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12. Où se trouve dévoilé l’étrange gagne-pain du repris de justice Tsutsui

Douzième épisode de notre feuilleton de politique-fiction. Ce récit présente le scénario catastrophe auquel le Forum de Davos a échappé de justesse en délocalisant sa prochaine édition à New York.

Dans la nuit qui précède le Forum de Davos, chacun se prépare. D’une part, le commandant Moritz surveille aussi bien les invités que les non-invités. D’autre part, Max, conférencier invité se retrouve au lit avec Frénésie, la directrice de l’hôtel. Et pendant ce temps-là, le jeune Japonais Tsutsui monte au-dessus de la station pour s’attaquer à un relais de téléphonie mobile. Lire cialis shipped from us le début du récit.

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Chapitre 12.

En levant la tête, Tsutsui peut distinguer la lisière de la forêt à deux mille cent mètres. Comme il est parti à mille cinq cents mètres et doit aller à deux mille cinq cents, il aurait déjà fait plus de la moitié en hauteur. Ça ne lui paraît pas possible.

Il sort la carte et, grâce à la lampe de poche, découvre que le chemin, avant de franchir la limite définitive des arbres, passe par une clairière où se trouve un alpage que personne ne doit habiter l’hiver.

Il n’a pas que ça à faire. Grimper dans la nuit pour faire peur à ces messieurs. Les priver de conversations. Dans trois semaines, à Londres, il doit organiser un événement qui rapporte gros. L’emploi le mieux payé qu’il ait trouvé.

Une quinzaine de personnes travaillent avec lui, toutes dévouées mais sans scrupules quand il s’agit d’affaires. Un contrat pour lancer une nouvelle marque de boisson alcoolisée. Cela s’appelle publicité clandestine.

En vingt-quatre heures il faut avoir fait le tour de toutes les soirées qui comptent. S’y faire servir à grand bruit la nouvelle boisson. Bouche à oreilles. Un travail de suggestion, de persuasion mensongère des indécis. Ah goûtez-y! C’est extraordinaire! Comment, vous ne connaissez pas? Allez, je vous l’offre. Vous m’en direz des nouvelles!

En un soir, tous les gens branchés doivent avoir l’impression de faire eux-mêmes la découverte. Ils la répercutent et se transforment sans le savoir en agent de la publicité clandestine. L’opération est précédée de deux journées de formation.

Tsutsui atteint la clairière après avoir passé une combe où la cascade muette exhibe ses glaçons au sourire des étoiles. Il choisit un autre CD dans sa musette, un air venu d’ailleurs, puis trouve un banc abrité par l’avant-toit d’un chalet.

Il verse encore un doigt de thé chaud qu’il lève à la santé des assiégés de Davos. Là en bas s’étire dans le sommeil la procession des toits plats. Ce pourrait être un paysage idyllique. L’église et son interminable clocher est si bien éclairée qu’il peut y déchiffrer le cadran. Une heure et demie du matin.

Les bâtiments importants se repèrent facilement. Tout à gauche, la gare de Davos-Platz, à droite, celle de Davos-Dorf et la ligne des chemins de fer rhétiques qui les relie. Il reconnaît aussi les hôtels: le Flüela, le Belvédère et La Montagne Magique.

L’éclairage du Centre de congrès rivalise avec celui du campement des unités spéciales. Demain matin les manifestants essaieront de débarquer par tous les côtés. Par la route, par le train, à ski, en luge, avec des raquettes. Dommage qu’ils n’aient aucune chance de réussir. D’où la nécessité d’utiliser d’autres moyens pour signaler au monde la présence d’une certaine dissension concernant l’ordre du jour de ces messieurs.

Davos dans toute sa longueur s’étale sur un flanc sud-est. Les anciens sanatoriums sont légèrement tournés dans la pente pour que leurs terrasses jouissent du meilleur ensoleillement. Les patients enroulés dans leurs couvertures y attendaient guérison ou agonie.

Au-dessus des maisons court la masse sombre de la forêt. Quelques clairières enneigées et la trouée en direction de la Schatzalp tracent des figures blanches. En haut du funiculaire, à la lisière, une rangée de lumières presque rouges annonce l’ancienne clinique d’altitude transformée en hôtel.

Plus haut encore, trois montagnes enneigées zébrées jusqu’au somment par les pare-avalanches. Des horizontales noires strient les pentes abruptes pour préserver Davos des coulées de neige. Par derrière, la découpe nette des sommets, le bleu nuit d’un ciel sans nuage, transparent et profond comme sait l’être l’infini à la recherche de lointaines étoiles. La queue de la Grande Ourse s’est prise derrière la mamelle du Weissfluhjoch. Tsutsui, conquis par la beauté du paysage, éteint la musique de son CD.

Un jour, il reviendra par ici avec ses copains de la publicité clandestine. Ils surferont, ou décolleront d’un rocher en parapente. Il aura une carte sur les genoux et prendra le temps d’apprendre le nom des montagnes qui, dans ce pays, sont déclinées en allemand, en italien et en romanche.

(A suivre)

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Jusqu’au 30 janvier 2002, les épisodes de «Davos Terminus» sont publiés sur Largeur.com chaque lundi, mercredi et vendredi. Lire ici le treizième épisode.

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A la même cadence, «Davos Terminus» est publié en traduction anglaise par nos confrères new-yorkais d’Autonomedia.org et en allemand sur le site zurichois Paranoiacity.ch.