KAPITAL

Dotcom not dead

Les faillites de startups sont très médiatisées. Au point qu’on en oublie parfois les formidables réussites de la nouvelle économie. Les dotcoms sont bien vivantes. Et elles préparent leur revanche.

Les entreprenautes ont mauvaise presse. L’effondrement du Nasdaq au printemps 2000 a transformé les nouvelles technologies en autant de naufrages. Du moins dans les esprits.

Car si bon nombre de startups ont effectivement fait faillite, la majorité d’entre elles reste bien vivante. Elles ne doivent pas leur survie au hasard mais à de nouvelles stratégies et à leur faculté d’adaptation.

C’est le commerce électronique qui a fait le plus grand nombre de victimes: selon les analyses de Webmergers.com, 46% des 555 dotcoms qui ont disparu depuis le début de l’année étaient actives dans l’e-commerce. Les fournisseurs de contenu représentent 27% des faillites et les pourvoyeurs d’accès seulement 10%.

Pas vraiment une surprise car c’est justement le commerce en ligne qui avait généré la plus grosse inflation de dotcoms. Au temps de l’euphorie, on pensait qu’il suffisait de mettre en vente sur le réseau n’importe quel presse-purée pour devenir riche.

La réalité est autrement plus cruelle. Value America en a fait l’experience, rapporte le magazine américain Newsweek. Le site voulait tout vendre, de la multiprise jusqu’à la crème hydratante. Très vite, il s’est avéré impossible de travailler avec autant de fournisseurs. Mais la technologie qui permet de gérer en parallèle des millions de transactions a fait ses preuves. Une technologie que le distributeur traditionnel Merisel a acquise pour 2,4 millions de dollars (4 millions de francs suisses).

Comme Value Ameria, beaucoup de dotcoms ont dû migrer du commerce électronique vers la technologie, l’infrastructure et les services. Elles ne s’adressent plus au grand public mais à une clientèle d’entreprises et d’institutions.

Pourtant, le commerce sur internet, ça peut marcher. A condition que le produit s’y prête. Les compagnies d’aviation easyJet ou Ryanair effectuent déjà les deux tiers de leurs ventes par le réseau. En revanche, pour l’alimentaire, l’interface inodore du Net n’a rien d’idéal. Ce dont atteste le récent naufrage de Webvan, cyber-épicerie américaine haut de gamme.

Et il y a bien sûr la success story du e-commerce: le site d’enchères en ligne eBay (lire ici l’article de Largeur.com). Né il y a six ans, eBay puise sa substance dans ce que le réseau est le seul à offrir: l’interactivité. La compagnie a très vite été rentable. Une exception dans le secteur. Comme elle fonctionne sans stock, sans personnel de vente ni inventaire, ses charges sont comprimées à un niveau extrêmement bas. Ce qui garantit une rentabilité confortable. La direction escompte une croissance de 50% par an, qui doit aboutir à un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars (5 milliards de francs suisses) en 2003.

Le Net est en passe de faire son deuil d’un idéal: la gratuité pour l’utilisateur. Nombre d’entreprises comptaient sur les revenus publicitaires pour financer leurs activités. Mais les bannières ne rapportent pas assez. Il faut donc que le consommateur paye pour que le site survive. La société israélienne de traduction en ligne Babylon.com demande depuis juin une contribution de 20 dollars en échange de l’accès à ses services durant deux ans. Et ceci même si elle s’attend à perdre 90% de ses 11 millions d’utilisateurs, mentionne la Neue Luzerner Zeitung.

Beaucoup de survivants se sont défaits du label dotcom qui n’a aujourd’hui plus rien de sexy. Et ils ont diversifié leurs sources de revenus. L’entreprise Internet.com – une enseigne qui fut terriblement «hot» – est par exemple devenu INT Media Group. Le broker E-Trade s’est transformé en un centre de conseil financier avec l’acquisition d’autres sociétés. Enfin, Britannica.com ne veut plus qu’on l’appelle «portail de la connaissance». Cette vieille dame de l’encyclopédie a abandonné l’idée de gagner de l’argent grâce au Net et s’est remise à plancher sur une édition imprimée.

Et puis, il y a les sites qui continuent à prospérer grâce à une bonne idée. C’est le cas du moteur de recherche américain Google. Né en 1998, ce débutant a réussi à doubler les vétérans AltaVista, Lycos ou Excite grâce à son logiciel fûté. A contre-courant de la morosité ambiante, la société installe des têtes de pont en Europe et en Asie. Les revenus sont assurés par une publicité discrète qui exclut les bannières. Et surtout par la vente de sa technologie sous licence. Le site Yahoo, lui-même, a greffé un moteur de recherche Google sur son annuaire.

Les survivants du Net ont respecté à la lettre les préceptes austères de l’économie traditionnelle. Une technique sans faille et des dépenses minimales. Le voyagiste britannique Lastminute.com a mis au point un système très performant de réservation. Parallèlement, le marketing était limité à des annonces dans le métro et les taxis londoniens. Aujourd’hui, Lastminute.com est toujours valide.

Du côté des mauvais élèves, le distributeur de vêtements branchés anglais Boo.com a englouti des millions d’euros dans une promotion tapageuse alors que l’interface ne fonctionnait pas (lire à ce sujet l’article de Largeur.com). La morale est sauve: Boo.com a sombré corps et biens.