KAPITAL

Mais où sont les start-up du Campus Biotech?

Le centre genevois dédié aux sciences de la vie veut rassembler monde académique et industrie. Pour l’instant, il n’est toutefois pas le creuset de start-up escompté.

«Un lieu de rassemblement pour les scientifiques et les entrepreneurs actifs dans les sciences de la vie.» La vocation du Campus Biotech, installé dans l’ancien siège genevois de Merck Serono, est clairement affichée. Inaugurés en grande pompe fin mai, le colossal édifice de verre et ses annexes accueillent plusieurs équipes de recherche, comme le Centre interfacultaire en neurosciences de l’Université de Genève, l’Institut suisse de bioinformatique ou encore le Human Brain Project, certaines arrivées en 2013 déjà. En revanche, on ne dénombre aucune entreprise active dans le domaine des sciences de la vie. Il y a bien un «espace entreprises» de 7000 m2, mais il est occupé par des fondations et des associations de la branche, et non par des start-up. Et, curieusement, alors que le critère pour accéder au campus est «une intégration dans [son] programme stratégique», le bâtiment abrite un institut financier baptisé Geneva Swiss Bank.

L’«espace entreprises» est plein, confirme le directeur du campus Benoît Dubuis. Interrogé sur l’absence de start-up, il explique: «Il est composé de plateaux de 1000 m2 difficiles à répartir entre plusieurs petites structures. C’est une zone sèche (sans laboratoire, ndlr) qui se prête à des entités de 50 à 60 employés. Mais il y a encore de la place ailleurs. Le campus est en train de se construire. La priorité est de créer des programmes académiques, qui donneront ensuite naissance à des spin-off.» Quant à la présence de Geneva Swiss Bank, Benoît Dubuis indique qu’elle se trouve sur le campus «de manière transitoire, avant que d’autres entreprises ne s’y installent. Elle occupe les anciens bureaux de direction de Merck Serono, qui ne sont pas adaptés à des activités de recherche.»

La banque de 45 employés, anciennement Bénédict Hentsch & Cie, a trouvé ces locaux en faisant appel à une société spécialisée. «Nous nous y plaisons beaucoup», note le directeur Andreas Stricker. Mais quel est le lien avec les sciences de la vie? «Nous réalisons des investissements directs pour nos clients, entre autres dans le domaine des biotechnologies. Nous sommes aussi impliqués dans des discussions pour la création d’une chaire de neurofinance à l’Université de Genève.» Il précise que la banque a signé un bail de dix ans et envisage de rester à long terme.

Des espaces «inutilisables»

Benoît Dubuis, le directeur du Campus Biotech, réaffirme que la complémentarité entre le monde académique et l’industrie est «essentielle». «De nombreuses entreprises ont manifesté leur intérêt. Mais elles attendent de voir de quelle manière elles peuvent s’intégrer avant de concrétiser leur démarche.» Dans le milieu romand de l’innovation, certains soufflent qu’il ne doit pas être évident de remplir cet endroit gagné par «la folie des grandeurs» et dont l’ambiance cadre peu avec les aspirations des start-up. Plus catégorique, Xavier Comtesse, l’ancien directeur d’Avenir Suisse et fondateur des consulats scientifiques Swissnex, qualifie les lieux d’«inutilisables»: «Avec ses immenses espaces vides, le bâtiment est bruyant, trop grand, pas confortable: il est adapté pour accueillir le siège d’un grand groupe, pas des laboratoires. En plus, il est loin de l’université.»

Gilles Bos, actif depuis 25 ans dans le management de compagnies medtech, livre une autre impression. Il a approché le Campus Biotech l’année dernière pour Kejako, sa nouvelle entreprise de dispositifs médicaux pour l’ophtalmologie. «J’ai ressenti un clivage entre biotech et medtech, en faveur des biotech. On ne m’a pas fait d’appel du pied et j’ai rapidement renoncé. Peut-être n’ai-je pas assez insisté…» Il confirme qu’il existe un fort intérêt pour le Campus Biotech parmi les jeunes entreprises du secteur. «Ce qui manque à Genève, c’est la mise à disposition de laboratoires pour les start-up. Mais, pour l’instant, on ne ressent pas de volonté du campus de répondre aux besoins locaux. Il y a peu de communication vers l’extérieur et peu d’appétit pour les petits projets. Dommage pour le canton.»
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.