En Suisse, on bourre de médicaments et on hospitalise les patients. Une pratique coûteuse et inadaptée aux maladies actuelles, alertent des psychiatres, tandis que d’autre pays appliquent un suivi à domicile des malades, plus performant et moins cher.
La Weltwoche fourmille d’articles intéressants, de sujets bien traités, de prises de position vigoureuses. Ainsi une colonne intitulée «Triste, vraiment triste» et signée Kathrin Meier-Rust. La journaliste s’en prend à l’évolution de la psychiatrie en Suisse, à la biologisation (traîtement essentiellement par les médicaments) et donc détérioration actuelle des soins de l’âme dont Zurich, on le sait, est traditionnellement une des Mecques établies, grâce au Jung Institut notamment. Elle rapporte les propos de cinq professeurs de psychiatrie et médecine psychosociale dans les Universités suisses – malheureusement sans citer leurs noms – qui dénoncent dans une récente publication la dégradation qualitative des soins psychiatriques en Suisse. A les en croire, si le nombre de malades graves ne cesse d’augmenter – pour cause de toxicomanies diverses, dépressions, maladies liées à l’âge -, l’offre pourtant gigantesque de thérapies présentes sur le marché ne s’adresse pas à eux.
L’Allemagne semble avoir réussi à faire des économies sans diminuer les effectifs de soignants dans les cliniques psychiatriques. L’Angleterre et la Hollande ont mis en place pour les malades chroniques des systèmes de soins ambulatoires humains et nettement moins coûteux. La Suisse, elle, manque toujours de centres ambulatoires et de cliniques de jour. Paradoxalement, l’hospitalisation reste ici considérée comme une solution certes chère qui se révèlerait être la plus rentable alors que les malades, eux, auraient souvent besoin d’être occupés, d’avoir des contacts sociaux fréquents et de recevoir des visites à la maison plutôt que de quitter leur foyer.
Les cinq signataires s’élèvent aussi contre la vogue de la psychopharmacopée qui tend à se substituer à l’accompagnement psychothérapeutique considéré comme cher et encore souvent élitaire. A les en croire, l’évolution américaine montre bien vers quelle impasse mène la biologisation de la psychiatrie. Comme les assurances ont très fortement diminué leurs prestations dans le domaine psy, les cliniques publiques se bornent à établir des diagnostics puis à prescrire les médicaments indiqués. Or, plus les patients se rétablissent vite grâce aux médicaments, plus ils sont livrés rapidement à eux-mêmes et plus ils reviennent vite consulter! Aux Etats-Unis, on les surnomme les «frequent flyers», comme ceux qui prennent régulièrement l’avion. Du coup, les assurances américaines redécouvrent peu à peu que pour baisser les coûts hospitaliers, il faut encourager l’accompagnement psychothérapeutique. Et on revient à la case départ.
Intéressant, cet article, alors qu’en Suisse aussi, le débat bat son plein autour des médicaments de plus en plus nombreux et ciblés disponibles pour traiter des maladies psychiatriques. Ici, les assurances admettent encore de rembourser une pléthore de méthodes thérapeutiques à l’efficacité plus ou moins reconnue et on peut imaginer prôner l’évidence en espérant que les milieux intéressés sauront trouver une voie médiane qui combine optimalement pharmacopée et accompagnement.