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26. Où triomphe enfin le génie politique du commandant Moritz

Vingt-sixième épisode de notre feuilleton de politique-fiction. Ce récit présente le scénario catastrophe auquel le Forum de Davos a échappé de justesse en délocalisant sa prochaine édition à New York.

Dans la nuit qui précède le Forum de Davos, chacun se prépare. D’une part, Max, conférencier invité, se retrouve au lit avec la belle Frénésie, directrice de l’hôtel. D’autre part, le jeune Japonais, Tsutsui, monte au-dessus de la station pour s’attaquer à un relais de téléphonie mobile. Une vue de la scène du drame est accessible ici.

Et pendant ce temps, le commandant Moritz, surveille aussi bien les invités que les non-invités. Il prépare la contre-attaque. Lire ici le début du récit.

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Chapitre 26.

Le commandant Moritz veut éviter qu’à partir de maintenant sa conversation avec Ruth ne soit enregistrée. Une procédure tout à fait légale, afin de ne pas augmenter la tension. Chacun sait que, dans cette pièce, on peut parler à son aise, émettre les stratégies les plus invraisemblables en toute liberté.

Encore une fois, le commandant Moritz fait préciser à Ruth la position des déclencheurs d’avalanche. Sur la carte à l’écran, les cônes de neige qu’ils vont emporter sont clairement marqués en rouge.

Il existe même une zone qui recouvre le relais lui-même. Celle-là intéresse particulièrement le commandant Moritz. Il met le doigt sur l’emplacement du relais, puis suit le triangle dans la pente où les effets de l’avalanche artificielle se feront sentir. Ruth comprend vite:

– Je vois, chef, tu veux faire descendre par là une coulée. Emporter le relais, emporter le Japonais et qu’on n’en parle plus. Mais ça n’enlève rien au résultat: plus de communications civiles.

Ça change, parce que le coupable risque fort d’y rester jusqu’à la fonte des neiges. L’avantage n’est pas là seulement.

– Chef, tu vas créer un climat de catastrophe naturelle. On dira, attention, les avalanches descendent, la situation est dramatique. Les manifestants resteront en plaine. Si les portables ne fonctionnent plus, ça sèmera une sacrée pagaille.

Oui, justement. Il faudra se serrer les coudes. Plus question d’accuser la sécurité, le commandant Moritz ne pourra plus servir de fusible.

– Chef, mais le déclenchement, ça s’entendra. On saura qu’il a été provoqué. Ils mettront une commission d’enquête sur le coup.

Les commissions, le commandant Moritz s’en moque. Ce Tsutsui de malheur ne sera pas là pour leur dire comment les choses se sont passées. On pourra faire croire que la charge est partie par sympathie, après un attentat terroriste.

– Si je t’ai bien compris, chef, tu prépares un scénario catastrophe. Tu attends que notre terroriste éclate la plate-forme, ensuite tu lui balances l’avalanche maximum pour l’étouffer et tu proclames l’état de catastrophe naturelle.

Contre l’aveuglement terroriste, la riposte doit être décisive. Il n’y a plus qu’à souhaiter que rien de cela ne soit nécessaire. Que ce monsieur rentre se coucher tranquillement.

– Bien sûr, chef, on ne dit rien à l’Institut des avalanches du Weissfluhjoch. On fait descendre la montagne sans leur avis. Un coup de souris, clic et clac, ni vu ni connu.

Oui, pour le cas où: le chaos. Le commandant Moritz sait ce qui lui reste à faire. Pour que tout ça ne laisse pas de traces. Il va falloir débrancher les systèmes de contrôle pour quelques minutes.

Mais où irions-nous, si ceux qui sont chargés de contrôler le monde étaient eux aussi contrôlés en permanence?

(A suivre)

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Jusqu’au 30 janvier 2002, les épisodes de «Davos Terminus» sont publiés sur Largeur.com chaque lundi, mercredi et vendredi. Lire ici le vingt-septième épisode.

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A la même cadence, «Davos Terminus» est publié en traduction anglaise par nos confrères new-yorkais d’Autonomedia.org et en allemand sur le site zurichois Paranoiacity.ch.