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Les Suisses aiment faire la queue au supermarché

De plus en plus de magasins proposent au client de scanner et de payer lui-même ses achats, sans passer par les caisses traditionnelles. Une formule pratique qui rencontre encore de fortes réticences.

Il est midi, pic d’affluence, à la Migros Métropole, au cœur de Lausanne. Des files de dix personnes s’étirent derrière les cinq caisses ouvertes. Juste à côté, les bornes de self-service sont quasi désertes: seules quatre sur seize sont occupées. Même constat à la Coop de Grancy dans le quartier sous-gare, et aussi à la Migros de la gare de Genève, bondée le dimanche. Une vendeuse vient ouvrir une caisse supplémentaire afin de réduire l’attente, alors qu’il y a des bornes libres à quelques mètres. Les Suisses aiment-ils donc faire la queue? «Je suis trop vieux, répond ce septuagénaire, la méthode classique me convient.» «L’idée de subir un contrôle me dérange, alors je préfère patienter», ajoute une quinquagénaire. «Trop compliqué», tranche une jeune maman.

Depuis quelques années, Coop et Migros proposent deux variantes à la caisse traditionnelle. Le self-scanning, où le client enregistre ses articles avec un appareil en forme de pistolet au fur et à mesure qu’il les dépose dans son caddie, puis paie à une borne ou à une caissière, et le self-check out, où le client fait ses achats normalement avant de les scanner et les payer lui-même à une borne. Quelque 130 points de vente Coop sont équipés du système Passabene, et 176 Migros proposent l’option Subito.

«Nous visons 25% du chiffre d’affaires au self et 75% aux caisses traditionnelles», indique Migros. En semaine, 15 à 20% des clients utilisent Subito, mais ce chiffre peut doubler pendant les périodes de forte affluence. Selon Migros, il s’agit surtout de «clients pressés», de «jeunes, adeptes des nouvelles technologies» et de personnes qui apprécient de pouvoir tout de suite ranger leurs achats dans leurs cabas, sans devoir les remettre sur le tapis roulant.

Contrôles contre les «oublis»

Si les adeptes du self-scanning restent encore minoritaires, ils en apprécient cependant l’utilisation. Cynthia, une Genevoise de 30 ans, aime «jouer à la marchande» et «le fait qu’il n’y a pratiquement jamais d’attente». Sexagénaire vaudoise, Jocelyne s’y est mise depuis qu’elle garde régulièrement son petit-fils: «C’est beaucoup plus rapide, sauf en cas de contrôle, lorsqu’il faut tout ressortir des sacs…»

Des vérifications aléatoires sont pratiquées dans les deux enseignes. Chez Migros, l’hôtesse de caisse examine quelques articles du panier et, si elle y trouve des erreurs, passe en revue tout le contenu. Le client doit alors s’acquitter de la différence et peut se voir exclu du programme Subito en cas d’abus répétés. Chez Coop, on vérifie directement la totalité des achats. «Quand un client omet de scanner un produit, nous le rendons attentif et lui demandons de l’effectuer. En cas de vol clair, il sera sanctionné en conséquence», explique le grand distributeur.

Le système repose ainsi avant tout sur l’honnêteté des clients, alors qu’il n’y rien de plus facile que d’«oublier» de scanner un ou deux articles. Un sondage britannique publié en 2014 révélait que près d’un client sur cinq trichait aux caisses en self-service, ce qui représentait une perte totale de 1,6 milliard de livres sterling (plus de 2 milliards de francs) par an pour les supermarchés anglais.

La tentation du vol

Les géants suisses ne s’inquiètent pas de ces chiffres. Tous deux partent du principe que le client est honnête et tablent sur une perte de 1% du chiffre d’affaires total due aux chapardages. Un chiffre qui vaut aussi bien pour les bornes Subito et Passabene que pour les caisses traditionnelles. «Le grand saut a eu lieu il y a septante ans lors de l’introduction du self-service dans les magasins, précise Thomas Roeb, expert du commerce de détail et professeur d’économie à l’Université allemande de Bonn-Rhein-Sieg. On craignait que les clients ne se mettent à voler, mais cela ne s’est pas passé. Ce sera pareil avec ce nouveau système de paiement.»

Il n’empêche que le fait de se confronter à une machine plutôt qu’à un être humain change la donne pour certains clients: «C’est clairement une tentation. Je triche quasiment à chaque fois, par exemple en scannant trois thés froids au lieu de quatre, reconnaît Cynthia. Je ne cherche pas à économiser, mais juste à tester le système et, au pire, je peux dire que je me suis trompée!» Pour sa part, Jocelyne a une fois pesé exprès des kiwis vaudois comme des kiwis italiens moins chers, ce qu’elle n’avait jamais fait toutes les années où elle payait à la caisse classique. Mais le sort a voulu qu’elle soit contrôlée ce jour-là. «J’étais très mal à l’aise, mais il s’est avéré que j’avais aussi, par erreur, scanné un autre article à double», raconte-t-elle. Le doute a été instantanément dissipé, tout comme ses envies de tricher.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.