KAPITAL

Parrot poursuit son envol

Spécialiste des produits sans fil, l’entreprise française s’impose sur le marché des drones civils. Présentation.

Casques sans fil, drones, pots de fleurs connectés… C’est peu dire que Parrot maîtrise l’art du zigzag! Fondée à Paris en 1994, la société s’est dans un premier temps concentrée sur la création d’agendas électroniques à commande vocale. Cinq ans plus tard, elle bifurque sur la conception de kits mains libres pour automobiles, et voit son chiffre d’affaires progresser substantiellement jusqu’en 2012. Mais confrontée aux limites de ce secteur, l’entreprise se réoriente alors vers celui, naissant, de l’infotainment automobile, soit la production de systèmes qui permettent le visionnage de films ou la consultation d’itinéraires depuis un véhicule.

Aujourd’hui, la firme se concentre surtout sur le marché des drones civils, dans lequel elle s’est lancée en 2010. La part des engins volants dans les ventes de Parrot a pris l’ascenseur. Au premier trimestre 2015, ils représentaient 49% du chiffre d’affaires du groupe, contre 16% à la même période une année auparavant! Plus de 600’000 exemplaires de la gamme de mini-drones ludiques du fabricant français ont été écoulés depuis décembre dernier. Après le «Jumping Sumo» (un mini-robot sur roues capable de sauter comme une grenouille) et le «Rolling Spider» (un drone volant ultra-compact), Parrot a lancé il y a quelques mois le «Bebop», un quadricoptère équipé d’une caméra HD.

«Les drones Parrot destinés au grand public bénéficient d’une image très positive auprès des technophiles ainsi que d’un positionnement haut de gamme», remarque Flavien Vottero, analyste dans la société de conseil Xerfi. Robin Leclerc, du bureau d’études IDMidCap, met toutefois en garde contre des ventes saisonnières concentrées pendant la période des Fêtes, qui doivent être entretenues par la mise au point continuelle de nouveaux produits. «Le développement de drones professionnels, dont les ventes sont beaucoup moins volatiles, limite cependant ce risque», nuance l’analyste.

Rachat d’une société suisse

La division qui rassemble les produits destinés aux entreprises a été constituée par des rachats successifs. Le joyau de la couronne est basé en Suisse, à Renens. Il s’agit de la société SenseFly, qui produit deux drones principalement utilisés pour la cartographie de parcelles agricoles et de mines à ciel ouvert. Parrot a également racheté la start-up Pix4D en 2012. Basée à l’EPFL, cette entreprise s’est spécialisée dans la création de softwares capables d’interpréter les données capturées par des drones.

Bien que relativement marginale par rapport aux équipements automobiles et aux drones, la division de Parrot consacrée aux objets connectés constitue le laboratoire de l’entreprise pour expérimenter les idées les plus diverses. Robin Leclerc, d’IDMidCap, est réservé quant aux pots de fleurs «intelligents», mais il se montre en revanche très enthousiaste en ce qui concerne les casques «Zik», dessinés par le designer français Philippe Starck et très bien accueillis par les milieux spécialisés.

De fait, la moitié des 948 employés de Parrot travaille aujourd’hui dans la recherche et développement. Alors que la cession de la branche automobile est évoquée, le groupe a mis en place une politique de mobilité interne afin d’encourager les ingénieurs spécialisés dans l’infotainement à se concentrer sur les drones. Pour Robin Leclerc, cette réaffectation des effectifs est l’un des défis majeurs de la société, outre l’avenir incertain de la branche automobile. La progression dans le marché des drones professionnels pourrait également être entravée par l’entrée en jeu de multinationales telles que Thales ou Airbus.

Un autre enjeu de taille concerne l’évolution du cadre juridique qui régit les drones. Les Etats-Unis ont récemment annoncé un assouplissement des lois relatives à l’usage professionnel des drones. Mais cette nouvelle législation ne concerne que certains constructeurs déjà homologués par la Federal Aviation Administration (FAA). Parrot peut se frotter les mains puisque les drones «eBee», conçus par SenseFly, possèdent les autorisations nécessaires depuis plusieurs mois.
Les investisseurs semblent en tous les cas satisfaits de la mutation amorcée par la société: la valeur de l’action de la marque au perroquet a plus que doublé ces trois derniers mois, passant de 20 à près de 48 euros, pour une capitalisation boursière qui dépasse aujourd’hui les 600 millions d’euros.
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ENCADRES

«Nous anticipons une forte croissance de l’activité des drones»
Henri Seydoux, cofondateur et directeur général de Parrot, détaille la stratégie du groupe.

Pourquoi cette volonté de diversifier les activités de Parrot?
Henri Seydoux Tout ce que nous créons tourne autour du traitement du signal et du téléphone portable. Nous avons commencé avec la voiture, en développant des solutions de téléphonie Bluetooth et nous proposons aujourd’hui l’offre la plus large du marché. Nous avons ensuite exploré les possibilités offertes par les smartphones et les apps, gardant toujours en tête l’objectif de concevoir des produits hautement technologiques, faciles à utiliser et abordables. Il y a la musique, avec des enceintes et des casques, mais aussi le jeu avec les drones… Le champ des possibles est large. L’essentiel est de rester curieux et à l’écoute du public.

La division des drones présente une très forte progression, tant dans les secteurs grand public que professionnel. Comment l’expliquer?
Nos drones sont petits, légers, robustes, fiables, truffés de capteurs, très faciles à utiliser et abordables. C’est, je crois, ce qui fait leur succès! Lorsque nous avons présenté notre premier drone ludique, l’AR.Drone, en 2010, je ne m’attendais pas à un tel succès, mais le marché des drones connaît une expansion rapide. Nous avons réalisé 83 millions d’euros de chiffre d’affaires sur ces activités en 2014, deux fois plus qu’en 2013.

Quels sont les objectifs du groupe pour 2015 et au-delà?
Nous visons une accélération de la croissance en 2015 et une amélioration progressive de notre rentabilité. Nous anticipons une forte croissance de l’activité des drones grâce à l’élargissement du portefeuille de produits mis en œuvre depuis le second semestre 2014 et une nouvelle progression des technologies et des usages professionnels. C’est un secteur en plein essor et je pense que nous y possédons de solides atouts. Les objets connectés seront également un levier de croissance, grâce au lancement, là aussi, de nouveaux produits.
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ANALYSE

«La force de Parrot est qu’elle cible des marchés complémentaires»

Laurent Wilk suit de près l’actualité de Parrot pour le compte d’Invest Securities. Selon lui, le principal défi de la marque au perroquet en 2015 concerne sa division automobile: «Le groupe a en effet indiqué qu’il avait entamé une réflexion stratégique sur cette activité (dont la filialisation a été acceptée par la dernière assemblée générale, ndlr), et nous pensons qu’une cession pourrait être possible.» Dans ce contexte, «la question du prix serait bien évidemment centrale». Malgré cette perspective, les résultats 2014 de Parrot satisfont l’analyste. «L’activité historique automobile continue d’être profitable et l’activité drone commence à l’être.»

Laurent Wilk considère que le développement de l’activité drone se produira autant sur les segments professionnel que grand public. «Nous pensons que ce qui fait la force de Parrot est justement que la société est capable de cibler ces deux marchés complémentaires.» Bien qu’Invest Securities ait récemment relevé son objectif de cours de 28,6 euros à 32,6 euros, la société met en garde contre un «emballement excessif» suscité par l’impressionnant essor
de la branche des drones.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote (n°4/2015).