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Les premiers pas de la Schlumpfette

Les débuts de la nouvelle conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf montrent, par leur anti-blochérisme systématique, l’ampleur du coup d’Etat perpétré le 12 décembre. Analyse.

Sa nouvelle copine s’appelle Doris. Exercer le même job, ça crée tout de suite des liens. Eveline Widmer-Schlumpf a donc participé cette semaine à sa première grande conférence de presse comme conseillère fédérale, main dans la main avec sa collègue du département de l’économie, Frau Leuthard.

Il s’agissait de parler reconduction des accords de libre circulation des personnes, conclus avec l’Union européenne, et bientôt à échéance. Les deux chipies ont argumenté en paraphrasant le prédécesseur d’Eveline, le sieur Blocher, favorable jadis à cette fameuse libre circulation tellement profitable pour les entreprises suisses: «Il faut oser».

Depuis, Blocher, du haut de son Albisguetli et dans son uniforme retrouvé d’opposant numéro 1, s’est rétracté, brandissant la menace du référendum, assortie d’un gros marchandage de vendeur de bestiaux: libre circulation, d’accord, messieurs les Européens, mais laissez-nous, en contrepartie, pratiquer allègrement notre sport national préféré, j’ai nommé le dumping fiscal.

Les premiers pas de la Schlumpfette ont d’ailleurs montré l’abîme séparant l’ancien et la nouvelle cheffe du département de justice et police (DJFP). Laquelle a commencé son règne par une série d’énergiques coups de balais, genre Putzfrau devant qui la crasse non seulement recule mais ne repousse pas.

La garde rapprochée de Christoph Blocher au sein du DJFP a été la première victime de cet aspirateur dernier modèle: hop, sous la porte, poussière, tu retourneras en poussière. Exit donc le secrétaire général du département Walter Eberle, arrivé en 2003 dans les valises de Blocher. Un ancien de Ems Chemie, adjudant de Blocher à l’armée, surnommé la «voix de son maître», vous pensez, Eveline et son plumeau terrible n’allaient pas laisser passer ça.

Bien sûr le porte-parole du département Livio Zanolari reste en place, mais, lui c’est autre chose, le genre caméléon à sang de glace, qui a pu servir sans états d’âme des maîtres aussi bigarrés que Blocher, Metzler, Calmy-Rey, Deiss et Cotti. Un exploit? Non, Zanolari est PDC, tout s’explique.

Ensuite, c’est le secrétaire général adjoint Yves Bichsel qui est passé à la trappe, lui aussi Blocher-boy aligné couvert, et ancien porte-parole de l’UDC. Une petite conversation entre quatre yeux a suffi à Mme Propre pour tirer l’impitoyable conclusion: «Absence d’une base commune permettant une collaboration fructueuse».

Et par qui Eveline Widmer-Schlumpf remplace-t-elle ces deux blochériens pur sucre? Une UDC bernoise, Sonja Bietenhard et un radical romand, Sébastien Lepraz, bombardé conseiller personnel.

«Détestable chasse aux sorcières», a ronchonné, comme bien d’autres UDC, le fribourgeois Jean-François Rime. Il faut dire que l’on se trouve en présence d’une sérieuse récidiviste: conseillère d’Etat grisonne, elle a marqué le passage et les esprits dans son département des finances, en virant trois chef de service.

Entretemps, la furie, élue conseillère fédérale et reçue en grandes pompes dans ses Grisons natals, avait aggravé son cas. La femme au foyer chère à Ueli Maurer? «Si nous voulons être un pays avec des enfants, alors il faut trouver des moyens de combiner vie professionnelle et vie de famille. C’est logique, pas idéologique.»

Et puis, elle est à peu près contre tout ce que propose son parti, l’UDC: contre l’interdiction de minarets, contre le renvoi des étrangers criminels, contre les naturalisations par les urnes, contre des peines plus sévères pour les jeunes violents, contre l’abrogation de la norme anti raciste, etc.

Devant tant de mauvaise volonté, l’idéologue en chef de l’UDC, Christoph Moergeli, s’est laissé aller à commenter aigrement la nouvelle coiffure de la nouvelle conseillère fédérale: «Changer ce qu’on a sur la tête, c’est toujours possible, mais pas ce qu’il y a dedans».

Tout à fait, Christoph.