CULTURE

NakedNews, le JT qui dit la vérité toute nue

Des présentatrices qui se déshabillent pendant qu’elles racontent avec le plus grand sérieux les nouvelles du monde: c’est une chaîne de Web TV lancée il y a quelques mois par un couple de Canadiens. On y verra bientôt aussi des hommes nus.

Le programme commence toujours par les nouvelles internationales. Debout, élégante, la présentatrice énonce les sujets dans un studio avec des écrans TV en arrière plan, très pro. On se croirait sur une chaîne locale américaine plutôt de bonne qualité.

«La tension monte entre Israëliens et Palestiniens…» C’est généralement à partir du deuxième sujet que l’effeuillage commence. Lentement, la présentatrice déboutonne sa blouse. Elle poursuit sans changer de ton: «…au Mexique, le volcan Popocatepetl est entré en éruption…»

Toujours très professionnelle – la voix ne bronche pas, le regard ne quitte pas la caméra -, elle retire sa jupe et se retrouve en dessous chics. Vous êtes sur Nakednews.com, «le programme qui n’a rien à cacher». Le strip-tease de la présentatrice se poursuit. Elle finit complètement nue, tout en continuant son résumé des nouvelles du jour, impassible.

Chaque semaine, un million d’internautes se branchent sur ce site canadien fondé en mars 2000 par un couple assez libéré: Elliott Shulman et sa femme Victoria. «Comme la grande majorité des hommes, j’ai toujours imaginé les présentatrices du téléjournal sans leurs habits, explique simplement Elliott Shulman, 42 ans. J’ai transformé ce rêve en réalité sur internet.»

Naked Broadcasting Network Inc. ressemble à une petite startup du Net comme les autres. Basée à Toronto, la société emploie dix personnes, dont quatre présentatrices «qui nous aident aussi pour la préparation des nouvelles et la production», précise le directeur.

NakedNews existe depuis mars 2000, mais a tardé à décoller. «Nous avons eu beaucoup de problèmes techniques pendant les premiers mois, raconte le fondateur. Le public américain commence à nous connaître depuis cet automne seulement.» Une société de capital risque canadienne a investi dans l’entreprise et permet d’en assurer le développement.

Les revenus proviennent uniquement de la publicité, diffusée sous la forme de bannières et de courts messages vidéo qui interrompent le programme. «Nous commençons à décrocher de gros contrats, notamment avec des firmes de mode qui comprennent notre démarche éloignée de toute vulgarité, poursuit Shulman. Je fais une grande différence entre le sexy et le sexuel. Nous ne sommes pas des pornographes. Nous voulons simplement dédramatiser la nudité dans une région – le nord de l’Amérique et particulièrement Toronto – où les gens sont complètement coincés.»

Les nouvelles sont assemblées durant la matinée à partir des agences de presse traditionnelles. Le programme est enregistré pendant l’après-midi et mis en ligne vers 17 heures à Toronto (fin de soirée en Europe), dans tous les formats disponibles (RealVideo, Windows Media ou QuickTime). «Notre journal est regardé essentiellement depuis les bureaux car la vidéo en ligne nécessite une connexion rapide. Nous réalisons des pics d’audience vers 10 heures le matin, à midi, et en fin d’après-midi.»

Le provocateur radiophonique Howard Stern, figure célèbre aux Etats-Unis, a beaucoup parlé de NakedNews sur les ondes, ce qui a rapidement fait connaître l’adresse. 60% de l’audience vient aujourd’hui des Etats-Unis, et 25% du Canada. «Des spectateurs fidèles, qui se connectent fréquemment», affirme Elliott.

Curieusement, le site n’a suscité que peu de réactions violentes. «Je m’attendais à une avalanche d’insultes de la part des puritains américains. Mais depuis le lancement, je n’ai reçu qu’une seule lettre négative, de la part d’une jeune fille de 14 ans qui ne voulait pas que ses parents puissent regarder un tel programme. Par contre, je reçois des milliers d’e-mails chaque semaine de spectateurs enthousiastes. Certains affirment qu’ils s’informent principalement grâce à notre chaîne, ce qui est une sorte de consécration.»

Les nouvelles de NakedNews ne sont pas tout à fait exhaustives. «Nous enlevons tout ce qui pourrait relever du mauvais goût: une femme nue ne peut pas parler d’une histoire de viol, par exemple. Pas plus que nous n’évoquons les épidémies ou la faim en Afrique. Nous mélangeons clairement l’information et le divertissement et nous n’avons certainement pas l’intention de rivaliser avec la BBC.»

Avec son projet, Elliott Shulman entend aussi provoquer la télévision traditionnelle qu’il critique sèchement. «Les networks nous abreuvent de reality shows stupides et les nouvelles sur les chaînes locales sont simplement grotesques.»

NakedNews entend s’exporter sur les ondes et commercialiser à terme son show auprès d’un diffuseur classique (une chaîne payante par exemple). Par ailleurs, les programmes vont s’étoffer pour inclure aussi des divertissements et des shows de toute sorte, toujours sous la même forme.

Mais la nouveauté la plus originale sera sans doute l’apparition de présentateurs masculins. NakedNews a en effet reçu un abondant courrier de femmes qui veulent voir des hommes nus présenter les infos. «Les premiers mâles commenceront très bientôt, au début de l’année 2001», promet Elliott. Et oui, ils finiront complètement à poil, comme les dames.