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Alpiq, un géant en plein remaniement

Confronté au bouleversement du marché de l’électricité, le numéro un helvétique fait face à d’importantes difficultés. Des restructurations massives sont en cours. Portrait.

Clic. Rien de plus simple que d’appuyer sur un bouton pour allumer la lumière. Mais qui a remarqué une différence dans l’éclairage de son logement aux cours des sept dernières années? Personne, car rien n’a changé. Pourtant, de la centrale à l’interrupteur, le marché de l’électricité vit de profonds bouleversements qui contraignent ses acteurs à se restructurer.

Alpiq ne fait pas exception. Le numéro un suisse de l’électricité traverse une phase difficile. En 2013, il a réalisé un chiffre d’affaires net de 9,4 milliards de francs, en baisse de 26% par rapport à 2012. Ce résultat a déjà diminué de 15% pour les neuf premiers mois de 2014. Le groupe a par ailleurs annoncé au début janvier s’attendre à des corrections de valeur d’environ un milliard de francs après impôts. Enfin, le prix de l’action a été divisé par plus de six par rapport à janvier 2009, date de la création d’Alpiq après la fusion entre Aar et Tessin SA d’électricité (Atel) et le romand Energie Ouest Suisse (EOS).

En cause, un prix de l’électricité historiquement bas sur le marché. Celui-ci s’explique, d’une part, par la crise économique de 2008-2009 qui a fait baisser la demande en énergie, et, d’autre part, par la catastrophe de Fukushima en mars 2011 qui a aussi envoyé une onde de choc dans le milieu. La Suisse et l’Allemagne ont décidé de sortir du nucléaire, la première sans fixer de date précise, la seconde d’ici à 2022. Depuis lors, Berlin subventionne massivement ses énergies renouvelables éoliennes et solaires. «Les subsides sont payés lorsque l’électricité est injectée dans le réseau, si bien que les jours de soleil et de vent, l’offre explose et les prix dégringolent, explique Dominik Meyer, analyste financier à la banque Vontobel. Ce système est un véritable poison pour le marché.»

L’hydraulique à la peine

De plus, le prix de la tonne de CO2 a fortement baissé. «Il suffit d’acheter des certificats bon marché d’émissions de CO2 pour produire de l’électricité avec de vieilles centrales à charbon», poursuit Dominik Meyer. De bien mauvaises nouvelles pour Alpiq, qui produit 34% de son électricité avec des centrales hydrauliques… L’eau des barrages, turbinable à n’importe quel moment, ne fait plus office de joker lors des pics de demandes d’électricité, comme à midi. «L’énergie solaire, disponible toute la journée, a privé l’hydraulique d’un de ses attraits», constate Daniel Rupli, analyste chez Credit Suisse.

Alpiq se bat maintenant pour sauver ses barrages. «La Suisse est prédestinée pour cette source d’électricité propre et flexible, indique le groupe dans une réponse écrite. C’est la raison pour laquelle nous avons inscrit la rentabilité de l’énergie hydraulique suisse à l’agenda politique et nous menons un dialogue intensif avec toutes les parties prenantes.» La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national planche actuellement sur des mesures d’encouragement à l’énergie hydraulique. Certaines sont spécialement axées sur les grandes centrales.

Marché de gros sinistré

En Suisse comme en Europe, tous les fournisseurs d’électricité ressentent les effets de la nouvelle donne. Mais actuellement, Alpiq souffre plus que ses principaux concurrents helvétiques, Axpo et les Forces Motrices Bernoises (BKW). Son modèle d’affaires en est la cause. Le groupe basé à Lausanne est grossiste en électricité. Il vend de l’énergie à des distributeurs comme Romande Energie ou les Services Industriels de Genève (SIG) mais pas au consommateur final. A l’inverse, Axpo et BKW disposent de contrats avec les privés. La différence est énorme, car en Suisse, le marché de détail de l’électricité est régulé et les prix sont fixes. Sur ce plan-là, Alpiq est perdant. «Comme nous ne pouvons pas revendre notre énergie directement à des clients finaux captifs, nous sommes complètement exposés aux prix du marché», résume Christel Varone, attachée de presse du groupe.

Alpiq attend donc beaucoup de l’ouverture complète du marché de l’électricité en Suisse (lire l’encadré ci-dessous). «Ce nouvel environnement libéralisé permettrait de créer des opportunités commerciales en lien avec les clients finaux», indique le groupe.

Eloignement du cœur de métier

Mais la survie d’Alpiq passe surtout par une réduction de sa dépendance au marché de l’électricité. Il mise pour cela sur les services énergétiques. A moyen terme, la contribution de ce secteur dans le résultat devrait passer de 15 à 40%, précise le groupe. La société Alpiq In Tech propose déjà une large gamme de services, tels que le calcul de l’efficience énergétique des bâtiments, la pose de caténaires pour trains, trams ou trolleybus, ou encore de bornes de recharge pour les voitures électriques.

Le groupe a en outre récemment acquis Flexitricity, leader britannique de la gestion décentralisée de l’énergie. Cette spécialité pourrait rapporter gros. Elle consiste à intégrer dans le réseau l’électricité provenant de sources plus petites et moins stables, comme un parc éolien ou une installation solaire, dont la production fluctue en fonction de la force du vent ou de l’ensoleillement. Seul hic, pratiquement tous les grands groupes d’électricité s’y intéressent. «Pour obtenir le savoir-faire et les personnes qui maîtrisent ces techniques, il faut souvent racheter les compagnies actives dans le domaine, explique Dominik Meyer. Mais comme elles sont peu nombreuses et que la demande est forte, leurs prix grimpent. Pourtant elles sont généralement encore jeunes et peu profitables. Par conséquent, leur restructuration et leur intégration dans un groupe risque fort de demander un grand travail de management.»

Pour se donner toutes les chances, Alpiq se serre la ceinture. Ces dernières années, le groupe a coupé dans ses investissements à l’étranger et continue à diminuer ses coûts. Il travaille à réduire sa dette et procède actuellement à la vente de ses actions dans le réseau d’électricité à très haute tension Swissgrid, pour réinvestir dans d’autres domaines de croissance. Le chemin sera long jusqu’à ce que le groupe voie la lumière au bout du tunnel.
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ENCADRES

Bientôt le libre choix de son fournisseur d’électricité

En Suisse, seuls les très gros clients, soit les entreprises consommant plus de 100’000 kWh par an, peuvent choisir leur fournisseur d’électricité. Mais cela va changer. Dès 2018, les ménages privés dont la consommation moyenne s’élève à environ 4’500 kWh par an, devraient eux aussi pouvoir choisir leur fournisseur de courant.

Le principe devrait ressembler à celui de l’assurance maladie. Chaque année, les consommateurs finaux auront deux mois pour changer de contrat à partir de la publication des tarifs par les entreprises d’approvisionnement en électricité. Le libre choix ne sera toutefois pas obligatoire. Si les privés n’entreprennent aucune démarche, ils continueront à recevoir l’électricité par leur entreprise locale. La libéralisation complète de ce marché en Suisse est l’une des conditions posées par l’Union européenne pour la conclusion d’un accord sur l’électricité.
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En chiffres

6’500
C’est en mégawatts la puissance que produirait le groupe Alpiq en une heure s’il enclenchait en même temps toutes ses centrales. Ce chiffre équivaut à 6,5 fois la puissance de la centrale nucléaire de Gösgen(SO).

17’000
C’est en gigawatts/heure la production d’Alpiq en 2013. Une valeur modeste comparée aux 653,9 terawatts/heure, soit 38 fois plus, fournis par le français EDF.

7’800
Le nombre d’employés du groupe. Plus de la moitié d’entre eux travaillent dans les services énergétiques.

69%
La part de l’électricité suisse dans la production totale du groupe

26
Le nombre de pays, tous européens, dans lesquels Alpiq possède des filiales.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote (n°1, 2015).