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L’argent de Tsonga, de Kerviel et d’Ospel

Mais aussi de Ramadan, de Blocher et de Clinton: le nerf de la guerre est devenu la seule vraie aventure et n’épargne plus personne.

Ainsi donc, quatre navettes spatiales ont quitté la Société Générale, aussi vite, aussi mystérieusement et virtuellement qu’elles y étaient arrivées. Quatre navettes ou plutôt leur équivalent en dollars.

Ainsi donc, l’UBS a perdu quatre milliards à cause d’un système d’endettement en vigueur aux Etats-Unis, mais ce n’est pas grave, on se refait par de l’argent frais qui, lui, dormait, bien tranquille, à Singapour.

Ainsi donc, Hani Ramadan, pour son amour immodéré du lancé de cailloux, a été récompensé par l’Etat de Genève: 1,2 millions (autant dire rien, une roue de navette spatiale) ce qui prouve sans doute qu’au bout du lac, à l’Instruction publique comme à la justice, il y a encore trop peu de femmes dans les hautes sphères de décision. Trop peu de femmes adultères en tout cas.

Ainsi donc, à l’instant même où il passait, en quelques heures et échanges de baballes, du statut de branleur des courts bien connu dans son département, à celui de star internationale, Jo-Wilfried Tsonga, avant même que le dernier jeu de l’Open d’Australie ne soit conclu, connaissait déjà les riants avantages à payer ses impôts dans une petite commune vaudoise.

Un cul de sac dont les Confédérés mêmes n’avaient pour la plupart, et jusque là, jamais entendu parler: La Rippe, pas de panique, le magot est au chaud. A quelques mètres du vorace fisc français qui viendra se casser les dents sur les barbelés de la seule frontière qui compte désormais: fiscale.

Ainsi donc, à propos de son beau métier, le président des banquiers privés suisses Pierre Darier parle d’OFNI (objets financiers non identifiés) que plus personne ne semble capable de bien maîtriser. La Finance, lieu désormais de toutes les exaltantes péripéties, des explorations les plus folles, des conquêtes les plus audacieuses.

Oui, désormais, l’aventure, la vraie, est au fond de la corbeille, et le héros du moment, célébré à travers le monde, de blogs en blogs, c’est le petit breton Kerviel.

Ainsi donc Martin Beniston, titulaire de la Chaire de climatologie de l’Université de Genève, nous explique, dans Le Temps, que l’économie, c’est comme la météo et les organismes vivants: ça ne prospère et ça ne devient intéressant et complexe qu’au bord du chaos.

Ainsi donc, un magnifique projet vient de sortir de la besace de la commission des institutions politiques du Conseil des Etats: rendre légale la déduction fiscale des versements, mêmes occultes, aux partis politiques. Jusqu’ici, le Tribunal fédéral condamnait ces pratiques, autorisées dans certains cantons, au motif sans réplique que «les partis politiques ne sont pas d’utilité publique et leurs premiers buts ne sont pas des buts de services publics».

Dans la proposition de la commission, cette notion d’utilité publique passerait miraculeusement à la trappe. Pour les entreprises soucieuses de se concilier les bonnes grâces du politique, c’est du win-win: j’arrose et, dans la foulée, je déduis.

Ainsi donc, Christoph Blocher reprend du poil de la bête, prêt à réarpenter, comme au bon vieux temps, les estrades du pays profond. Tous ceux qui l’ont déjà entendu en meeting savent bien que l’ancien Conseiller fédéral ne parle que d’une chose lorsqu’il s’adresse aux foules: pognon, flouze, money, money, money.

Connaissez-vous les sommes folles que nous coûte chaque requérant-profiteur? Et l’addition terrifiante d’une adhésion à l’Union européenne? La voici détaillée pour chacun: tant pour toi le paysan, tant pour toi le valeureux patron de PME, tant pour toi le salarié, und so weiter.

Ainsi donc, ailleurs, Hillary Clinton entend ressortir la même botte secrète qui avait permis à son mari, voilà 16 ans, de conquérir l’Amérique: la jouer à l’économie, ou plutôt mettre en avant, dans les débats, les problèmes économiques, avec ce fameux slogan meurtrier qui fit la gloire de Bill:

«It’s the economy, stupid.»