LATITUDES

Des médecins beaucoup trop bavards

Dans le but d’améliorer leurs relations avec leurs patients, de plus en plus de médecins n’hésitent pas à parler de leur vie privée lors des consultations. Une étude vient de démontrer l’inefficacité d’une telle pratique.

Elle s’en veut, Simone. Pourquoi a-t-elle fait allusion aux toiles accrochées dans la salle d’attente? Son médecin, un peintre du dimanche, en a profité pour lui parler de sa passion pour l’aquarelle. Après de longues minutes, il a mis un terme à cette plage égocentrique en lui demandant son adresse e-mail pour la tenir au courant de ses expositions dont elle n’a rien à cirer.

Au terme de cette première consultation avec ce généraliste, elle hésite à porter son choix sur un confrères moins bavard. Pas sûr qu’un changement lui épargne pareille mésaventure. Claire vient de me confier que la doctoresse qui la soigne croit certainement pouvoir relativiser ses bobos en évoquant les siens: «Des bouffées de chaleur et des varices qui l’éloignent des courts de tennis».

Hugo est dans la même situation. Son urologue lui faire part des résultats des compétitions de VTT auxquelles il participe et de l’évolution de son poids. Des propos chronophages qui l’agacent, lui qui ne demande qu’«à être écouté pour être bien soigné».

L’époque où le docteur, que l’on appelait d’ailleurs encore «Docteur», s’en tenait à un discours exclusivement professionnel est révolu. Une attitude qualifiée souvent de «froide» et de «trop distante». Nous étions alors dans une relation médecin-patient verticale. Aujourd’hui, place à l’horizontalité!

Par souci – bien intentionné – d’établir une relation de confiance, des médecins de plus en plus nombreux font allusion aux membres de leur famille, à leurs problèmes de santé, à leurs vacances voire même à leurs convictions politiques lors des consultations, bref, à leur vie privée.

Une étude a été menée pour tenter d’apporter la preuve des bénéfices de telles révélations sur la qualité de la prise en charge des patients. Ses résultats ont stupéfait ses auteurs: aucun bénéfice n’en découle et, plus gênant, de tels propos privent les patients de la possibilité de formuler des informations utiles pour leur traitement.

Les cialis europe online viennent de publier les résultats insoupçonnés enregistrés par une équipe de chercheurs de l’Université de Rochester (Etat de New York) emmenée par Susan McDaniel, professeur en psychiatrie.

«La plupart des médecins pensent que faire allusion à sa vie privée est une bonne idée pour construire une relation de qualité, constate-t-elle. Aujourd’hui, le système de la santé exige des médecins qu’ils voient beaucoup de patients. Le temps qui peut leur est consacré est bref et tout ce qui ne se rapporte pas directement à leur prise en charge est une perte de temps.»

En démarrant son étude, l’équipe de Rochester pariait au contraire sur les bénéfices des «confidences privées» du médecin pour susciter un encouragement auprès du patient à se confier davantage. Un impact démenti par les consultations analysées.

Cent médecins généralistes se sont prêtés à l’examen. Deux patients-comédiens allaient prendre rendez-vous chez eux pour tester leur pratique. Sur les 193 consultations enregistrées, 4 ont été supprimées pour des raisons de mauvaise qualité du son et 76 parce que les médecins avaient reconnu les pseudo malades.

Parmi les 113 consultations retenues, 34% contenaient au moins une révélation privée de la part du médecin. Aucune des révélations n’était en relation avec la situation du patient. 85% ont été jugées «inutiles» et 11% carrément «perturbatrices».

«Le patient attend de son médecin qu’il focalise toute son attention sur lui. L’empathie et la compassion sont plus utiles que toute allusion à la vie privée du médecin», affirme Susan McDaniel, qui espère que son étude sera lue par de nombreux médecins qui modifieront ensuite leurs consultations en réalisant que parler de soi-même est une stratégie inefficace pour améliorer ou établir une bonne relation avec son patient.

Mieux encore, elle souhaiterait que des cours de communication soient inclus dans les études de médecine.

Quant aux patients, une telle étude leur permettra de diagnostiquer si leur médecin fait partie du tiers des bavards…