LATITUDES

Quand le vin se fait urbain

Julien Caure a ouvert en avril 2021 le bar à vin novateur Street Cellar. Le dynamique trentenaire se sent autant Réunionnais que Lausannois.

À 33 ans, Julien Caure vient de lancer Street Cellar avec son associé genevois Arthur Stehli, formé lui aussi à l’École hôtelière de Lausanne. Ce bar atypique, lové au cœur du quartier du Flon, qui marie, pour le meilleur, culture du vin et culture urbaine, remporte déjà un joli succès. Rencontre.

Comment vous est venue l’idée de créer Street Cellar, votre «cave urbaine» du Flon ?

Julien Caure: Il y a huit ans, alors qu’Arthur et moi organisions des soirées folles réunissant jusqu’à 3000 personnes en Asie, un ami nous a proposé de lui acheter 2000 litres de bordeaux. Nous avons découvert, étonnés, que du bon vin pouvait s’acheter en fûts et que ce moyen de conservation était supérieur au conditionnement en bouteilles, en matière de contrôle de l’oxydation, de la température et de la saveur, mais aussi d’empreinte carbone. L’idée d’ouvrir un bar à vin est née de là, mais ne s’est concrétisée qu’en avril 2021.

Pourquoi avoir choisi Lausanne ?

Nous avions envisagé Barcelone, mais Lausanne s’est imposée tant par la qualité des vins locaux que par le réseau dont nous disposions dans cette ville. Il y avait le potentiel de créer quelque chose qui rendrait le vin aussi accessible et convivial que la bière. En supprimant les bouteilles et les étiquettes et en nous fournissant nous-mêmes directement chez les vignerons, on réduit les coûts. Cela nous permet non seulement de proposer des prix attractifs, mais aussi de conditionner le vin en fûts, ce qui le rend agréable jusqu’à la dernière goutte.

L’aventure fait la part belle aux relations humaines…

Nous proposons 12 crus, tous issus des terroirs de caractère avoisinant Lausanne (merlot, gamay, pinot, gamaray, chasselas, pinot gris) à l’exception d’un assemblage catalan et d’un chardonnay alsacien. Tous peuvent se goûter à notre comptoir avant d’aller boire son verre, sa bouteille ou son magnum en terrasse. Chez nous, la question centrale est: «J’aime ou je n’aime pas ?» Nous voulons décomplexer les clients en matière de dégustation et leur montrer la beauté de ces vins en racontant l’histoire des personnes qui les ont produits. Nous travaillons avec des vignerons emblématiques issus de familles de longue tradition viticole. Des amitiés se sont nouées avec eux au fil des heures passées dans leur cave. Le Covid a dégagé du temps pour échanger en profondeur. Car, si on a des graffitis sur nos murs et une casquette sur la tête, on a aussi un vrai respect du vin !

Pourquoi cette décoration urbaine ?

Elle souligne notre envie de marier culture urbaine et culture du vin, la première popularisant l’autre. Pour la déco murale, on a donné carte blanche à l’artiste Dahflo, mais aussi à LPVDA, alias Les pinceaux verts d’Antoine, et ses portraits gravés à la ponceuse sur de vieilles planches. La cuisine street que concocte notre chef Lucas va aussi dans ce sens. On propose des hot-dogs, des pommes de terre écrasées cuites au four ou une belle sélection de fromages affinés. Toujours du simple, populaire, local, mais de qualité !

Pourquoi avoir opté pour un financement participatif ?

Sur notre investissement de CHF 400’000, un dixième a été levé ainsi. C’était un moyen de vérifier le pouvoir de conviction d’un projet semblant loufoque et de fédérer d’emblée une bande autour de lui.

Quel rapport entretenez-vous avec Lausanne ?

J’ai découvert la ville via un reportage télévisé sur son école hôtelière et je m’y suis inscrit en 2007. En tant que Réunionnais, j’apprécie de me trouver à proximité de montagnes et du magnifique point d’eau qu’est le Léman. J’ai senti immédiatement que je pourrais vivre dans cette ville, riche en possibilités et pétrie d’histoire tout en restant à taille humaine, sans souffrir du mal du pays. Aujourd’hui, je me sens autant Lausannois que Réunionnais. Je ne me lasse pas de me balader dans cette ville, où l’on peut passer d’un quartier ou d’une ambiance à l’autre en quelques centaines de mètres, ou en Lavaux, où je m’arrête parfois pour déguster un verre au milieu des vignes, en admirant le lac.

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Ses adresses

Non Solo (Avenue du Tribunal-Fédéral 5, Lausanne): «Ce café vous téléporte instantanément en Sicile. On y trouve des produits italiens de qualité, mais aussi les meilleurs tiramisu de Lausanne. Et l’accueil de Tatiana est aussi chaleureux que la déco est colorée.»

Legram (Rue de la Savonnerie 4, 1020 Renens): «Ce resto-bar ressemble à la célèbre REcyclerie de Paris. La cuisine y est inspirée et constituée en grande partie de produits locaux et de saison. On s’immerge dans une atmosphère très chaleureuse que renforce la présence d’un magasin de vinyles.»

Café Louve (Place Pépinet 1, Lausanne): «Ce café de quartier est tenu par une bande d’amis, avec Paul en chef de file. C’est l’endroit parfait pour un café en pleine journée ou un apéro en fin d’après-midi!»

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (n° 8).