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Acquérir une PME: dix conseils pour une reprise réussie

Avoir la fibre entrepreneuriale ne signifie pas forcément créer sa propre entreprise. De nombreux employés suisses en mal d’indépendance reprennent chaque année des PME déjà existantes, qu’ils s’approprient, transforment, pérennisent. Il faut dire que la formule comporte plusieurs avantages, notamment celui de s’offrir un portefeuille de clients et des collaborateurs expérimentés. Cinq experts romands dissèquent les dix étapes-clés pour ne pas rater le rachat d’une société.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.

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De nombreux salariés – cadres supérieurs ou directeurs de filiales d’une grande entreprise, pour ne citer qu’eux – rêvent de devenir indépendants. Ils veulent être stimulés au quotidien, aller au bout de leurs idées et projets, ou encore toucher à tous les domaines d’une PME. Ces aspirants à l’indépendance se trouvent à l’origine des quelque 40’000 nouvelles sociétés créées en Suisse chaque année. A l’inverse, encore trop peu d’entre eux ont le réflexe d’acquérir une entreprise existante. Ainsi, une PME sur trois environ disparaît faute de repreneur, constate une étude réalisée par la fondation KMU Next.

Reprendre une structure existante s’avère pourtant souvent plus intéressant que d’en créer une de toutes pièces. En terre helvétique, le taux de survie après cinq ans des entreprises rachetées dépasse les 90%, contre 50% pour les sociétés nouvellement créées.

Comme le souligne l’entrepreneur lausannois Nicolas Weinmann qui a repris la société Accès&Elévatique en 2018 (lire son témoignage en encadré), le parcours pour racheter une PME peut être long et complexe. De l’identification de la cible à la signature du contrat, en passant par les négociations autour du prix de vente, l’obtention d’un financement ou encore la gestion de la communication: il convient de bien connaître les différentes étapes du processus de transmission. Cinq spécialistes de Suisse romande détaillent ce cheminement. Ils expliquent également l’importance de prendre son temps et de se faire accompagner par des experts lorsque cela est nécessaire. Sans oublier de s’adonner, avant de se lancer, à une grande introspection afin de savoir si l’on est vraiment fait pour cette vie aussi exaltante qu’épuisante.

  1. Pourquoi acheter une PME?

Indépendance, variété, pérennité

Les sociétés rachetées ont de meilleures chances de survie que celles nouvellement créées. Mais attention, n’est pas entrepreneur qui veut.

Nicole Conrad en est convaincue, «entrepreneur, c’est le plus beau métier du monde: vous êtes le patron; lorsque vous prenez des décisions, vous pouvez foncer; vous développez un projet qui vous correspond, qui vous inspire, qui est votre bébé». Mais pourquoi ne pas monter sa propre société? L’instigatrice du Centre des Entrepreneurs (RCE) du Groupe Raiffeisen rappelle un chiffre parlant: «En Suisse, le taux de survie des entreprises nouvellement créées est de 50% après cinq ans; en ce qui concerne les sociétés rachetées, ce taux s’élève à près de 90%.» L’acquisition d’une PME existante est donc une opération «beaucoup plus pérenne» que la création d’une nouvelle structure. «Et cela n’empêche pas d’être créatif, de développer et de diversifier l’offre existante, sur une base déjà solide.»

De là à dire que tout le monde peut se muer en entrepreneur, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir. «Parmi les personnes qui me contactent parce qu’elles envisagent d’acquérir une société, plus de la moitié sont en quête d’une reconversion professionnelle, notamment des cadres supérieurs; là, il faut creuser.» Et Nicole Conrad d’expliquer: «Beaucoup de personnes oublient de se poser des questions de bases telles que: ai-je une aversion pour le risque? Suis-je prête à diviser mon salaire par deux ou trois? Suis-je prête à travailler sept jours sur sept? Suis-je prête à renoncer à mes cinq semaines de vacances?» Sans oublier «la solitude de l’entrepreneur, qui est bien réelle». La spécialiste souligne par ailleurs que «racheter une entreprise, c’est un projet qui implique le couple, voire toute la famille». Il est donc essentiel que le conjoint soit partant.

Le conseil: «Avant de se lancer dans la grande aventure du rachat d’une PME, il faut faire un important travail d’introspection. Rencontrer des personnes qui ont de l’expérience dans ce domaine puis dresser une liste exhaustive des avantages et des inconvénients. Il faut par ailleurs bien s’entourer dès le début du processus.»

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  1. Identifier et contacter sa cible

Bourse aux annonces et opportunisme

En raison d’un marché particulièrement opaque, trouver la PME adéquate n’est pas évident. Parmi les recettes figurent une plateforme numérique, un peu d’opportunisme et un bon réseau.

«Pour une raison que je ne m’explique pas très bien, dire que sa société est à vendre est tabou en Suisse romande», regrette Cyril Schaer. «Par conséquent, ce marché est très opaque et il peut être difficile pour une personne motivée à racheter une PME d’identifier sa cible», poursuit le secrétaire général de l’association Relève PME et de la Chambre suisse des experts en transmission d’entreprises. Pour aider les repreneurs et cédants, Relève PME a intégré à sa plateforme web une section consacrée aux petites annonces des deux parties, «une première en Suisse romande». A noter qu’en Suisse alémanique, des outils similaires existent déjà, par exemple sur le site www.kmunext.ch.

Cyril Schaer recommande par ailleurs de «ne pas hésiter à être opportuniste», c’est-à-dire à prendre contact avec les entreprises de la branche visée et à leur indiquer qu’on serait intéressé à les racheter. «Vous seriez surpris du nombre de réponses positives qu’on récolte en procédant ainsi! On a près d’une chance sur deux que le directeur de la société en question propose d’aller boire un café.» Pour expliquer le succès de cette méthode peu conventionnelle, le spécialiste rappelle que «de nombreux chefs d’entreprises remettent à plus tard la question de leur succession, alors même qu’ils savent qu’ils devraient s’en préoccuper». Dès lors, si un candidat potentiel au rachat prend spontanément contact, ils font souvent preuve d’enthousiasme, ou du moins d’intérêt. Reste que pour que la transaction fonctionne, «le cédant et l’acheteur doivent avoir une vision commune, se reconnaître comme étant le partenaire évident de l’autre». Un aspect qui nécessite «un grand effort de préparation et de communication», avertit Cyril Schaer.

Le conseil: «Acheter une PME, c’est un peu comme acheter un appartement: les opportunités se dénichent via le réseau. Il ne faut donc pas hésiter à parler sans tabou de son projet autour de soi, de façon très large. Ce d’autant plus que le marché est assez opaque.»

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  1. Estimer la valeur d’une PME

Bien distinguer valorisation et prix de vente

La valorisation de l’entreprise est l’une des parties les plus délicates de la transmission. Elle repose sur la due diligence, mais ne reflète qu’imparfaitement le prix de vente.

Sans surprise, l’estimation de la valeur d’une PME est l’un des points-clés du processus de transmission, mais aussi l’un des plus délicats. «Auparavant, on aura bien évidemment procédé à une analyse en profondeur de la société, ou due diligence», note Marie Birraux-Verdonnet, gestionnaire financement PME auprès de la Fondation d’aide aux entreprises (FAE). La spécialiste explique que les éléments constituant la due diligence dépendent du type d’entreprise mais que «dans tous les cas, il est recommandé d’exiger du cédant le plus de documents possibles, quitte à négocier des clauses de confidentialité». Il s’agit d’effectuer un tour d’horizon aussi bien comptable que juridique, fiscal et social de l’entreprise convoitée.

En ce qui concerne la valorisation, Carla Zumbo, également gestionnaire financement PME auprès de la FAE, souligne qu’il existe plusieurs méthodes, basées respectivement sur le rendement, le bilan ou encore les multiples. Cette dernière, qui est «la plus courante», se base sur le cash-flow disponible après impôts afin de prévoir la future valeur de rendement de l’entreprise.

Il est important de rappeler que la valeur d’une entreprise n’est pas identique à son prix de vente. «Le prix dépendra de la typologie du cédant et de l’acquéreur», relève Carla Zumbo. Généralement, le vendeur se montre plus conciliant s’il revend sa société à des collaborateurs plutôt qu’à une personne externe. Le prix de la transaction «dépend aussi fortement des intérêts du cédant», commente pour sa part Marie Birraux-Verdonnet. S’il souhaite vendre rapidement, il sera probablement prêt à accorder une ristourne. De même, «s’il considère sa PME comme son bébé, l’œuvre de toute une vie, la notion de préservation de l’emploi lui tiendra sans doute davantage à cœur que l’argent».

Le conseil: «A moins d’être ultra-expérimenté, il est déconseillé de se lancer seul dans le processus de due diligence et d’estimation de la valeur de la PME. Il existe sur le marché de nombreux cabinets spécialisés dans les transmissions d’entreprises.»

  1. Réussir les pourparlers de vente

Due diligence et garanties, deux notions incontournables

Une analyse en profondeur permet à l’acquéreur de connaître les points sensibles de l’entreprise. Et d’intégrer une série de garanties dans le contrat.

Les pourparlers de vente avec le cédant s’appuient directement sur la due diligence, soit l’analyse complète de l’entreprise par le repreneur. «Cette étape sert notamment à atténuer l’asymétrie qui existe entre le cédant et le repreneur concernant les informations sur la société», rappelle Marie Théraulaz, avocate associée auprès de l’étude Théraulaz & Graf.

Une fois les risques identifiés, les garanties, qui ont «une vraie incidence sur le prix de vente», se trouvent au cœur des négociations. Ces éléments permettent à l’acheteur de se protéger contre des charges futures découlant d’activités antérieures à la vente. Il peut s’agir par exemple d’un redressement fiscal, du procès d’un salarié ou de la non-conformité d’une partie de l’activité aux lois. «L’étendue des garanties est l’un des points qui entraînent le plus de discussions entre les deux parties», précise la spécialiste lausannoise en transmissions d’entreprises. Logiquement, «alors que l’acheteur va tenter d’intégrer le plus de garanties possible au contrat, le vendeur aura le réflexe inverse».

Les parties peuvent aussi prévoir la durée pendant laquelle le repreneur a la possibilité de faire appel aux garanties, une clause d’indemnisation ou encore un mécanisme conventionnel à respecter pour faire appel à la garantie. Les modalités du règlement du prix de vente jouent un rôle important dans ce contexte. Le repreneur peut notamment se protéger en sollicitant le blocage d’une partie de ce montant auprès d’un tiers séquestre. Une autre option consiste à prévoir une clause d’ajustement de prix, ou «earn out». «Dans ce cas, une partie du montant de la vente est versée directement au cédant, alors que le reste dépend de certains critères tels que les résultats financiers de la société après la transmission.»

Le conseil: «En soignant le travail de due diligence et en apprenant à connaître la PME qu’il s’apprête à acheter, le repreneur est mieux positionné pour négocier. Montrer au cédant que la pérennité de l’entreprise tient à cœur constitue un argument qui a souvent tout autant de poids que le prix offert.»

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  1. S’accorder avec les associés et le conseil d’administration

Anticiper d’éventuels blocages

Même minoritaires, les associés d’une PME peuvent entraver le futur repreneur. Il convient de bien les connaître et les préparer.

«Même s’il ne détient qu’une part très minoritaire de la société, par exemple 5%, un actionnaire est en mesure de bloquer tous vos projets», avertit Nicole Conrad. D’où l’importance, selon l’instigatrice du Centre des Entrepreneurs (RCE) du Groupe Raiffeisen, de bien connaître les éventuels associés de l’entreprise que l’on s’apprête à acquérir. Le premier réflexe est logiquement de se renseigner sur eux, par exemple en s’adressant à des observateurs évoluant dans la même branche. Mais ce n’est pas tout. «Il est primordial de les rencontrer.» Si, tout d’abord, les échanges ont généralement lieu en présence du cédant de la PME, «il reste idéal de pouvoir ensuite s’entretenir seul à seul avec eux». But de l’opération? «Connaître leur rapport à la société, leur vision de l’avenir, leur niveau d’engagement.» Il est tout aussi important «d’avoir une discussion très ouverte avec eux afin de les préparer aux changements que l’on compte opérer au sein de l’entreprise après son acquisition».

«Un autre bon réflexe consiste à demander au cédant s’il existe une convention d’actionnaires car ce document peut se révéler très important.» Pour mémoire, ce contrat liste des règles ayant pour but de prévenir les problèmes et litiges survenant régulièrement dans des situations telles que vente des actions, décès ou transmission de l’entreprise. Il porte notamment sur le droit d’acquisition prioritaire, le droit d’emption, le droit de cession conjointe ou encore la gouvernance de la société. Quid des membres du conseil d’administration de la PME? «Qu’il s’agisse de personnes externes ou de membres de la famille du cédant, il y a de fortes chances qu’il aient été impliqués dans le processus de sélection du repreneur; j’ai rarement observé des cas où ils mettaient des bâtons dans les roues du nouveau patron.»

Le conseil: «Si l’entreprise compte des associés, la première chose à faire est d’essayer de leur racheter leurs parts ; le cas échéant, on peut toujours se choisir de nouveaux associés!»

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«Il faut aimer être au four et au moulin»

Fin 2018, Nicolas Weinmann a racheté la PME lausannoise Accès&Elévatique. Le jeune directeur est épanoui, mais il avertit: l’entrepreneuriat n’est pas fait pour tout le monde.

Après 13 ans passés à la tête du groupe Gétaz-Miauton, Nicolas Weinmann a eu envie de changement. «Je souhaitais évoluer dans une structure plus petite et ne plus être confronté au management vers le haut», explique l’entrepreneur, qui s’est «mis à la recherche d’une PME à racheter». Ce processus «m’a pris toute l’année 2018». «On parle de dizaines de milliers d’entreprises à remettre en Suisse, mais lorsqu’on en cherche une à racheter, on ne trouve rien!» Le dirigeant d’Accès&Elévatique, spécialisée dans les nacelles élévatrices, les échafaudages mobiles et les échelles, a dû se mettre en quête d’experts pour l’aiguiller (banquiers, fiduciaires, etc.). C’est finalement par le biais d’une société spécialisée dans la transmission de PME en Suisse romande qu’il a trouvé l’entreprise adéquate.

Autre défi à relever, la fixation du prix de la transaction. «Le cédant était le fondateur et depuis 30 ans aux commandes de la société; logiquement, les discussions furent très émotionnelles.» Nicolas Weinmann constate à ce sujet l’avantage pour un repreneur de partager la «culture» de son prédécesseur. «Dans mon cas, le fait que je sois moi aussi Vaudois et que je vienne de la construction a beaucoup aidé.» Outre les attentes du vendeur et les capacités de financement, le montant de la transaction s’est basé sur des méthodes comme «l’évaluation et l’amortissement des stocks et du parc de machines» ou encore «les multiples de l’EBITDA des trois à cinq dernières années et les perspectives».

Près de trois ans après avoir finalisé l’acquisition d’Accès&Elévatique, entreprise de 10 collaborateurs, Nicolas Weinmann est convaincu: «Si c’était à refaire, je le referais sans hésiter!» Il apprécie tout particulièrement de passer les 90% de son temps «au front», que ce soit avec ses clients ou ses collaborateurs. Mais justement, la vie de directeur de PME «n’est pas faite pour tout le monde». «Il faut aimer être au four et au moulin et, bien sûr, être fondamentalement convaincu par le produit ou le service que l’on vend.» L’entrepreneuriat n’est pas non plus adapté à ceux qui sont «très à cheval sur leur statut et/ou leur salaire». «Pour ma part, mon salaire a été divisé par trois environ et je n’avais, par exemple, plus l’occasion de participer à des événements réservés aux CEO de grandes entreprises.» Dans la foulée, le Vaudois conseille à toutes les personnes intéressées par la reprise de passer leur budget au crible, d’être bien entourées d’experts. «Et de s’assurer que leur famille au complet est derrière elles.»

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Retrouvez la deuxième partie du dossier ici.