CULTURE

Dutronc: «J’aimais trop le cinéma pour en faire»

A l’occasion de la sortie de «Merci pour le chocolat», le comédien a accordé une interview exceptionnelle aux Cahiers du cinéma. Il s’y livre un peu. Extraits.

Son premier rôle au cinéma date de 1973. Il avait juste trente ans et sa carrière discographique était déjà entrée en hibernation. Depuis, Jacques Dutronc est apparu très discrètement à l’écran, comme si le cinéma n’était qu’une activité secondaire à ses yeux.

En 27 ans, il a tout de même tourné 27 films. Il a baladé sa silhouette d’élégant dilettante dans des œuvres de Zulawski («L’important c’est d’aimer»), de Godard («Sauve qui peut (la vie)»), de Pialat («Van Gogh») et de quelques autres.

En cet automne 2000, on peut le voir dans «Merci pour le chocolat», le dernier Chabrol (lire ici la critique d’Alain Perroux). A cette occasion, Jacques Dutronc a accordé une interview exceptionnelle aux Cahiers du cinéma.

On savait qu’il n’aimait pas les entretiens. Dutronc ne parle presque jamais aux médias. Cette fois, il a parlé un peu, mais les choses n’ont pas été faciles.

«Pour réaliser cet entretien, deux mois de tractations ont été nécessaires, avec revirements, doutes, surprises et longs silences», expliquent Olivier Joyard et Jérôme Larcher, les deux journalistes des «Cahiers» qui l’ont interviewé.

Dans les dix pages que le magazine lui consacre ce mois-ci, l’acteur apparaît souvent brumeux, anecdotique, contradictoire. Mais il se livre un peu. Voici quelques extraits de cette interview dont l’intégralité peut être lui dans la livraison de novembre 2000 des Cahiers.

Comment en êtes-vous venu au cinéma?
C’est Jean-Marie Perier qui m’a longtemps emmerdé avec ça avant de finir par me convaincre (…) J’étais très impressionné (…) J’aimais trop le cinéma pour en faire… On ne fait pas un film comme ça, du moins à l’époque. Aujourd’hui tout le monde tourne, tout le monde est admiré. Avant, être chanteur ou acteur, c’était vraiment péjoratif.

Le cinéma a-t-il été pour vous une activité complètement séparée de la musique?
Oui, oui. La preuve est que, quand je dois faire un disque, un film arrive. Ou l’inverse. Mais je préfère le cinéma (…) Je n’ai aucun regret en ce qui concerne la musique car je m’en fous. Mais, au cinéma, j’ai rencontré des gens exceptionnels que je n’ai plus vus par la suite, peut-être parce que je ne fais pas partie de ce monde. Je ne pensais pas, alors, que le cinéma était à prendre autant au sérieux, qu’il était aussi important pour moi.

Que voulez-vous dire par «prendre le cinéma au sérieux»?
C’est une attitude. Je parle de la mienne. J’aurais dû m’y intéresser davantage (…)

Recevez-vous beaucoup de scénarios?
J’en ai un paquet dans ma chambre, mais je ne les lis pas. Je ne suis pas en confiance avec les jeunes réalisateurs. J’ai des doutes maintenant. Je lis des trucs qui n’ont rien à voir avec le réel. Marre des devoirs!

Depuis vingt ans, vous faites plus de films que de disques.
Je n’ai plus envie de grand chose surtout. Je ne vis pas de projets. Je vais faire le film d’Améris avec la formidable Sandrine Bonnaire.

Vous avez refusé de tourner avec Spielberg et Visconti
Oui, c’est possible.

En attendant un tournage, que faites-vous, vous écoutez de la musique?
Je regarde des films à la télé. J’ai le câble et je suis insomniaque. J’aime bien les films asiatiques. Sinon, Mahler ou Gorecki. J’écoute également beaucoup des crooners comme Nat King Cole. Mais il faut faire attention, cela peut vous attirer vers le bas. Bon, il est tard. Regardez comme l’humidité tombe! Après, c’est le film de Sergio Leone, tout est fermé, il y a de la broussaille, juste un volet qui claque (rires).

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Propos recueillis le 5 septembre à Balagne, en Corse, par Olivier Joyard et Jérôme Larcher pour les Cahiers du cinéma.
© Cahiers du cinéma