Le remixeur le plus doué de son époque sort un nouvel album en exhumant la voix de Jim Morrison. En quinze ans de carrière, Norman Cook, alias Fatboy Slim, a transformé en succès tout ce qu’il a touché.
L’arrivée de l’automne est généralement annonciatrice de deux phénomènes: l’ouverture de la chasse aux canards et celle aux premières places des hit-parades pour Noël. Ces deux événements saisonniers, apparemment très distincts, sont réunis sur Gutterandstars, le site consacré au prochain album de l’immense Fatboy Slim.
Ce n’est qu’avec une certaine dextérité dans le maniement de votre souris, transformée pour l’occasion en gâchette, que vous pourrez tirer sur les volatiles et découvrir quelques extraits du nouvel album du pape du big-beat. C’est même le meilleur moyen de vous faire une idée de ce que sera «Halfway Between The Gutter And The Stars» en attendant sa sortie officielle le 6 novembre prochain.
Les radios commencent à diffuser le premier extrait de l’album, le magnifique «Sunset (Bird of Prey)», porté par la voix posthume de Jim Morrison que le DJ britannique a exhumée du disque «American Prayer». Le site permet aussi d’entendre «Yo Mama», un instrumental techno qu’il a composé pour le film «Charlie’s Angels» («Drôles de Dames»).
De Jim Morrison à «Drôles de Dames», le fossé culturel peut paraître infranchissable. Ce serait oublier que Fatboy Slim est l’un des très rares DJ’s à avoir réussi le mix des publics. Ses disques sont appréciés par les amateurs de rock les plus exigeants mais aussi par les avaleurs d’ecstasy, les adolescentes manga et les managers de moins de cinquante ans.
Carrière étonnante que celle de Norman Cook, alias Fatboy Slim. Depuis une quinzaine d’années, ce caméléon né en 1963 a réussi à transformer en succès pratiquement tout ce qu’il a touché. A chaque apparition, il a utilisé un nom de scène différent et à chaque fois, il a trouvé son public.
La première fois que son nom est apparu sur un disque, c’était au milieu des années 80. Il jouait alors de la basse pour un groupe pop-rock éphémère nommé Housemartins, qui a sorti deux albums et connu son heure de gloire avec la reprise du «Caravan of Love» des Isley Brothers.
Peu après, Norman a entamé une carrière de DJ en emballant le duo de rap américain Eric B. & Rakim. Nouveau succès. Ce talent de remixeur lui a valu un nombre impressionnant de collaborations (plus de 180 à ce jour!), pratiquement toujours avec des artistes qu’il estime, comme les Beastie Boys, Underworld, Chemical Brothers, Cornershop ou A Tribe Called Quest. Mais il ne se gêne pas pour répondre aussi aux demandes de Madonna ou de U2.
La quête électro-musicale de Norman Cook a véritablement commencé en 1990. Avec le projet Beats International, il s’est entouré d’un collectif d’artistes pour sortir deux albums de dub-ragga-dance. Contre toute attente, le morceau «Dub Be Good To Me» est devenu un tube transatlantique.
Puis, après avoir assouvi sa passion pour la musique jamaïcaine, il s’est tourné vers le funk avec Freak Power. Et là, même schéma: deux albums et un hit, le «Turn On, Tune In, Cop Out» repéré par la marque Levi’s pour l’un de ses spots publicitaires les plus brillants (travesti et rasoir électrique dans un taxi new-yorkais).
En parallèle, Cook a entrepris différents projets qui couvrent toute la palette de la musique électronique (de la house au trip-hop), en changeant à chaque fois de pseudonyme: Pizzaman, Mighty Dub Katz, Fried Funk Food… Mais cette production prolixe n’a pas toujours suffi à assouvir ses goûts disparates.
Finalement, c’est en 1996 et sous l’identité de Fatboy Slim qu’il réussit l’alchimie parfaite et qu’il parvient à surmonter la barrière des genres. Son premier album «Better Living Through Chemistry» et son mélange «phunky-phat-techno-rock-breakbeat-dance» reçoit un beau succès d’estime. Plusieurs extraits deviennent des classiques dans les clubs.
En 1998, avec «You’ve Come a Long Way, Baby», il obtient enfin un succès planétaire: plus de trois millions d’exemplaires sont vendus. Des titres comme «Rockafeller Skank», «Right Here, Right Now» ou «Praise You» deviennent des hymnes et font découvrir au grand public un des artistes les plus brillants de son époque.
Si Fatboy Slim a toujours réussi, en quinze ans de carrière, à se maintenir au sommet, c’est qu’il sait mieux que personne repérer les sons du moment. Son talent de programmateur, sa manière de mélanger les publics, de prendre des libertés avec les rythmes et les harmonies, de déconstruire les genres et d’en extraire un produit cohérent lui garantissent un succès durable. «Halfway Between The Gutter And The Stars» est l’un des grands disques de l’an 2000.