CULTURE

Une chance pour un Bilbao sur Léman

Le projet de Musée cantonal a été refusé par la population vaudoise. Bon débarras! La voie est libre pour l’icône architecturale que mérite la région lémanique. Une occasion à saisir.

Le peuple vaudois a donc refusé le nouveau Musée des beaux-arts que lui proposaient ses autorités. Bon débarras. Ce projet n’était pas seulement moche et banal: il donnait aussi une image terriblement provinciale d’une région qui mérite beaucoup mieux.

Ses partisans, portés par leurs bonnes intentions, refusaient de voir les défauts de cet édifice posé au bord du lac comme une institution culturelle de plus dans une région qui compte déjà son lot de musées de taille moyenne et d’ambition locale.

Les amis lausannois de la culture se disaient «c’est cela ou rien», alors autant défendre ce bloc de béton, faute de mieux. Ce manque de souffle a été sanctionné dimanche par la population. On a évité le pire.

Ce n’est pas faire injure à la collection cantonale des beaux-arts (qui se sent à l’étroit dans son palais de Rumine) que de relever son manque d’attractivité à l’échelle internationale. Quelle que soit sa valeur, elle ne peut pas, à elle seule, justifier que des touristes allemands ou japonais se déplacent en masse dans la région lausannoise pour venir l’admirer. Il faut davantage: un concept de musée original, des partenaires ambitieux et une architecture iconique.

Les autorités vaudoises n’avaient ni le concept original de musée, ni les partenaires ambitieux. Pas étonnant que leur concours ait été gagné par ce triste «Ying Yang» (sic) des architectes zurichois Berrel, Kräutler et Wülser, qui passe aujourd’hui à la trappe.

Les autorités doivent donc tout remettre à plat et réorganiser un concours au plus vite, en précisant, cette fois-ci, quelques points importants: il ne s’agit pas de construire «le plus beau musée du canton de Vaud», ni même «l’un des plus grands de Suisse». Il faut construire un musée d’ambition internationale, l’un des plus beaux du monde.

Pour cela, le projet ne doit pas se limiter à la seule fonction d’hébergement des oeuvres qui dorment dans les sous-sols de Rumine car un simple Musée vaudois des beaux-arts ne réussira même pas à séduire le public des autres cantons.

Il faut un concept unique. Alors pourquoi ne pas créer un ambitieux Musée des beaux-arts et de l’architecture, qui, en plus de présenter les oeuvres mentionnées ci-dessus, capitaliserait sur la réputation des bâtisseurs suisses, Le Corbusier en tête, pour présenter les plus belles créations architecturales du monde?

Ce n’est là qu’une idée parmi d’autres. On pourrait aussi imaginer un Musée des beaux-arts et de l’horlogerie, qui s’imposerait rapidement comme une destination inévitable pour les amateurs d’art horloger venus du monde entier (la région romande ne manque pas de compétences dans ce domaine). Ou encore un Musée des beaux-arts et du design, avec participation de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (Ecal).

Bref, il s’agit de définir un projet unique, qui puisse s’imposer à l’échelle non pas lausannoise, mais globale.

Pour cela, le canton de Vaud ne suffit pas. Les autorités doivent aller chercher des partenaires dans les autres cantons, histoire d’élargir leur horizon et d’obtenir une plus grande force de frappe financière (une collaboration genevo-vaudoise serait-elle forcément vouée à l’échec à l’heure où le Musée d’art et d’histoire de Genève cherche lui aussi à se redimensionner?)

La participation de partenaires privés, notamment dans le domaine du luxe ou de l’horlogerie, pourrait également donner de l’ampleur au projet. D’autant qu’il s’agit de frapper fort sur le plan budgétaire et architectural.

Car au fond, chacun sait que seul un bâtiment à l’architecture provocante, signé par un très grand nom du secteur, réussira à emballer les touristes étrangers. La future institution pourra rivaliser avec les musées de Dubaï ou de Bilbao, avec la Tate Modern ou l’Esplanade de Singapour.

Et la région lémanique aura enfin le grand musée qu’elle mérite.

On entend déjà les critiques: trop cher. Mais en ces temps de crise, les autorités cherchent justement à relancer l’économie avec de grands travaux, alors pourquoi pas celui-là?