LATITUDES

Le bois, matériau d’avenir pour les gratte-ciel

De plus en plus d’architectes utilisent du tissu végétal pour la construction d’immeubles. Combiné au béton et à l’acier, il offre un bon bilan écologique.

Lorsqu’en 2012, l’architecte canadien Michael Green a suggéré d’utiliser du bois pour la construction de gratte-ciel, sa proposition est passée quasiment inaperçue. Mais désormais, même le très réputé bureau d’architectes Skidmore, Owings & Merrill (SOM), qui a notamment dessiné le Burj Khalifa à Dubaï et le nouveau bâtiment du World Trade Center à New York, prend cette idée au sérieux. La firme envisage de construire une tour de 42 étages pour 125 mètres à Chicago, baptisée «Timber Tower Research Project». Renforcée de béton armé dans les zones les plus fortement sollicitées, l’ossature en bois permettrait de réduire l’empreinte carbone de l’immeuble de 60 à 75%.

Comme l’expliquait Michael Green lors d’une conférence TED en début d’année, le bois pousse grâce au soleil, contrairement à l’acier et au béton. Il permet en plus de stocker de grandes quantités de CO2. En outre, de nouveaux produits, les «mass timber panels» offrent des perspectives de construction intéressantes, notamment en matière de protection contre le feu. Enfin, en ce qui concerne la problématique de la déforestation, il s’agit, selon l’architecte, de favoriser des cycles de croissance rapides des forêts.

De nombreux projets fleurissent actuellement partout dans le monde, notamment à Zurich, ville très active en la matière. Le nouveau siège social du groupe de presse Tamedia, inauguré l’an dernier, est constitué d’une immense charpente visible. Le bâtiment dans lequel travaillent plus de 1’500 collaborateurs est la première œuvre en Suisse de l’architecte japonais Shigeru Ban, classé par la revue «Time» comme l’un des grands innovateurs du XXIème siècle dans le domaine de l’architecture et du design. «L’idée d’une construction en bois nous a convaincu immédiatement, relève le porte-parole de Tamedia Christoph Zimmer. Cet élément crée une atmosphère très agréable pour nos collaborateurs et c’était là notre but premier.»

Outre le confort, les considérations écologiques ont aussi pesé sur la balance. La structure porteuse en bois, qui a nécessité 2’000 mètres cube d’épicéa, est dépourvue de tout renforcement en acier. Elle a été montée sur place à partir d’éléments préfabriqués, fraisés au millimètre près, ce qui a permis de limiter les émissions de CO2 dès la phase de construction. L’exploitation du bâtiment se réalise par ailleurs sans électricité d’origine nucléaire. Les installations de chauffage et de climatisation utilisent les eaux souterraines et permettent de renoncer aux combustibles fossiles.

Mais au-delà des aspects environnementaux, le bois offre de nombreux autres atouts pour les bâtiments comptant de nombreux étages. L’association faîtière suisse Lignum souligne la légèreté du matériau, ainsi que son haut potentiel de préfabrication. «Les constructions hybrides, par exemple celles en béton ou en acier munies de façades rideaux en bois, possèdent un potentiel de développement important», résume Denis Pflug, spécialiste technique chez Lignum. Ce type d’alliage offre de bonnes performances en termes d’isolation thermique et acoustique, mais aussi d’étanchéité à l’eau et à l’air, ainsi que de résistance aux secousses sismiques.

A Milan, le projet Via Cenni, l’un des plus importants chantiers actuels de construction en bois en Europe, est particulièrement révélateur. Il consiste en quatre tours de neuf étages (d’une hauteur allant jusqu’à 27 mètres) utilisant de nouveaux panneaux massifs contrecollés permettant une très haute capacité de charge. L’ensemble de la structure de bois est ancrée au sol grâce à une fondation en béton. Autre exemple européen emblématique, la LifeCycle Tower One, basée à Dornbirn en Autriche, qui figure parmi les précurseurs en matière de constructions hybrides en bois et béton dépassant plusieurs dizaines de mètres.

En Suisse, on dénombre aujourd’hui environ 1’500 propriétés résidentielles à étages multiples en bois. Les principales limites en termes de hauteur pour ce type de constructions sont fixées par les prescriptions de protection en matière d’incendie. En principe, il est possible aujourd’hui d’utiliser le matériau bois entre 6 et 8 niveaux (y compris rez-de-chaussée, étages, combles et attiques). Toutefois, l’entrée en vigueur en 2015 de nouvelles prescriptions révisées devrait élargir les possibilités d’utilisation du bois et ouvrir de nouveaux horizons vers des bâtiments dépassant les 30 mètres de haut. Ce qui laisse une bonne marge de progression pour concurrencer des arbres tels que les séquoias géants de Californie qui peuvent aisément atteindre 50 à 60 mètres de hauteur.