CULTURE

Ces silhouettes qui affolent les publicitaires

De l’affiche pour l’iPod à la pub pour le dernier Nokia, depuis quelques mois, elles sont partout. Ces ombres chinoises d’un nouveau genre, élégamment stylisées, font une percée chez les branchés du graphisme.

La pub pour l’iPod d’Apple a lancé la tendance. Sur fond rose, elle montre une mince silhouette féminine, déhanchée et sexy, que l’on imagine en train de danser. Depuis quelques mois, ces silhouettes sont partout. Les publicitaires utilisent de plus en plus souvent des courbes et autres ombrages à la place des photos.

Ils abandonnent ainsi une des règles de base des annonces accrocheuses: le contact oculaire (le fameux «eye contact»), dont on sait pourtant, études de marché à l’appui, qu’il est le plus vendeur.

Simple et directe, la silhouette se distingue élégamment dans la jungle publicitaire. Exemples récents:

Profil fuchsia sur fond rose d’une jeune femme aux cils délicieusement recourbés et cheveux au vent chez SAS (Scandinavian Airlines).

Dans les tonalités bleuâtres, une silhouette féminine agenouillée pour le modèle 7200 de Nokia.

Masculine, une silhouette noire sur fond bleu mauve, se veut la nouvelle carte de visite de Madelios, adresse de confection homme à Paris.

American Express utilise la silhouette d’un magicien pour faire sa promotion.

Il n’y a pas que la pub qui raffole en ce moment des silhouettes. «Type», le magazine de l’homme en Suisse, en a intégré une dans son logo, et la décline en illustration tout au long de son numéro printemps/été. C’est clair, les graphistes aiment ces personnages stylisés. Au point de lâcher les visages en couverture de certaines revues au profit d’ombres chinoises version seventies. Même tendance sur les cartons d’invitation et autres flyers.

Alors que s’installe une vogue silhouette, pratiquons un rapide détour par l’étymologie de ce mot. Il existe plusieurs versions concernant l’origine de ce «dessin qui représente un profil tracé autour de l’ombre d’un visage». Pour le Littré, le nom vient d’un seigneur du 18è siècle, Etienne de Silhouette, dont la distraction consistait à tracer le contour des visages de ses hôtes sur les murs de son château de Bry-sur-Marne. Plusieurs salles de l’édifice sont ainsi restées couvertes de ces dessins que l’on baptisa du nom de leur créateur.

Le Grand Robert donne une version plus surprenante. L’origine du nom viendrait d’une expression, «à la silhouette», qui remonte à 1759, lorsque le même Etienne de Silhouette était un ministre français des finances impopulaire pour ses mesures d’économie. «A la silhouette» désignait alors des objets faits «à l’économie», c’est-à-dire réalisés sommairement, avec peu de moyens.

Si l’on se fie à cette dernière origine, peut-être conviendrait-il de voir dans la mode actuelle des silhouettes une sorte de corrélation entre période de vaches maigres et économie du trait dans l’esthétique qui l’accompagne? A moins que, plus simplement, l’explication ne soit à chercher du côté d’un logiciel de dessin comme Illustrator d’Adobe et les images vectorisées qu’il génère si aisément?