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«B-girl» et les autres mots d’août 2024

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «B-girl», «sanctuariser» et «eaux usées».

B-girl

B-girl est un américanisme né dans les années 1930. Il désigne les femmes employées par un bar («bar girl») ou une boîte de nuit qui tiennent compagnie aux clients et les incitent à consommer des boissons.

Il faut attendre l’arrivée de la culture hip-hop dans les seventies, avec le breakdance et les b-boys, pour qu’apparaissent une nouvelle acception de b-girl. Soit avec (b) pour break, et non bar! Craignant une confusion fâcheuse, l’usage de «fly-girl» a été tenté, sans succès.

Nouvelle discipline aux Jeux olympiques de Paris, le breaking verra des b-girls en compétition les 9 et 10 août sur la Place de la Concorde. Au sol, dans les airs ou debout, elles se défieront lors de performances acrobatiques départagées par un jury, à l’aide de critères mesurant la personnalité, la polyvalence, la force d’interprétation, la technique, la créativité et la musicalité. Pas de Suissesses parmi elles. Avec seize places disponibles pour représenter l’ensemble de la planète, malgré leurs talents, pas de place pour elles.

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Sanctuariser

On use désormais à tout-va du mot «sanctuariser», un terme à connotation religieuse. En français, ce verbe est récent (1973). Il signifie «donner à un territoire le statut de sanctuaire». C’est un emprunt à l’anglais «to sanctuarize», du latin «sanctus», présent dès le 17e siècle. Il désigne le fait de protéger un lieu menacé lors d’un combat et relevait alors strictement du domaine militaire. Avant que l’accent soit mis sur la valeur que l’on protège, à l’image des premières réserves de bisons apparues à la fin du 19e siècle.

En ce moment, le verbe sanctuariser se voit associé aussi bien à des territoires ukrainiens qu’à des espaces verts urbains. On assiste à des tentatives de sanctuariser le droit à l’IVG, les terres agricoles, l’accès à l’eau potable, les domaines skiables sur les glaciers, l’Arctique, la colline du Mormont ou des périodes sans grèves dans les transports publics.

Devenu synonyme d’inviolabilité ou de simple souhait de légalisation, cet usage métaphorique de sanctuariser entraîne un affaiblissement de son sens. L’inverse de l’effet initialement recherché.

Eaux usées

L’arrêt récent de stations d’épuration valaisannes et l’arrivée d’eaux usées du Rhône dans le Léman a suscité l’inquiétude. Sous nos latitudes on a tendance à oublier que les eaux usées présentent un risque sanitaire de par la présence d’organismes pathogènes, comme des bactéries (par exemple le choléra ou la salmonelle), de virus (virus de l’hépatite, entérovirus, poliovirus, virus de Norwalk, etc.) et de parasites. Il faut des événements exceptionnels pour le rappeler.

La surveillance des eaux usées a aussi un autre rôle, dont on a beaucoup parlé lors de la pandémie de Covid-19: le suivi de la consommation de différents produits illicites, accompagné du classement des villes selon ce critère. À l’échelon européen, depuis 2011 déjà, l’usage de six drogues (cocaïne, cannabis, amphétamine, méthamphétamine, héroïne et ecstasy) est suivi et les données sont disponibles sur le site de l’Agence de l’Union européenne sur les drogues.

Y-a-t-il lieu de s’en inquiéter? Les eaux usées se muent-elles en nouvel outil pour la surveillance de masse? La question coule de source.