CULTURE

Un Moulin Rouge qui grise et lasse

Le nouveau film de Baz Luhrmann sera l’un des événements de la rentrée cinéma. Martine Pagé, qui l’a vu au Canada, en est revenue tout étourdie…

Certains alcools ont un effet immédiat. Le champagne, par exemple, me fait rapidement tourner la tête, mais après trente minutes d’ivresse, je me demande comment je vais réussir à survivre au reste de la soirée…

J’ai eu la même impression lors de la projection du film «Moulin Rouge». J’étais d’abord ébahie par tant de mouvements, de couleurs et de rythme. La première scène musicale est à couper le souffle. La caméra colle aux jupons des danseuses, l’écran n’est qu’un tourbillon de frous-frous des plus beaux verts et rouges qu’il m’ait été donné de voir au cinéma. Difficile de résister à l’envie de taper du pied avec les hommes aux chapeaux haut de forme qui avancent sur la piste au son d’un air de Nirvana rendu encore plus agressif par le montage. Il règne au début de ce film une sorte d’extravagance tout à fait étourdissante.

Mais après une trentaine de minute à ce rythme, je me demandais si j’allais pouvoir tenir le coup.

L’australien Baz Luhrmann, déjà remarqué pour son «Romeo + Juliette», n’a pas manqué d’idées dans sa réalisation de «Moulin Rouge». Au contraire. On a même l’impression qu’il n’a voulu abandonner aucune de ses intuitions, les mauvaises pas plus que les bonnes, de sorte que certaines scènes d’une grande originalité côtoient des moments sans grâce où l’on décroche et perd le fil de l’histoire.

Le scénario n’est pourtant pas très compliqué. Christian (Ewan McGregor) se rend à Paris dans le but de devenir écrivain. Et comme dans tout bon film dont le personnage central est un écrivain, c’est la voix de Christian qui servira de narration tout au long du film. Christian s’installe donc juste à côté du Moulin Rouge.

Il est séduit à la fois par la vie de bohème et par la superbe Satine (Nicole Kidman), une courtisane habituée à l’attention des hommes. Après lui avoir récité quelques vers d’Elton John et même de Kiss («I Was Made For Loving You Baby»), il réussit à toucher son cœur. Les deux amoureux devront dès lors faire face ensemble à la laideur du monde.

Dans ce film comme dans bien d’autres, les êtres séduisants ont une grande générosité – et les laids sont souvent un peu bêtes ou méchants. Seule Satine fait le lien entre ces deux mondes et se balance sur son trapèze au dessus de la mêlée, tantôt vraie et enfantine, tantôt froide et calculatrice.

Suivra-t-elle son désir de gloire en devenant la maîtresse du sombre duc qui subventionnera ses talents d’actrice? Ou succombera-t-elle à la grandeur d’âme et aux très beaux yeux de Christian?

Si l’histoire a déjà été jouée des centaines de fois, Baz Luhrmann en offre tout de même une version inédite, surtout dans la forme. Certains décors et éclairages sont si captivants qu’on voudrait que la scène se prolonge. C’est le cas par exemple pour les séquences à l’intérieur de l’éléphant qui sert d’appartement à Satine – une réplique de la construction qui avait survécu à l’Exposition universelle de Paris de 1889 et avait été intégrée dans la cour du Moulin Rouge.

Je me suis lassée en revanche des interminables plans serrés sur les personnages principaux: à chaque réplique un tant soit peu dramatique, le spectateur a droit à un «reaction shot» appuyé. Les expressions de peur ou de surprise sont soulignées aussi lourdement que les maquillages.

Si le montage extrêmement saccadé emporte l’adhésion en début de film, il finit lui aussi par épuiser le spectateur. Certes, les danseurs sont agiles et les costumes éblouissants, mais on les aperçoit à peine, tant chaque scène est découpée au bistouri, de manière quasi anatomique: un bras s’élève, un sourire se fige, un jupon vole, une main se balade, un œil tourne.

A plusieurs reprises, j’ai eu envie d’appuyer sur la touche «pause», pour revoir toute la scène, sans coupure. Mais le réalisateur est déjà passé à sa prochaine vision, à sa prochaine bonne ou mauvaise idée. Et il compte bien nous l’offrir, parfois sans discernement.

Dans «Moulin Rouge», le grandiose côtoie sans cesse le ridicule. La séquence finale, par exemple, m’a rappelé «Dirty Dancing». Christian, exclu du spectacle, y fait un retour identique à celui de Patrick Swayze, traversant le public pour rejoindre triomphalement sa compagne sur la scène…

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«Moulin Rouge», de Baz Luhrmann, sera projeté le dimanche 12 août 2001 en première suisse sur la Piazza Grande, en clôture du Festival du film de Locarno.

Renseignements: (+41 91) 756 21 21

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Le cialis levitra viagra cost comparison du film permet au visiteur de se promener dans les décors du Moulin Rouge avec le logiciel Quicktime VR.