Il y a cent ans, l’Ovomaltine était inventée par le docteur Wander. Hommage à cette boisson qui reste l’une des marques préférées des Suisses, même après son passage sous contrôle britannique.
La boisson maltée, inventée à l’origine comme fortifiant contre la sous-alimentation, célèbre son centenaire. Lancée sur le marché en 1904 par le bon docteur Wander de Neuenegg, Ovomaltine peut se targuer d’être rapidement devenue l’une des marques les plus populaires de Suisse et de s’être maintenue au sommet (troisième rang du classement Brand Asset Valuator 2003).
Ne permet-elle pas, aujourd’hui encore, d’accomplir certaines activités «non pas mieux, mais plus longtemps»?
Il y a trois ans, l’écrivain Richard Reich connaissait le succès avec la sortie de son premier livre intitulé précisément «Ovoland». Et voilà qu’il remet ça.
Dans l’ouvrage qu’il vient de publier, «Das Leben ist eine Turnhalle» («La vie est une halle de gymnastique»), l’auteur donne la parole à Golo Gygax, un maître de sport cafardeux qui se plaint de l’évolution du monde en une cinquantaine de petites histoires désopilantes. La Suisse fout le camp, la «vraie Suisse», sa Suisse à lui. L’Ovoland.
Bien avant McDonald et Coca Cola, la marque Ovomaltine (en anglais: Ovaltine) avait été la marraine principale des Jeux Olympiques, de 1932 à 1972. Elle avait ainsi lancé le sponsoring sportif. Et puis, Ferdi Kübler aurait-il été le champion que l’on sait s’il n’avait été nourri à l’Ovo? Et nos vaillants soldats auraient-ils survécu à la Mob sans leurs barres d’Ovo?
En 1967, l’entreprise familiale est rachetée par le groupe pharmaceutique Sandoz qui fusionne en 1996 avec Ciba Geigy et passe ainsi dans le giron Novartis. Lequel Novartis se retire progressivement du marché alimentaire et vend, en 2002, Wander et sa marque Ovomaltine à Associated British Foods (ABF). 400 millions de francs pour ce «petit morceau de Suisse», comme le dit alors Adolf Ogi.
A elle seule, l’histoire d’Ovomaltine vient confirmer la vision crépusculaire jetée par maître Gygax sur l’Ovoland. Dans un chapitre intitulé «Sa Majesté l’Ovomaltine», nous apprenons que les profs de gym «avaient vu venir tout cela». Qu’est-ce qui a bien pu poussé Associated British Food à s’intéresser à notre breuvage de cabanes de ski? Peut-être qu’un manager de l’entreprise britannique avait appris la godille sur les pentes du Lauberhorn dans les années soixante, hasardent Golo et ses collègues.
Si Ovomaltine devait un jour être couronnée du label «Schweizer Ovaltine By Appointment to Her Majesty the Queen», cela nous remplirait de fierté mais ne nous consolerait pas de la disparition de notre dernière «pièce de résistance» (en français dans le texte) dans notre combat contre un monde qui menace notre «heureuse et vieille Suisse», commente un Golo larmoyant.
Depuis qu’Ovomaltine appartient au pays du whisky, nous prenons véritablement la mesure de tout ce que cette marque a donné à la Suisse. Pas de Zurbriggen et compagnie sans les Grands Prix Ovo, pas d’Ogi sans Ovi. Pourquoi a-t-il fallu que Novartis inverse le slogan bien connu et souhaite gagner de l’argent «mieux mais pas longtemps»?
Reste une porte de sortie honorable. Pour demeurer indépendant, Golo appelle tous ses collègues et tous les habitant de l’ex-Ovoland à boire désormais de l’Héliomalt, une entreprise encore en mains suisses et dont la boisson compte aussi douze vitamines…
Le récit de Reich se termine tragiquement par l’envoi au «Lieber Herr Golo Gygax» d’une lettre signée par des élèves désireux de remplacer l’ennuyeuse heure de gymnastique en Hip-Hop Party.
Y a-t-il encore une place pour Golo dans la Suisse d’aujourd’hui, alors qu’à Berne, l’ancienne halle du gymnase vient de se transformer en un bar et lieu de concert?
Entre paniers de basket, anneaux et espaliers, la bière coule à flot. Mais pas trace d’Ovo sur la carte de ce lieu à la mode.
