La vente au plus offrant des licences de la téléphonie mobile du futur a été reportée. A Berne, on accuse entre autres… les écologistes.
«Les écologistes sont responsables d’avoir fortement diminué l’attrait de la place suisse en créant une psychose des antennes dans le pays.» Gian-Andri Vital, vice-président de la Commission de la Communication (ComCom), cherchait désespérément lundi à expliquer la débandade devant les enchères de la téléphonie mobile de la 3ème génération (le système UMTS).
Le vice-président de l’autorité de régulation estime avoir de sérieuses raisons d’accabler les écolos. Au début du mois, soit quelques jours avant les enchères, plusieurs organisations environnementales ont relancé le débat des nuisances éventuelles sur la santé provoquées par le rayonnement des antennes. Ces organisations ont demandé au gouvernement une nouvelle baisse des valeurs limites des émissions, bien que la Suisse applique déjà les normes les plus sévères du monde en la matière. «Il est clair que cela a de quoi effrayer un opérateur qui ne possède pas encore d’infrastructures en Suisse», analyse Thérèse Wenger, porte-parole d’Orange. Les réseaux UMTS exploitent de hautes fréquences et nécessitent donc l’installation de plusieurs milliers d’antennes.
Selon Gian-Andri Vital, cette «menace écologiste» a pu pousser les candidats extérieurs au marché suisse à organiser des alliances avec les opérateurs mobiles déjà en place (Diax, Orange et Swisscom). «En une semaine, le soufflé s’est dégonflé, dit-il dépité. Parti avec une équipe de dix candidats, dont plusieurs acteurs internationaux importants, on s’attendait à de bons résultats. J’avoue que le départ de Telenor, Cablecom, Hutchison puis de Deutsche Telekom pendant la dernière semaine fait planer un sérieux soupçon sur une entente préalable entre les candidats.»
Le coup de pied de Suniax
L’annonce d’une fusion logique entre Diax et Sunrise (deux candidats devenus un seul) a donné dimanche soir le coup de pied de l’âne aux enchères fédérales. Le scénario du pire, soit quatre candidats pour quatre licences, s’est produit: il ne restait en lice lundi matin que Swisscom Mobile (allié à l’anglais Vodafone), Orange (racheté par France Telecom), l’espagnol Telefonica et le nouveau fusionné Diax – Sunrise (va-t-il être rebaptisé Diarise ou Suniax?).
Ce dernier nie avoir voulu embarrasser le régulateur avec une annonce de dernière minute. «Nous avions demandé quel était l’ultime délai à l’Office fédéral de la communication et, comme toujours dans ce genre de dossier, les négociations ont duré jusqu’au dernier moment, affirme Stefan Howeg, porte-parole de Sunrise (c’est son patron Urs Fischer qui a pris la direction de la nouvelle entité). Diax nous avait approché au printemps déjà, sans succès. L’arrivée des enchères a changé la donne et accéléré le processus.»
L’opérateur n’a pas encore décidé s’il se donnera une nouvelle identité. «Sunrise et Diax sont deux marques fortes et complémentaires qui doivent maintenir les ventes dans leurs secteurs respectifs et il n’y pas de raison de créer un nouveau nom pour l’instant», détaille le porte-parole.
Désolation à Berne
Lundi à Berne, la déception était à l’échelle des attentes. A quelques heures de la catastrophe, on parlait encore de financer l’AVS ou de développer des axes de formation technologique avec l’argent magique des enchères. Le projet de vendre au plus offrant les licences avaient réuni la gauche et la droite autour d’un consensus très hélvétique. Seuls quelques analystes, dont Bruno Giussani sur Largeur.com, étaient venus tempérer cet enthousiasme général.
En tête de file, Fulvio Caccia, président de la ComCom, qui déclarait en juin dernier ici même que les enchères représentaient «tout simplement le meilleur moyen pour départager équitablement des candidats lorsque les ressources sont limitées». On pensait alors, en se basant sur l’exemple anglais, que la vente allait rapporter entre 6 à 10 milliards de francs pour la Confédération…
Devant une telle désolation, ne restait que la fuite. L’Office fédéral annonçait lundi matin le report de la vente à une date ultérieure non précisée. L’Ofcom a élaboré trois scénarios possibles pour la suite:
1. Les enchères sont relancées
Les enchères reprennent là où on les a laissées, c’est-à-dire que les candidats se battront simplement pour une gamme de fréquences préférentielles (seule différence importante entre les concessions). Par exemple, Orange (France Télécom) tentera de choisir celles qui n’entrent pas en conflit avec le réseau français. On peut espérer faire monter de quelques millions seulement le prix de base de 50 millions en suivant ce scénario, estime Gian-Andri Vital.
2. La Confédération fixe un prix de vente
Le régulateur vend les fréquences aux candidats à un prix défini. «Comment calculer ce prix? C’est ce que nous devons examiner dans les jours qui viennent si ce scénario est retenu!, dit seulement Roberto Rivola de l’Ofcom. En fait, c’est le Conseil fédéral qui fixera le montant en fonction de la valeur du marché. Certainement plusieurs centaines de millions, si on tient compte des prix atteints en Grande-Bretagne ou en Allemagne…»
3. On revoit la copie
On arrête tout et on recommence. Le régulateur décide de changer la méthode d’octroi, de passer par exemple à un concours de beauté ou de relancer les candidatures pour des enchères. C’est le scénario le moins probable, car il pourrait entraîner des poursuites judiciaires. «Nous avons déjà mis nos avocats sur le dossier, confirme Thérèse Wenger, porte-parole d’Orange. C’est clair: on ne peut pas changer les règles du jeu en cours de partie.»
L’Ofcom annoncera le scénario retenu d’ici à deux semaines. Les contribuables restent en ligne.
