Elle a la plasticité d’un personnage de cartoon, et sa naïveté assumée déjoue les pires obscénités. Vous l’adorez – et vous avez raison.
La première fois que Cameron Diaz est apparue au générique d’un film, c’était en 1994 dans «The Mask», comédie transformiste où Jim Carrey offrait son corps naturellement souple aux effets spéciaux pour composer un personnage tout droit sorti d’un dessin animé.
Il faut toujours se méfier des premières fois car elles décident souvent de notre destin. Jim Carrey est donc devenu le plus physique des comiques hollywoodiens et Cameron Diaz une de ses meilleures élèves, son corps se prêtant admirablement bien à la plasticité du burlesque.
Vous en doutez? Regardez bien! Avec sa bouche qui va d’une oreille à l’autre, si grande quand elle s’ouvre que son visage disparaît derrière, et ses jambes jusqu’au cou qui courent de film en film, Cameron Diaz ressemble à un personnage de cartoon. Elle en a malléabilité, l’éternel même âge et ce pouvoir de résurrection propre aux personnages de BD – morte de honte ou détruite de fatigue, elle réapparaît le plan suivant, fraîche et alerte.
Son corps est à la fois drôle et sexy, jamais menaçant. C’est peut-être pour cela que les filles l’aiment autant que les garçons, et que les adolescents, eux-mêmes sujets aux transformations corporelles, en raffolent.
Le film «Sweetest Thing» («Allumeuses») a été entièrement pensé en fonction de Cameron Diaz. Ou plutôt en fonction des deux rôles qui ont fait d’elle une star internationale: «Mary à tout prix», où sa naïveté enjouée déjouait les pires obscénités, et «Drôles de dames», qui témoignait de son excellente condition physique.
Dans «Allumeuses» (écrit par une des scénaristes de «South Park»), la comédienne peut donc rire à glotte découverte sans être cruche, se déhancher sans paraître vouloir tirer la couverture à elle, se moquer des mecs avec ses copines sans avoir l’air frustrée et même recevoir une bite dans l’œil sans sombrer dans le ridicule.
A chaque fois, c’est sa féminité qu’elle met à l’épreuve. Et à chaque fois, c’est sa féminité qu’elle renforce, une féminité presque malgré elle, naturelle, simple, finalement plus garçon manqué que bimbo – Mademoiselle Diaz a été prénommée Cameron par son père qui rêvait d’avoir un fils.
Et le film dans tout cela? Pas grand chose à en dire.
Inspiré de «Mary à tout prix», sans en avoir ni le rythme, ni l’effet de surprise, «Allumeuses» fait dans l’humour petites culottes sales, version féministe qui se marre. Le film comprend néanmoins quelques morceaux d’anthologie, certainement mieux écrits que filmés. Parmi eux, un numéro de comédie musicale, hymne farfelu au pénis et à la peur supposée que l’engin suscite dans l’imaginaire féminin, et le cunnilingus simulé de Cameron Diaz sur Christina Applegate au volant de sa voiture qui provoque – c’est tellement prévisible! – l’accident du motard qui assiste à la scène.
Certains enfants rient aussi volontiers à la scène où Selma Blair se fait prendre par son amant déguisé en éléphant bleu, mais là encore, la chute est annoncée avant même que la séquence ne commence.
Graveleux, de mauvais goût, défoulant, «Allumeuses» surfe sur la trilogie pipi-caca-pourri et tire ses effets comiques de la transgression enfantine à s’y complaire – «ah cochon! hihihi! c’est dégoûtant, beurk, ahahah!». L’immaturité assumée de Cameron Diaz y fait merveille, transformant n’importe quelle grossièreté scatologique ou sexuelle en jeu d’enfant, en évidence cartoonesque.
Il suffira que l’on filme ses yeux, étrangement mélancoliques, à la place de sa bouche, et ses mains au lieu de ses jambes pour qu’un jour Cameron Diaz change de répertoire. C’est peut-être le sort que lui a réservé Scorsese dans son prochain film, «Gangs of New York»
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«Allumeuses» («The Sweetest Thing»), de Roger Kumble, avec Cameron Diaz, Christina Applegate, Selma Blair.