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Toni Brunner, nouveau président de l’UDC

Ultrapopulaire en Suisse alémanique, dans ses bottes de jeune paysan dynamique et affable, il n’en reste pourtant pas moins le fils de son père spirituel, Christoph Blocher. Portrait d’un imbuvable jovial.

Vous avez aimé Ueli Maurer? Adoré Blocher? Vous allez craquer pour Toni Brunner, le fringuant, le sémillant, le dynamique, l’énergique nouveau président de l’UDC. Qui défend à peu près la même ligne dure que ses glorieux prédécesseurs (mais a-t-on déjà vu quelqu’un, qui plus est UDC, défendre une ligne molle?) souvent dans les mêmes termes, les même raccourcis choc qui ont fait le succès du parti. Mais attention, avec une grande jovialité.

Toni Brunner? L’âge du Christ, paysan du Toggenburg saint-gallois, entré en politique très jeune, au soir du non de la Suisse à l’EEE, le voilà presque aussitôt couvert de lauriers: il est élu conseiller national en 1995, à 21 ans, après une campagne où il aura dépensé la moitié de sa fortune — à savoir 1000 francs. Telle est du moins la légende officielle. C’est dire le pouvoir de conviction et la capacité de séduction du bonhomme. A moins qu’il ne s’agisse que d’une une symbiose totale et naturelle avec ses électeurs.

Son collègue président du PDC Christophe Darbellay, qui en connaît un rayon dans l’art de parader sur les estrades, se résigne: «Idées imbuvables mais personnage sympathique». En plus, sa copine est PDC, alors…

Et il sait parler aux foules en délire, le Toni — comme on dit dans le Toggenburg. Lors d’un congrès du parti à Payerne, devant une diapositive montrant une vieille dame en train de se faire chouraver son sac par un criminel dangereusement et forcément basané, il s’est exclamé: «Celle-là, elle ne pourra que voter pour nous».

Un genre de propos qui renvoie directement à ceux des idéologues de la présidence Bush. Comme le fameux «un néo-conservateur, ce n’est rien d’autre qu’un ancien gauchiste qui s’est fait tirer son porte-monnaie dans le métro».

Il n’hésite pas à avouer s’être «toujours plus radicalisé » depuis les douze ans qu’il siège au parlement. Et détester cette spécialité pourtant tellement suisse, le compromis:

«L’UDC doit mener une politique claire, c’est soit oui, soit non.» Ou encore: «Les jeunes veulent des réponses pour leur futur, et non des débats sur la nouvelle péréquation financière.» Plus fort encore, à propos du débat sur les armes de service à domicile: «Pourquoi en faire une histoire alors qu’il faudrait s’occuper de la criminalité des étrangers?»

Evidemment, Toni Brunner, jusqu’ici, n’a pas spécialement fait d’étincelles au parlement, ni ne s’est montré très assidu sur les dossiers. Evidemment, avec un vice-président comme Christoph Blocher, sa présidence risque d’être bien décorative.

Evidemment, en ballotage favorable cet automne après le premier tour pour l’élection au Conseil des Etats, il s’est finalement fait laminer dans son canton de Saint-Gall par un très politiquement correct ticket radical-PDC et devra donc se contenter du Conseil national. Evidemment, certains, à l’intérieur même du parti, ne voient en lui guère plus qu’un amuseur public et l’affublent déjà du sobriquet «d’éternel espoir de l’UDC».

Son compère de parti et alibi romand au sein de la nouvelle direction UDC, le Neuchâtelois Yvan Perrin, met cependant tout le monde en garde: «Détrompez-vous, Toni Brunner n’est pas qu’une image, sa capacité d’analyse est grande.»

Avertissement entendu chez certains, notamment le vice-président des Verts, le genevois Ueli Leuenberger, qui recommande de se méfier de Toni Brunner comme de la peste et du choléra réunis: «Malheureusement sa jovialité tranche avec la politique dure qu’il défend, ses idées anti-étrangers, et c’est ce qui le rend d’autant plus dangereux. Sous ses airs sympathiques, il a même réussi à embrigader des étrangers dans son parti».

Difficile de s’en faire une idée de ce côté-ci du Röstigraben: la bête (politique) ne parle pas un mot de français.