KAPITAL

La réussite en toute franchise

Très populaire en France et aux Etats-Unis, le système de la franchise permet notamment de limiter les risques et de diminuer l’investissement de départ. Mais il réduit aussi le champ décisionnel. Illustrations helvétiques.

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«Un franchisé doit être un ambassadeur fiable et motivé de la marque, doté d’un état d’esprit de leader mais en même temps d’une capacité à se remettre en cause et de déconstruire ses anciens automatismes professionnels pour se fondre dans un moule assez précis.» Laure Limousin, fondatrice du cabinet de recrutement AJ Conseil Suisse, connait bien les principes qui régissent le franchisé. Cette forme d’organisation entrepreneuriale est née au début du 20ème siècle. Les États-Unis et la France s’en disputent sa paternité puisque le modèle s’est rapidement développée dans ces deux pays dès les années 1980. La Suisse a adopté le modèle des franchises beaucoup plus tard et reste à la traine. Sur le territoire, un quart seulement de la centaine de franchises présentes sont suisses, à l’instar de Migrolino, Akyado, Bretzelkönig ou encore Dieci.

Néanmoins, le modèle se révèle une forme intéressante d’entrepreneuriat parce que beaucoup moins risqué. Selon l’Observatoire de la franchise en Suisse, le risque de faillite est quatre fois moins élevé qu’en se lançant seul. Moyennant un droit d’entrée forfaitaire et le versement d’une part de son chiffre d’affaires, allant généralement de 5 à 10%, le franchisé bénéficie d’un concept établi. «La franchise est la mise à disposition d’une marque et d’un savoir-faire entre deux sociétés qui vont cependant rester indépendantes économiquement et juridiquement», rappelle Marc Haesler, responsable pour la Suisse romande de Swiss Distribution, anciennement Fédération suisse de la franchise. L’exemple incontournable est bien sûr McDonald’s qui, rien qu’en Suisse, fédère 170 établissements représentant 7’000 emplois et 760 millions de chiffre d’affaires.

Développement rapide et efficace

Le franchisé profite des leçons tirées de toutes les erreurs que le franchiseur a commises sans avoir à les subir lui-même. Moyennant une formation ad-hoc, il va s’approprier cette expérience pour l’adapter à sa société. Cela lui assure un développement rapide et moins difficile que s’il lançait seul son propre concept puisqu’il bénéficie notamment de la notoriété et de l’influence d’un marketing déjà établi. «La moitié des entreprises franchisées atteint son seuil de rentabilité en seulement un an», relève Laure Limousin.

Mais pour cela, le franchisé doit se fondre dans un cadre précis sans pouvoir exagérément s’en éloigner. Il bénéficie de l’aide d’un «manuel opératoire» compilant en détails le «know-how» de l’enseigne et l’aidant à tendre vers une forme d’uniformité. Le franchiseur lui propose une assistance pour le comprendre et s’y conformer, notamment lors des premières semaines. «La franchise est loin d’être un oreiller de paresse, insiste Marc Haesler, responsable de Swiss Distribution. Et s’il faut seulement deux jours au franchisé pour assimiler toutes les subtilités du concept, c’est mauvais signe car cela montre qu’il n’est probablement pas suffisamment original pour mener au succès…» Le franchiseur de son côté peut se développer plus rapidement, plus efficacement, pour moins cher et avec moins de risques financiers que s’il avait choisi de lancer seul sa chaine de succursales.

Mais ouvrir une franchise, c’est aussi investir des fonds propres et accepter de faire partie d’un ensemble plus grand avec qui il faut partager son avancement professionnel. Ce cadre strict, minimisant les risques mais permettant un développement rapide, peut donc aussi ne pas convenir à des profils trop indépendants qui peuvent se sentir bridés et s’épanouiront davantage à lancer leur propre affaire.

La Suisse encore sous-exploitée

La franchise ne jouit pas en Suisse d’un cadre légal spécifique, contrairement à ce qui existe en France. Les banques helvétiques sont également peu enclines à ce jour à soutenir de tels projets, lesquels exigent dès lors de disposer de solides fonds propres ce qui est éliminatoire pour bien des candidats. Enfin, avec ses trois langues nationales et ses 26 cantons aux identités et cultures fortes, la Suisse se prête moins facilement à un développement uniformisé et rapide pour une marque.

«Malgré de notables avancées ces dernières années, il demeure en Suisse une méconnaissance du cadre et des avantages de la franchise, note Laure Limousin. En France, ce secteur bénéficie de tout un réseau d’entrepreneurs, de chambres de commerce, d’associations, de solutions de financement et de sites internet dédiés ce qui manque encore en Suisse surtout romande.» Marc Haesler se réjouit néanmoins que de nombreuses grandes enseignes étrangères telles qu’Accor (hôtellerie), Frank Provost (coiffure) ou le Pain Quotidien (boulangerie) se soient déjà attaquées au marché suisse, attirées par un pouvoir d’achat élevé, et pour les entreprises de pays voisins, par une langue commune.

Jouer en équipe

Le secteur de la franchise attire notamment les personnes en quête de reconversion. Pierre Rolland, 48 ans dont 25 comme ingénieur agronome, l’illustre. Aujourd’hui, il officie comme master franchisé chez Guinot. Cette marque d’institut de beauté, lancée en 1972 en France, affiche 400 franchisés dans 20 pays jusqu’en Russie, au Pakistan ou en Arabie saoudite. «Nous préférons parler d’affiliation», explique Pierre Rolland. Dans les secteurs s’apparentant au luxe –qui ont souvent recours à ce modèle d’organisation–, le mot «franchise» est en effet connoté négativement.

En Suisse, le succès de Guinot reste balbutiant. Le quadragénaire a ouvert un premier salon-pilote à Lausanne en mai 2020 et un autre vient de naître à Fribourg. Son objectif: avoir 15 à 20 franchisés d’ici cinq ans. Le coût d’entrée est de 15’000 francs et le franchisé doit ensuite s’acquitter de 1700 francs de location de matériel et de mobilier. «Il bénéficiera d’économies d’échelle mais aussi de l’écoute et des échanges avec les autres franchisés ce qui l’aidera à soigner la qualité de l’accueil et du service auquel la clientèle suisse est très attentive», précise l’entrepreneur.

Le franchiseur doit rester à l’écoute et guider les franchisés, mais ces derniers doivent aussi faire remonter leurs expériences locales dans l’objectif d’un apprentissage collectif. Anthony Feinberg, responsable expansion Suisse romande de Dieci, confirme. Né en 1990 à Rapperswil (SG), cette enseigne de livraison de pizza compte 42 franchisés dont 8 en Suisse romande. Elle esquive les réticences face aux coûts de location en achetant ses locaux. «Nous recrutons souvent nos futurs franchisés à l’interne. Ce sont des personnes qui suivent une formation de 3 ou 4 mois dans plusieurs de nos franchises, explique Anthony Feinberg. Ils doivent mettre la main à la pâte, au propre comme au figuré.» Pour le responsable, le mariage franchiseurs-franchisés est une force: «Les franchisés se donnent à fond parce qu’ils jouent collectivement dans la même équipe, ce qui est plus motivant et donc efficace que d’être un simple employé!»

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Chiffres clés

≈100: Le nombre de réseaux de franchises existants en Suisse (contre 1900 en France).

90%: Le pourcentage de franchises implantées en Suisse encore en activité au bout de 5 ans. Le risque de faillite est 4 fois moins élevé qu’en se lançant seul.

6 milliards de francs: Le chiffre d’affaires estimé de l’ensemble des enseignes franchisées sur le territoire helvétique

Source: Observatoire de la franchise en Suisse