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La fin de la bipolarité

Quel que soit le résultat du vote du 6 mai, la présidentielle de 2007 restera dans l’histoire comme le grand tournant de la Ve République, l’amorce de son déclin.

Cette concomitance avec la retraite de Jacques Chirac n’est peut-être pas un hasard. Chirac en effet avait une certaine légitimité gaulliste, encore que sa carrière n’ait vraiment commencé qu’avec la chute de de Gaulle à la fin des années 1960.

La France se distingue dans le concert démocratique des nations par son aptitude à épuiser ses constitutions et à changer de régime pour obéir aux tendances politiques profondes du moment. C’est l’effet du bouillonnement du chaudron républicain opposé, par exemple, à la pérennité snob du bipartisme britannique.

Le trait de génie de de Gaulle fut d’éliminer le centre (incarné par le radical-socialisme de la IIIe République et ses épigones de la IVe après la dernière guerre) en contraignant les Français à répondre à un réflexe sinon bipartisan au moins bipolaire, gauche et droite.

Le symbole de cette bipolarisation était représenté par l’élection présidentielle, par la multiplicité des candidats au premier tour, par le face à face gauche droite au second. Or l’échec de Jospin en 2002 et le duel saugrenu Le Pen-Chirac soutenu par deux personnalités qui n’avaient même pas attiré un électeur sur cinq sur leur nom porta le premier coup de boutoir au système.

La percée de François Bayrou vient de lui en asséner un deuxième. La virulence avec laquelle la droite dénonce l’attitude de ce candidat qui, quoiqu’éliminé provisoirement du jeu, persiste à vouloir participer au débat et même à peser sur le deuxième tour, en dit long sur son angoisse. Maîtresse du jeu dans un pays majoritairement à droite, elle peut perdre durablement le pouvoir si la gauche et le centre parviennent à réunir les conditions d’un rassemblement crédible.

Il convient de ne pas oublier que le seul vainqueur de la droite au cours du dernier demi-siècle fut Mitterrand, le décoré de la francisque, qui n’avait rien d’un gauchiste sulfureux. Ségolène Royal, fille d’officier OAS et lepéniste, cherche à jouer cette carte-là. Et Bayrou qui ne manque pas d’appétit sait bien que la soupe sera meilleure chez elle que chez Sarkozy qui ne brille guère par son esprit partageux.

Au soir du 22 avril dernier, Dominique Strauss-Kahn aurait ironisé sur la prétendue victoire de Ségolène qui se vantait d’avoir fait aussi bien que Mitterrand en 1981 en précisant: «Oui, mais, à côté, les communistes faisaient 15%!» Tout à son irritation, DSK oubliait qu’à côté des 26% de Ségolène, Bayrou en faisait 18!

Cette Union du centre-gauche en voie de cristallisation à court ou moyen terme va entraîner une forte crise au sein du parti socialiste en contraignant son aile gauche soit au silence, soit à la scission. Dans tous les cas à l’impuissance tant les querelles de chapelles sont le lot de tous ceux qui se trouvent à la gauche de la gauche, quel que soit leur pays. On le constate à Berlin et à Rome aussi bien qu’à Genève.

Cette nouvelle configuration des forces politiques nous promet, journalistiquement parlant, d’alléchantes bagarres pour les élections législatives de juin prochain. Mais aussi, hélas! peu de nouveautés.

Un immense boulevard s’ouvre pour le nombrilisme hexagonal de politiciens toujours convaincus de peser sur le sort de la planète alors qu’ils triomphent dans des comices régionaux. L’Europe, l’Afrique, le monde arabo-musulman, l’écologie sont toujours absents d’un débat qui tourne en rond en passant de la sécurité au chômage et vice-versa.

Et surtout, les candidats — les vrais et l’intrus — ne proposent toujours rien de concret pour réformer un Etat omniprésent et tout puissant conçu à l’âge baroque.