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La danse des autruches

Les opposants à la loi contre le terrorisme et ceux qui refusent le mariage pour tous semblent partager un certain goût pour le déni de réalité. La preuve par «l’intérêt supérieur de l’enfant».

Mariage pour tous, terrorisme pour personne. Bien sûr, il n’y a apparemment aucun point commun entre la MPT (loi fédérale sur les mesures policières et la lutte contre le terrorisme), sur laquelle nous nous prononcerons le 13 juin prochain, et le référendum contre le mariage pour tous, lancé par l’UDC et l’UDF, soutenu également par une solide brochette de centristes autoproclamés.

Sauf peut-être chez les opposants le même refus de principe, et une faiblesse d’argumentation qui confine, en poussant un peu, au déni de réalité. De la même façon qu’on minimise la menace terroriste, au point de n’être pas loin de la nier, semblablement on refuse d’admettre que dans la vraie vie, l’existence au quotidien de couples de même sexe n’est plus depuis longtemps une étrange et douteuse exception.

Alors on s’accroche à des actes de foi, on se barricade derrière des principes prétendument universels, éternels et intangibles, couvrant d’anathèmes ceux qui ont le culot de trouver ces grands principes au contraire plutôt localisés, datés et donc réformables.

Du côté des opposants au mariage pour tous, on invoque l’intérêt supérieur de l’enfant ou encore la mise en péril d’une définition historique du mariage considéré uniquement, strictement et étroitement, comme l’union durable d’un homme et d’une femme. S’agissant de l’enfant, les partisans du mariage pour tous ont beau jeu de rétorquer qu’il existe deux sortes de parents -les bons et les mauvais-, et que les deux catégories se rencontrent également chez les couples hétérosexuels et homosexuels.

Quant à une définition du mariage valable pour l’éternité et basée sur la seule réunion des deux sexes biologiques, on ne voit pas trop comment elle pourrait être justifiée, sinon que par des textes sacrés. L’argument ne serait recevable qu’au sein d’une stricte théocratie, dans un modèle de société plus proche des mollahs iraniens que de la Suisse démocratique et fédérale.

Les arguments des opposants à la loi contre le terrorisme n’apparaissent pas plus consistants. Ce ne sont que sonneries de tocsin et grands cris d’orfraie, à gauche essentiellement, mais aussi chez les Jeunes radicaux et les Verts libéraux: l’Etat de droit et les droits humains seraient en danger, la présomption d’innocence foulée aux pieds, les mouvements politiques muselés, nos libertés étouffées.

Tout cela pour quelques légères prérogatives supplémentaires octroyées aux forces policières, comme la possibilité d’intervenir à titre préventif, ou de prononcer des interdictions de périmètre ou des assignations à résidence.

A cette aune, c’est la menace terroriste qui est considérée comme un fantasme, et la police comme une vraie menace, un danger concret. Comme si nous ne vivions pas en 2021 mais sous occupation nazie ou dans une dictature militaire sud-américaine des années 1970. Comme si l’Europe entière et nos pays les plus voisins n’étaient pas touchés très régulièrement dans leur chair par une mouvance terroriste mitraillante et égorgeuse.

Ce qu’il y a de curieux c’est que les opposants à la MPT en sont, comme les opposants au mariage pour tous, à invoquer -sans doute en désespoir de cause-, tel le coprésident des Jeunes Verts, Oleg Gafner «l’intérêt supérieur de l’enfant». Au prétexte que les nouvelles mesures comprises dans la loi pourraient être imposées dès l’âge de 12 ou 15 ans. Tant pis pour cette empoisonnante évidence, rappelée par la Conseillère nationale Jacqueline de Quattro: «Ce sont surtout les jeunes qui se radicalisent.»

Bref, chez les autruches l’enfant a bon dos. Il leur permet de soutenir, la tête dans le sable, que l’homosexualité devrait encore être considérée comme contre-nature et qu’on en fait toujours trop contre le terrorisme.