire par exemple que Jésus est un prophète juif exécuté sous Tibère. Racontée hors contexte religieux, la naissance du christianisme commence par intriguer, puis elle passionne.

Elle passionne d’autant plus que les auteurs prennent doublement leur temps. Ils ne lésinent pas sur la longueur du travail d’enquête (lectures, entretiens): six ans entre la première et la seconde série de films, quatre ans entre la deuxième et la troisième. Cette longueur se retrouve au niveau des produits: «L’Apocalypse» est traitée en douze épisodes de 52 minutes.

A cet étalage dans le temps correspond une rigueur dans la méthode soulignée par le recours systématique au clair obscur pour les entretiens. Les intervenants (une cinquantaine d’universitaires spécialisés issus de pays divers) sont filmés en gros dans la même position: assis à une table devant un ou deux livres. Seuls les visages et un ouvrage sont éclairés, le reste demeurant dans la pénombre.

C’est l’attitude des savants dans la peinture flamande. Elle irradie le savoir et l’autorité. Cette autorité est de surcroît décuplée par un stratagème: les intervenants ne sont ni questionnés (on ne voit jamais le journaliste) ni confrontés à des confrères porteurs d’avis différents. Le téléspectateur a sous les yeux le Livre et son commentateur. La diversité des opinions, les dissonances, apparaissent au fur et à mesure du déroulement de l’exposé sans qu’il soit nécessaire d’élever la voix et d’attirer l’attention sur tel point de détail. Du grand art!

Sur le fond, le travail de Mordillat et Prieur nous dévoile le foisonnement extraordinaire du débat religieux au moment de l’apparition du christianisme. Les idées partaient littéralement ans tous les sens et ce n’est qu’une petite partie des textes produits que la tradition et les pères de l’Eglise ont retenu pour composer ce que l’on a peu à peu appelé le Nouveau Testament.

Ce Nouveau Testament dont le dernier livre est justement L’Apocalypse de Jean de Patmos, cette «révélation» (apocalypse) sur la fin du monde toute proche. A l’époque, les apocalypses pullulaient: il y a par exemple une dizaine d’apocalypses concurrentes traduites et présentées dans les deux volumes de la Pléiade consacrés aux cialis special offer.

C’est sans doute cette mise en perspective des origines de la religion chrétienne qui fait l’intérêt majeur des documentaires de Mordillat et Prieur. Qu’ils soient eux-mêmes non croyants ajoute à la distanciation sans pour autant être un gage d’objectivité.

L’histoire n’est jamais objective: les auteurs nous narrent leur perception propre de l’apparition d’un phénomène religieux qui a imprégné en profondeur la civilisation occidentale. Ils nous mettent sous les yeux le formidable bouillonnement d’où est issue notre pensée, puis ils en suivent l’affaiblissement et, enfin, son tassement dans le cadre figé de la tradition.

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«L’Apocalypse», de Mordillat et Prieur, tous les mercredis et samedis à 21 heures, sur Arte.