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Lausanne comme sur des roulettes

Les sports urbains s’épanouissent généreusement en ville, et plus particulièrement le roller. Depuis trente ans, la Capitale Olympique est également celle, plus officieuse, de cette discipline, attirant des riders du monde entier. Notamment trois champions du monde.

Le 23 juin, Lausanne fête les 30 ans de son titre de Capitale Olympique. Elle est également Ville Olympique depuis l’organisation très réussie de la version hivernale des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) en 2020. Ce rayonnement est encore renforcé par la présence de plus d’une cinquantaine de fédérations et organisations sportives internationales, du nouveau Tribunal arbitral du sport (TAS) et d’un centre antidopage mondialement reconnu.

Ce qu’on ignore toutefois souvent, c’est qu’en ville, nombre de sports jeunes ou urbains prospèrent. Parmi eux, les nouvelles disciplines olympiques que sont le skateboard, le BMX et le breakdance. Né de la culture hip-hop, très présente à Lausanne dès les années 1980, ce dernier est notamment célébré en grand grâce à deux manifestations organisées sur l’Esplanade de Montbenon, depuis plus de vingt ans, par l’association JDS Events, spécialisée dans les arts urbains: la Journée 100% hip-hop, en août, et le festival Au-delà des préjugés, en janvier.

Parmi les autres disciplines qui feront leur entrée aux Jeux Olympiques de Paris cet été, l’escalade sportive dispose d’un véritable temple à Lausanne, aux Halles sportives de Beaulieu, avec des infrastructures sur plus de 1500 m2. Au Mont-sur-Lausanne, Le Cube couvre une surface équivalente. Tandis qu’à Ecublens, à quelques minutes de Lausanne, l’espace Totem propose des passages et des blocs sur 1600 m2. Également nouvellement représenté aux JO, le basket 3×3 n’est pas en reste : une manche du prestigieux World Tour dédié à cette discipline en plein boom se dispute chaque été à Lausanne. Et, en téléchargeant l’application Equip, les amateurs ont aussi la possibilité d’emprunter gratuitement des ballons de basket, mis à disposition dans deux casiers sur les installations sportives de l’Espace Fair-play, à Vidy. Deux nouveaux terrains dédiés au 3×3 y ont de plus été inaugurés l’année dernière.

Mais les exemples emblématiques du dynamisme sportif de Lausanne sont sans conteste ceux du roller et du longboard downhill (ou de descente). Grâce à sa topographie pentue, mais pas uniquement, la Capitale Olympique est en effet aussi la capitale mondiale officieuse de ces disciplines. Ce statut a été gagné tout naturellement, voilà trois décennies également lorsque, à l’âge d’or du roller, la première édition de l’International Roller Contest réunissait 100 000 personnes à Vidy pour en faire le Woodstock du patinage.

Depuis, la capitale vaudoise est culte dans le milieu. Le site www.downhillwings.ch répertorie les meilleures routes pour pratiquer ces sports à Lausanne. Dans quasiment aucune autre cité au monde, pas même à San Francisco, on ne trouve de routes si longues, avec un tel dénivelé, et que l’on peut remonter si facilement en transports publics: «Depuis la construction du métro m2, Lausanne est devenue, en quelque sorte, une station de ski pour rider! On monte en m2, on descend sur nos roulettes et on remonte», résume avec enthousiasme Christian Montavon, 42 ans et plusieurs titres de champion du monde de descente à son actif.

«Des Américains, des Hollandais ou des Français, entre autres, viennent jusqu’ici goûter, estomaqués, à cet univers si particulier où la descente en ville est à ce point ancrée dans la culture que les automobilistes et les piétons nous respectent le plus souvent», décode Diego Poncelet, diplômé en relations internationales et sacré champion du monde en skateboard downhill en 2022 et 2023, puis champion du monde en time trial en février 2024. Il est aussi l’un des rares pros dans sa discipline. Le Lausannois est ravi que le skateboard ait été intégré aux Jeux Olympiques de Paris 2024 et qu’en septembre dernier, une étape du World Skateboarding Tour se soit tenue à Lausanne, au Palais de Beaulieu. Notons d’ailleurs que c’est la star américaine Nyjah Huston, très attendue aux JO de Paris, qui s’était alors imposée. Mais comme une importante partie des riders qui voient la chose d’un œil très critique, Diego Poncelet espère que le skate n’y perdra pas son «âme conviviale et amateure».

À la belle saison, Romane Favia, triple championne du monde de roller de descente (voir son interview, fait régulièrement le run menant des Croisettes, l’arrêt terminus du métro m2, jusqu’à Ouchy et les bords du lac. Soit environ 6 km de trajet pour quelque 340 m de dénivelé. La Lausannoise n’aurait, pour sa part, pas envie de participer à la compétition si sa discipline venait à être présente un jour aux JO : « Cela permettrait certes de développer notre sport, mais cela casserait sa beauté en standardisant les styles et en mettant trop en avant l’aspect compétitif au détriment de la camaraderie, du mode de vie qu’il porte en lui et du dépassement personnel.» Selon elle, les sports extrêmes se couleraient mal dans le carcan olympique.

Une étonnante tribu

Les riders forment une étonnante tribu avec ses codes. Le peloton lausannois se reforme ainsi presque chaque soir de beau temps sur les hauts de la ville. On y trouve un livreur, un architecte, un infirmier, des étudiants ou encore un polygraphe. Beaucoup ont fait du roller leur moyen de locomotion quotidien. Tout le monde est bienvenu à s’élancer à leurs côtés, mais attention, avant de les rejoindre, mieux vaut s’être longuement entraîné sur les pentes plus inoffensives de la Vallée de la Jeunesse.

Au total, il y a une bonne cinquantaine d’adeptes de la descente sur roulettes dans la région. Parmi eux, seule une vingtaine pratique très régulièrement. Une traversée de Lausanne s’avale presque d’une traite en un quart d’heure. Les plus «pressés» peuvent mettre huit petites minutes pour en venir à bout ! C’est onze de moins que le métro.

Mais leur objectif n’est pas la vitesse, même si elle tient évidemment une place dans le plaisir ressenti. Il s’agit plus en réalité de chercher le flow, c’est-à-dire «cette impression grisante d’être totalement dans le présent et de faire corps avec la ville, explique le champion Diego Poncelet. Lors d’un run, tu t’appropries Lausanne, tu as l’impression qu’elle est à toi.»

Le roller downhill a beau s’être popularisé aux États-Unis dans les années 1980, il ne s’est déployé pleinement à Lausanne que dans la décennie suivante. En 1994, Tell Quel, émission phare de la Télévision suisse romande à l’époque, se penche sur «les fous du roller» en dressant le portrait d’Ivano Gagliardo. Il patine comme un as, avec une joyeuse nonchalance. Son charisme marque les esprits et suscite des vocations. En 1997, le réalisateur Peter Entell lui consacre son documentaire Rolling.

Skatepark, bowl et pumptrack

Cette époque épique avait aussi vu naître l’association La Fièvre. Fondée en 1993 et soutenue par la Ville, elle continue de promouvoir le roller et le skateboard en ville et exploite un gigantesque skatepark à l’avenue de Sévelin. On y trouve tout: un street indoor, un outdoor, un bowl, des jumps et même un shop. Côté infrastructures, Lausanne est bien dotée : dans les Halles sportives de Beaulieu, inaugurées en 2022, pas moins de 2400 m2 sont dédiés aux sports à roulettes. Et à Vidy, l’historique bowl a récemment été rejoint par un pumptrack, un circuit fermé fait de bosses et de virages surélevés.

Entre l’âge d’or, où le casque n’était pas toujours de mise, et aujourd’hui, presque tout a changé dans la technique et le matériel, mais pas grand-chose dans l’esprit. Les valeurs cardinales demeurent, «soit l’amitié, le dépassement de soi, la liberté, mais aussi l’amour de Lausanne et évidemment un côté rebelle», résume David Lenoir, figure en vue dans le milieu.

Légalement, ces passionnés n’ont pourtant pas tout à fait le droit de rider les descentes en ville. Ils risquent même théoriquement une amende de CHF 20.- pour cela, indique la Police lausannoise. Mais dans la pratique, la tolérance est presque toujours de mise. « Certains agents s’intéressent même à notre sport et nous posent des questions », raconte Romane Favia.

La plupart des piétons et automobilistes savent que des rouleurs s’approprient parfois brièvement certaines rues en soirée. Ils les regardent passer comme on va au spectacle. «Il arrive quand même que certains piétons s’énervent, car ils ne savent pas qu’on freine aussi bien qu’un cycliste. Alors on reste polis et on leur explique», assure l’un d’eux. Et effectivement, même dans les rues les plus pentues de Lausanne, ils s’arrêtent en une poignée de mètres. Mais les personnes en rollers ont une responsabilité sur la route et la pratique reste dangereuse, même si, heureusement, les blessures sérieuses sont rares grâce au casque, aux genouillères, aux gants, à une coque dorsale parfois et autres protections.

La légèreté est donc de mise chez les riders, même si la gravité est leur moteur, parce qu’ils carburent «à la liberté, la vitesse et ce plaisir indescriptible de surfer et danser Lausanne», résume Diego Poncelet. La capitale vaudoise, qui leur offre une cinquantaine de variantes de descentes possibles, n’est donc pas près de perdre son caractère culte auprès des membres de leur communauté!

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Un 30e anniversaire riche en réjouissances

L’histoire d’amour entre Lausanne et l’olympisme commence en 1915, lorsque, dans l’Europe en guerre, le baron Pierre de Coubertin décide de déplacer le siège du Comité International Olympique (CIO), de Paris à Lausanne. La capitale vaudoise héberge depuis les principales institutions liées au Mouvement olympique: outre le CIO, on y trouve l’unique Musée Olympique du monde, inauguré en 1993, mais aussi une cinquantaine de fédérations et organisations sportives internationales. C’est pourquoi, le 23 juin 1994, un siècle jour pour jour après la fondation du CIO, la ville était promue Capitale Olympique.

Au Musée Olympique, l’exposition temporaire Paris Olympique: un voyage immersif est à découvrir gratuitement jusqu’au 19 janvier 2025. Elle s’intéresse aux trois éditions des JO à Paris, en 1900, 1924 et 2024, ainsi qu’aux liens historiques entre la capitale française et le Mouvement Olympique. Les week-ends du 28 juillet et du 11 août, le programme gratuit Vivez les Jeux au Musée Olympique sera riche en événements et activités en lien avec l’esprit olympique. Et jusqu’à la fin de l’année, le Musée présente, à Paris, Spot 24 – l’exposition olympique, sport et cultures urbaines. En marge des Jeux Olympiques et Paralympiques, cette exposition met en lumière de manière attractive, pédagogique et ludique les six nouvelles disciplines olympiques: le skateboard, l’escalade sportive, le BMX freestyle, le surf, le basketball 3×3 et le breaking.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (n° 13).