Gonflés par le succès des Olympiades, les Australiens se rêvent différents. Ils réfléchissent maintenant à un nouveau drapeau national.
Les Jeux sont finis depuis deux semaines et Sydney se réveille avec une gueule de bois. Après la cérémonie de clôture, les citoyens ont eu droit à quelques jours de vacances supplémentaires, histoire de déguster longuement, comme un bon petit vin australien, l’arrière-goût délicieux des «meilleurs Jeux de l’Histoire», dixit le président du CIO, Juan Antonio Samaranch.
Samedi, la Septième chaîne de télévision en a d’ailleurs remis une derniere couche en repassant l’intégralité de la cérémonie d’ouverture.
Mardi, il y a eu la parade triomphale des athlètes australiens dans les rues de Sydney, avec musique et confettis. L’occasion pour le Premier ministre de la Nouvelle-Galles du Sud, Bob Carr, de s’agenouiller devant Cathy Freeman, l’héroïne absolue de ces JO, pour lui faire un baise-main.
Un geste grande classe, de la part d’un politicien australien blanc. D’autant que l’homme ne semblait pas avoir d’arrières-pensées stratégiques. Aucune élection n’est prévue dans la province, et les affaires aborigènes sont généralement traitées au niveau fédéral par le Premier ministre John Howard.
Howard, c’est ce bon gros bonhomme à l’allure de croque-mort qui a enterré les espoirs républicains de l’Australie l’an dernier en faisant campagne pour que l’île-continent demeure un joyau de feu l’Empire britannique.
La Reine Elizabeth comme chef d’Etat en l’an 2000, ou alors Cathy Freeman comme symbole d’une Australie multiculturelle et moderne? C’est un peu plus qu’un conflit de générations, et le sujet a été habilement relancé la semaine dernière dans les journaux du pays. Selon certains éditorialistes, le drapeau australien, dans lequel on repère beaucoup trop facilement le Union Jack britannique, doit être remplacé au plus vite par une vraie bannière.
Pendant ces Jeux, les Australiens ont glâné 58 médailles, soit trente de plus que la Grande-Bretagne. Et pourtant, quand ils se sont drapés dans leur drapeau pour un tour d’honneur, c’est la croix britannique, bien plus que les petites étoiles annexes, que les téléspectateurs du monde entier ont cru reconnaître.
Parmi les suggestions pour un nouveau drapeau australien, on trouve un kangourou avec des gants de boxe, mascotte officieuse des sportifs du pays. Une autre proposition paraît plus sérieuse: intégrer les couleurs aborigènes (jaune, rouge, noir) dans le futur étendard d’une démocratie moderne et responsable, capable d’organiser sans accroc un événement planétaire.
C’est là le principal sujet de satisfaction du moment pour les Australiens: avoir réussi ces Jeux, malgré toutes les prédictions alarmistes sur les transports, les ventes de billets, les attentats terroristes éventuels, la météo, etc.
Ce succès incontestable dans l’organisation des Jeux a été analysé de manière optimiste dans la presse australienne. Selon plusieurs éditorialistes, l’Australie ne doit plus se contenter d’accueillir des milliers d’immigrants en leur promettant une vie meilleure sous le soleil du Pacifique. Le pays doit voir plus loin, sortir de sa coquille et apprendre à exporter son savoir-faire organisationnel (sport, spectacle) vers d’autres pays de cette region du monde.
En jouant un rôle de leader régional, loin de l’Europe et des Etats-Unis, mais tout près de la Chine et du Japon, en attirant plus d’investisseurs, l’Australie pourrait peut-être consolider son dollar, rudement malmené pendant les Jeux, et notamment parce que la Bourse de Sydney tournait au ralenti: la plupart des brokers avaient les yeux rivés sur la télévision, ou étaient carrément partis à midi pour assister aux épreuves de beach-volley a Bondi Beach…
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Paul Papazian, journaliste, termine son séjour en Australie, où il a couvert les JO pour divers médias francophones, dont Largeur.com.
