Entre 15 et 20 ans, les jeunes doivent quitter les soins pédiatriques pour les soins adultes. Des mesures sont mises en place pour atténuer les potentiels effets négatifs de cette transition, surtout dans les cas de maladies chroniques.
«Maintenant, ça va bien. Je n’ai plus de gêne, j’arrive à communiquer. Et je me sens écoutée.» Atteinte de malformation cardiaque, Thalia Michellod est suivie depuis la naissance par le CHUV. Le nouveau programme de transition du Service de cardiologie du CHUV lui a permis de passer de l’Unité de cardiologie pédiatrique au Secteur de cardiologie adulte, avec sérénité, malgré quelques frayeurs au début. «Lorsque j’ai appris, à l’âge de 18 ans, que je changeais de prise en charge, je me suis sentie lâchée, perdue. C’était très stressant. Dans un deuxième temps, j’ai découvert qu’il y avait un programme spécial. Ça m’a rassurée», témoigne la jeune femme de 22 ans.
Habituellement, le passage de la pédiatrie aux soins adultes consiste en un simple transfert des patient-es. Les informations sont transmises d’un système à l’autre, mais sans processus d’accompagnement. Or, cette transition peut provoquer beaucoup d’anxiété tant aux jeunes qu’à leurs parents, qui craignent que la nouvelle prise en charge ne soit pas adaptée.
En outre, le ou la jeune doit apprendre à gérer seul-e ses consultations, et plus largement sa santé, alors qu’il, ou elle traverse de profonds changements psychologiques, physiologiques et sociétaux. Un vrai défi. «Certains jeunes n’ont pas conscience qu’ils doivent absolument continuer leurs contrôles de suivi. On les perd de vue. Ils reviennent beaucoup plus tard, avec de nombreux problèmes de santé», témoigne Colette Gendre, infirmière spécialisée de l’Unité de cardiologie pédiatrique.
Pour remédier à cette problématique, la médecine de transition se développe depuis plusieurs années, en particulier dans le cadre des maladies chroniques. Elle permet la mise en place d’un processus organisé et coordonné, réparti en trois étapes : la préparation, le passage et le suivi. La thématique du transfert est discutée dès le début de l’adolescence, afin que cette étape soit perçue comme normale. Le moment de la transition est décidé conjointement. Les questions de droits, de responsabilité et de prévention sont abordées.
Lors de la transition, des rencontres réunissent le ou la jeune, les parents, l’ancienne équipe soignante et la nouvelle, idéalement une fois en pédiatrie et une fois en soins adultes sont organisées. Au CHUV, le Service de cardiologie a fait passer en 2017 le nombre de consultations conjointes de un à cinq, si nécessaire. Pour le Service de cardiologie, cela signifie 80 consultations de transition par an. « On leur apprend à connaître leur maladie, à savoir se positionner, à prendre leur place et à poser des questions. Si on voit qu’ils n’ont pas osé aborder certains aspects, on leur demande, à la fin de la séance, s’ils souhaitent en parler», précise Colette Gendre.
Depuis janvier 2023, deux infirmières de l’Unité de cardiologie pédiatrique passent chacune, une journée par semaine en cardiologie adulte. « On peut ainsi s’assurer que le jeune se rend sur place. S’il ne vient pas, on l’appelle, on discute. Souvent, les jeunes expliquent que la prise de rendezvous n’est pas leur priorité, ils préfèrent les convocations », précise Colette Gendre. Désormais, de nombreux services du CHUV, comme la rhumatologie, l’endocrinologie, l’oncologie ou encore la psychiatrie, proposent une médecine de transition. «En réalité, tous les jeunes devraient pouvoir en profiter. Le jeu en vaut vraiment la chandelle», conclut Colette Gendre.
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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans In Vivo magazine (no 29).
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