TECHNOPHILE

Téléphone mobile: les derniers résistants

Ils sont jeunes, ils vivent sans portable et ils ne s’en portent pas plus mal. Rencontres.

Un 4×4 est stationné dans un paysage de rêve. «Soyez hors d’atteinte, dit la publicité. Préférez le bruit des vagues à la sonnerie du portable. Nous entendons bien qu’un conducteur Mercedes-Benz demeure inatteignable également à l’avenir…» Pour un peu, on croirait à une cure de désintoxication pour accros du mobile.

Les abstinents du téléphone portable se recruteront-ils bientôt parmi les classes fortunées? Pour l’instant, ils semblent plutôt appartenir aux militants de la première heure, à l’image d’Alexandre Kunzer, étudiant chaux-de-fonnier de 25 ans. «Mon père a voulu m’offrir un mobile quand je suis parti à l’armée, mais je l’ai refusé. Je ne veux pas être contraint de rester accessible en permanence.»

A l’heure où le marché arrive à saturation (il y a plus d’un appareil par habitant en Europe), les rares exclus suscitent plus que jamais l’incompréhension, voire la méfiance. «Parfois, dit Alexandre, j’ai l’impression d’être perçu comme un résistant à la modernité.» A tort: il dispose d’une connexion internet et il s’en sert, tout comme Jérémie Teinturier, 26 ans, étudiant à Lausanne, qui refuse lui aussi de s’équiper d’un portable. «Je préfère rencontrer les gens plutôt que de les appeler, dit-il. Le seul désagrément, c’est quand je suis obligé de trouver une cabine. Elles deviennent rares. Mais comme tout le monde a un portable, je m’en sors…»

Xavier Schwarz, 25 ans, coursier à vélo, a pris la décision de ne pas avoir de mobile il y a plusieurs années déjà. «Je participais à des sondages pour des opérateurs, et ça m’a permis de constater l’usage souvent débile qui est fait de cet appareil.» Aujourd’hui, dans le cadre de son travail, il est bien obligé d’en utiliser un, mais «je le laisse au boulot quand je pars.» Il arrive aussi que sa mère fasse office de centrale téléphonique. «Je me repose sur elle, c’est vrai.» En ce qui concerne la vie sociale, les relations peuvent parfois devenir compliquées. «Mon entourage estime que je suis de moins en moins atteignable, alors que rien n’a changé de mon côté, dit Xavier. C’est eux qui font preuve de moins en moins de patience.»

Alexandre, Jérémie et Xavier reconnaissent que la vie sans portable n’est pas simple tous les jours. «Pour les emplois sur appel, je suis obligé de rester à côté de mon téléphone fixe, dit Alexandre. Ou alors je donne le numéro d’amis avec qui je suis.» Quant à Xavier, il admet que certaines personnes cherchent moins à l’atteindre, «mais cela ne concerne pas les plus proches». Les trois jeunes gens observent la manière dont leurs semblables deviennent dépendants du mobile, et cela ne leur donne aucune envie de s’équiper. «Je remarque, en ce qui concerne les rendez-vous, que les engagements sont de moins en moins tenus, dit Alexandre. Ceux qui sont en retard appellent simplement avec leur portable pour avertir…»