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Election au Conseil fédéral: nul programme et zéro débat

On dit que deux sièges sont à repourvoir à la magistrature suprême. Mais la politique brille par son absence. Que feraient donc ces candidats si le gouvernement était élu par le peuple?

Quel cirque mes amis! Comme si cet été ravageur avait déteint sur les médias, voici plusieurs semaines que journaux, télé et radio nous abreuvent de mille hypothèses sur la composition future du Conseil fédéral, le remplacement de magistrats qui n’ont même pas démissionné, les rocades possibles de maroquins que leurs possesseurs disent pourtant vouloir conserver.

Comme exercice de discours virtuel solidement planté dans l’irréalité, il est difficile de faire mieux. La question que l’on peut se poser, que je pose, est la suivante: comment, chers confrères, ferez-vous pour tenir le chaland en haleine jusqu’au premier mercredi de décembre?

Car enfin, entre une Micheline et une Patrizia, entre deux Christine et une Marina, entre ce bon bougre de Stoudre et l’allègre Steineggre, on peut certes percevoir quelques nuances dans le positionnement personnel, mais où sont les alternatives politiques?

Centripétistes convaincus, acharnés et méthodiques, ils ont tous arrondi leur discours pour le rendre politiquement correct (la justification par Studer de son objection de conscience d’il y a vingt ans est des plus cocasses), ils pratiquent tous une pensée unique à faire rosir sur pied les géraniums. Au-delà, c’est le vide.

Avez-vous entendu des propos convaincants sur le futur du pays, sur la crise économique qui s’amplifie?

Comment pensent-ils endiguer la corruption galopante qui gangrène les maîtres de l’économie et de la finance au point de menacer les bases de l’Etat (voir Swissair)? S’engagent-ils sur l’intégration européenne, la recherche scientifique, l’école, l’agriculture, les assurances, le deuxième pilier? Envisageraient-ils de moderniser le fédéralisme?

Les questions – lancinantes, urgentes, nécessaires – sont innombrables, mais ils n’y répondront pas car personne ne les leur posera, sauf de manière très vague, pour la forme.

La tradition, paraît-il, voudrait que les Conseillers fédéraux se considèrent comme de grands commis, à la rigueur comme des politiciens, pas comme des hommes politiques. Or en ces temps de crises et de bouleversements, il nous faudrait plus que jamais des hommes politiques. Et même, pourquoi pas, parmi eux un homme ou une femme d’Etat!

Pour prendre la mesure de la vacuité du discours politique dominant, il suffit d’imaginer un instant une élection du Conseil fédéral par le peuple. Que feraient ces prétendants pour mériter leurs fauteuils en passionnant les foules?

Cela fait désormais 43 ans que le recours à un gouvernement de grande coalition, la formule magique, bloque tout débat politique au niveau du choix des ministres. Cela fait 43 ans que, quel que soit leur parti, nos gouvernants sont interchangeables.

Il y a neuf ans, Ruth Dreifuss, socialiste et syndicaliste genevoise, a pris la succession de Flavio Cotti, démocrate-chrétien tessinois, au Département de l’Intérieur. Vous avez vu une différence entre leur gestion?

Nous pratiquons une démocratie très étrange où les partis jouent le rôle de groupes d’actionnaires désignant les membres du conseil d’administration d’un Etat qui, plus que jamais, ressemble à une société anonyme ne rendant des comptes qu’à ses actionnaires.

Le débat démocratique, détourné par voie de référendum ou d’initiative sur des objets secondaires ou sectoriels comme le vote sur l’énergie électrique du 22 septembre, ne permet jamais à l’électeur de se prononcer sur un réel programme de gouvernement.

Christoph Blocher est le seul qui tente de sortir de cette impasse en militant pour un affrontement programmatique droite/gauche qui pourrait éventuellement briser le ronron bureaucratisé de l’Etat. Mais son extrémisme le dessert.

Nous aurons, hélas! encore longtemps droit à de faux débats entre de vrais copains pour la conquête de la magistrature suprême.