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«Swisscom freine l’essor de la télévision du futur»

Philippe Roditi, patron du fournisseur d’accès VTX, n’attend pas la libéralisation du dernier kilomètre avant 2005. Il dénonce les abus de monopole de l’opérateur national.

Le chiffre d’affaires de Smart Telecom devrait atteindre 100 millions de francs cette année, contre 60 l’an dernier. L’entreprise romande — que les internautes connaissent surtout par le nom de sa filiale VTX — connaît une croissance fulgurante dans une période pourtant difficile pour le secteur.

Fondée en 1986 par trois ingénieurs, la holding Smart Telecom vient de racheter les activités PME de Cable&Wireless, ce qui en fait un acteur de poids sur le marché suisse des fournisseurs d’accès. Désormais, Smart Telecom compte 15’000 entreprises parmi ses clients, environ 4’000 pour l’ADSL et plus de 30’000 abonnés à l’internet via le téléréseau. Interview de Philippe Roditi, cofondateur.

En matière d’accès au net, où en sont les tarifs suisses par rapport aux autres pays?

Au niveau de l’ADSL, qui est le plus facile à comparer, on est encore nettement en dessus des autres. Tant que le dernier kilomètre reste aux mains de Swisscom, la compétition ne peut pas jouer pleinement.

L’ordonnance fédérale qui définit l’ouverture de ce dernier bastion est pourtant déposée…

Je n’en attends pas les effets avant 2005, car Swisscom a déjà annoncé son intention de recourir auprès du Tribunal fédéral, ce qui retardera toute la procédure. Mais les prix baisseront à mon avis d’ici là en matière d’ADSL, car Swisscom voudra amadouer le régulateur en lui disant: «Regardez, les prix baissent tout seuls, donc il n’y a pas besoin d’ouvrir le marché.» Une stratégie de gentil garçon déjà utilisée auparavant.

Quels sont les effets concrets de ce maintien de monopole?

Ils sont nombreux. Par exemple, Swisscom veut freiner la location des liaisons en cuivre qui permettent de desservir les entreprises à bon compte. Pour y parvenir, l’opérateur évoque des raisons techniques farfelues: depuis peu, on nous dit qu’il est impossible de traverser un central en louant une ligne, ce qui fonctionnait pourtant auparavant…

Par ailleurs, pour proposer l’ADSL aux particuliers, nous sommes obligés d’utiliser l’infrastructure de Swisscom. Nous sommes ensuite facturés en fonction de la quantité de données que nos clients utilisent. Du coup, pour éviter que nos coûts explosent, nous espérons que nos usagers ne téléchargent pas trop de données. Cette situation freine le développement de nouveaux services prometteurs, comme la télévision par l’internet ou la vidéo à la demande.

Sans cet abus de monopole, nous pourrions proposer des chaînes de télévision ou des films par l’ADSL. Aujourd’hui, seul Bluewin peut développer ce genre de services car, en tant que filiale, ce qu’ils paient à Swisscom passe d’une poche à une autre de la même entreprise. On constate une injustice semblable en matière de frais d’installation: pour chaque nouveau client ADSL, nous devons verser une centaine de francs à Swisscom. Par le même transfert de poches, Bluewin peut offrir ces frais au client. Du coup, cela devient difficile pour nous de régater dans le marché des particuliers.

Pourquoi ne pas abandonner ce marché et centrer sur les PME?

Nous constatons qu’il est souvent difficile de différencier la micro-PME — comme le dentiste ou le garagiste — du particulier. Et souvent, un entrepreneur nous choisit car il possède déjà un abonnement chez nous à titre privé, et réciproquement. Nous centrons cependant notre développement sur les PME, et nous ne faisons aucune publicité pour les services aux particuliers. Grâce au rachat du segment PME de Cable&Wireless, nous pouvons désormais aussi offrir des lignes louées internationales, pour des entreprises qui veulent relier des filiales en France ou en Allemagne, par exemple.

Le nombre de fournisseurs d’accès a baissé. La consolidation va-t-elle se poursuivre?

En Suisse alémanique, surtout, il reste beaucoup de petits fournisseurs qui n’ont pas assez de clients pour acquérir de nouvelles infrastructures et offrir de nouveaux services. Ils risquent de mourir ou de se faire racheter. Nous sommes profitables et nos actionnaires nous soutiennent, donc nous allons investir, notamment dans des régions comme Bâle ou Lucerne, où nous ne sommes pas encore présents localement.

Est-ce toujours la pornographie qui pousse les internautes à choisir le haut débit?

Nous ne le savons pas, car nous ne regardons pas où surfent nos clients. Pour des raisons légales, nous vérifions seulement les sites que nous hébergeons. Le reste ne nous intéresse pas.

En matière de télévision par l’ADSL, les programmes roses seront certainement commercialement intéressants, mais, pour l’instant, les propositions des diffuseurs vont plutôt dans le sens d’offrir des chaînes thématiques ou lointaines, qui ne sont pas disponibles sur le câble. Nous travaillerons avec des partenaires, car nous n’avons jamais voulu investir dans le contenu, qui est un métier d’éditeur. Nous nous concentrons sur la technologie.

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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 4 mai 2003 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.

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