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La droite dure était molle

Durant quatre ans, l’UDC et les radicaux ont disposé de la majorité au Conseil national. Pour n’en faire pas grand-chose, sinon servir de chiffon rouge à la gauche.

«Il faut renverser la majorité de droite UDC-PLR afin que nous puissions faire avancer les dossiers importants.» C’est Ada Marra, vice-présidente du Parti socialiste, qui le dit, annonçant un parti en ordre de bataille pour balayer le prétendu «Rechtsruck». A savoir le glissement à droite qu’avait connu en 2015 le Conseil national, avec une légère, très légère majorité qui se dégageait si l’on additionnait les sièges radicaux et UDC: 101 sur 200.

C’est donc cette majorité sur le fil du rasoir que le PS entend bien pulvériser, avec l’aide des Verts qui ont davantage de vent dans les voiles que dans les éoliennes. De manière à faire triompher, dans un nouveau parlement espéré radieux et rouge horizon, une noria de bonnes et belles causes, vite égrenées: «Pour le climat évidemment, mais aussi pour la santé, le travail, les retraites….pour la justice sociale dans tous les domaines.»

Sauf que cette législature qui s’achève l’a cruellement montré: le terrorisant bloc UDC-PLR a surtout ressemblé, dans la réalité, à un épouvantail n’effrayant guère que les têtes de linottes.

On l’a vue ainsi à l’œuvre encore très récemment cette hydre pataude. Lorsqu’il s’est agi de se prononcer sur une motion UDC réclamant une surveillance accrue des mosquées, assortie d’une interdiction d’un financement venu de l’étranger, c’est un match nul – 91 voix contre 91 – qui est sorti du vote des parlementaires.

La voix de la présidente du Conseil dans ces cas-là comptant double, en l’occurrence celle de la socialiste Marina Carobbio, la motion fut victorieusement repoussée par le camp du progrès. Camp qui comptait sur ce coup, à deux exceptions près, le PLR dans son entier.  Probablement en soutien à la ministre concernée Karin Keller Sutter qui était contre. Cette dernière, au nom du Conseil fédéral, trouvait la mesure disproportionnée. En revanche les centristes du PDC, souvent comptabilisés comme force d’appoint de la sphère rose-verte, a lui soutenu, là aussi à deux exceptions, la motion de l’UDC.

Dans les faits, ce fameux bloc de droite a rarement réussi, sinon jamais, à imposer quoi que ce soit. D’abord parce sur nombre de sujets majeurs, comme l’Europe et/ou le climat, UDC et radicaux ne sont à peu près d’accord sur rien. On a même vu l’UDC et le PS s’allier contre les radicaux sur des sujets également importants comme l’AVS par exemple. Ensuite parce qu’au Conseil des Etats, l’attelage PLR-UDC ne compte que 18 sièges sur 46, face à une majorité Gauche-PDC. Or, rien comme on le sait, ne peut se mener à conclusion sans l’aval des deux chambres.

Enfin, l’alpha et l’oméga du système suisse, le consensus, ne trouve pas son compte dans une alliance à deux seules têtes: la quasi-totalité des votations populaires victorieuses étaient soutenues au moins par trois formations gouvernementales. Sans compter qu’en matière économique, si le libéralisme est une valeur indiscutable au PLR, c’est nettement moins le cas à l’UDC, qui sait avoir ses humeurs protectionnistes.

Le résultat des maigres courses est résumé abruptement par le chef du groupe libéral-radical Beat Walti: «La majorité arithmétique a été surévaluée.» Disons qu’elle n’aura été au mieux qu’arithmétique et jamais politique.

Le correspondant du journal Le Temps à Berne, Bernard Wuthrich, ne voit d’ailleurs pas la situation s’améliorer pour cette claudicante alliance des droites fortes: «Comme on s’attend à un rééquilibrage lors du renouvellement du parlement en octobre, cette majorité arithmétique restera une parenthèse et ne sera vraisemblablement pas reconduite pour la 51e législature.» Bref, camarades, plus de peur que de mal.