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Au nom de l’amour et du fou rire

Alice Vinteuil, coiffeuse, nous confie chaque semaine une chronique inspirée par les confidences de ses clients. Elle se souvient de cette cliente qui affublait son mari d’un drôle de surnom…

«Bonjour, ma petite moumoute d’amour!» C’est ainsi que chaque vendredi à 19 heures Geneviève accueillait son mari, Marc, venu la chercher après son brushing hebdomadaire. Pour nous, la formule était devenue un rituel pour annoncer la fin de la semaine: «Aujourd’hui, c’est moumoute d’amour!»

Cette phrase suffisait à nous mettre de bonne humeur. Viril, solide, prévenant, Marc était pourtant un bel homme. Je sais qu’il faisait fantasmer plus d’une fille au Salon.

Un jour que je coiffais Geneviève, je lui demandai pourquoi elle avait affublé son mari d’un sobriquet aussi injustifié puisqu’il était… chauve.

Ma cliente partit dans un tel éclat de rire que mes ciseaux dérapèrent, lui coupant une partie de sa frange. Revenue à plus de calme – ou refroidie par ce coup de ciseaux inopiné – Geneviève commença son récit.

«J’ai connu Marc grâce à une agence matrimoniale. J’avais déjà 33 ans. Lasse des aventures sans lendemains, je voulais me marier, fonder une famille, n’aimer qu’un seul homme. Bref, je voulais me caser. Ne voulant pas m’en remettre aux caprices du hasard, je choisis de faire appel à une agence. Parmi les 43 candidats proposés, un seul retint mon attention: Marc.

Sa lettre, plus longue que celle des autres, révélait un goût marqué pour l’écriture et un humour plutôt rare dans ce genre de correspondance. Grand voyageur, divorcé mais sans enfant, amoureux de Stendhal et de Péguy (qui connaît Péguy aujourd’hui?), ironique sur lui-même, possédant un mas en Provence (je n’ai jamais été intéressée, mais j’ai toujours eu un faible pour le midi de la France), son profil correspondait à ce que je pouvais attendre d’un homme.

On se donna donc rendez-vous le lundi 23 septembre – je me souviens encore de la date – à 20 heures précises, dans une auberge de campagne du côté de Satigny. Pour le reconnaître, il m’avait dit qu’il aurait devant lui un paquet de Craven A. J’avoue que ce détail m’apparut un signe du destin: je fumais moi-même des Craven A à l’époque.

Même caché derrière trois tables, je le reconnus immédiatement. Il ressemblait à sa photo, portait une veste en tweed et fumait avec beaucoup d’élégance. «Bonsoir, je m’appelle Geneviève.» Il se leva, me fit un baise-main et commanda aussitôt une coupe de champagne. On se mit à parler de tout et de rien très naturellement, comme si nous nous étions toujours connus.

Inutile de vous dire que le dîner se passa on ne peut mieux… jusqu’au moment où je vis tous ses cheveux se déplacer sur la tempe gauche. Pris dans le feu de son récit de voyage, Marc ne s’était rendu compte de rien.

Alors qu’il était en train de me raconter comment une vieille mendiante l’avait guéri de son panaris, je fus saisie d’un fou rire inextinguible. Quelques secondes plus tard, Marc en comprit la raison: sa perruque avait recouvert l’assortiment de sorbets.

«Vous me croirez si vous voulez, chère Alice, mais j’ai su à cet instant précis, observant son expression foudroyée par la honte, que cet homme-là serait à mes côtés jusqu’à la fin de mes jours. Non seulement, il m’avait fait mourir de rire, mais il était infiniment plus beau sans cheveux. «Marc, vous avez un crâne splendide, vous auriez tort de le cacher!»

Après un moment de sidération, comprenant que son infortune n’allait aucunement porter préjudice à notre rencontre, il se mit à rire à son tour, tout en mettant discrètement ses faux cheveux dans la poche. De ce jour, et en mémoire de ce premier rendez-vous, je l’appelle «ma petite moumoute d’amour».

«C’est un peu humiliant, ne trouvez-vous pas, surtout en public?»

«Alice, vous manquez d’humour! Nous avons tous nos petits secrets cosmétiques. Il ne faut pas en faire un drame! D’ailleurs, savez-vous comment lui m’appelle, ce qu’il me dit à l’oreille chaque fois qu’il vient me chercher au salon? «Mon adorable vampire kukident!»