La sécurité de la Suisse serait donc menacée par les juges étrangers et l’initiative du GSsA. Ou comment tordre le débat dans le sens souhaité.
«Non à l’initiative contre la sécurité.» Une initiative contre la sécurité? Diable et diantre. On a beau chercher pourtant, fouiller, refouiller, rafouiller même, comme disait ma grand-mère et enfin trifouiller sur internet, dans les journaux, les communiqués officiels et ailleurs: rien de ce genre en vue.
Un comité pourtant a été créé contre cette initiative fantôme, regroupant les partis bourgeois, des associations économiques et même des sportifs — hockeyeurs, bobeurs, handballeurs, skieurs, bref que de l’authentique, d’ailleurs on n’y trouve ni tennismen ni footballeurs. Histoire donc de sonner le tocsin contre une initiative qui mettrait la Suisse en péril mais que personne n’a jamais déposée.
Auraient-ils donc rêvé, tous ces braves gens, ou alors fumé trop de produits illégaux devenus miraculeusement disponibles en vente libre à la suite d’une initiative elle aussi fantasmée?
A moins… A moins — mais c’est sous réserve et avec toutes les précautions et conditionnels d’usage — , à moins que ces effarés ne fassent allusion à l’initiative du GSsA sur laquelle — on peut déjà dire contre laquelle — le peuple se prononcera le 22 septembre. Mais alors, si c’est bien de cette initiative «pour l’abrogation du service militaire obligatoire» qu’il s’agit, pourquoi refuser de la nommer? Pourquoi la débaptiser et parler d’une «initiative contre la sécurité?» Un peu comme si dans la campagne sur l’initiative anti-minarets les opposants n’avaient plus parlé que de l’initiative anti-musulmans.
On n’ose penser que derrière ce puéril détournement se cacherait le peu de foi des opposants en leurs propres arguments. Que pour défendre ce service militaire obligatoire, qui sent encore la mob et la guerre froide, et visiblement inadapté aux menaces actuelles, les arguments raisonnables manquent désormais. D’autant que seuls 30% des citoyens accomplissent aujourd’hui l’intégralité de leurs obligations militaires.
A ce genre de travers, les meilleurs pourtant succombent. Ainsi le capitaine Pierre Maudet, dont les positions en matière de défense, depuis des années, correspondent exactement à celles prônées par l’initiative du GSsA, ne soutiendra pas le texte. Au motif que «personne n’est dupe de l’objet réel de l’initiative qui figure dans le titre du GSsA (Groupement pour une Suisse sans armée)».
On avait connu Maudet plus futé et affûté, ou du moins plus honnête. Quand une initiative est acceptée, sa mise en vigueur se base-t-elle sur le texte voté ou la carte de visite des initiants? Le sang-froid et la bonne foi devraient donc commander d’examiner le texte de l’initiative du GSsA comme s’il émanait de l’amicale des collectionneurs de graines de cornichons.
Mais bon: l’habitude de mal nommer les choses, à fin de tordre le débat dans le sens souhaité, est un classique de la politique à deux sous. Le pauvre Burkhalter s’échine-t-il à trouver l’œuf de Colomb pour régler les conflits avec l’UE — en gros le recours purement consultatif à la cours européenne de justice — que voilà déjà l’UDC ramenant la question à un pour ou contre «les juges étrangers».
Dernière tromperie sur la marchandise recensée cette semaine: l’augmentation — progressivement jusqu’à 11 francs le paquet — du prix des cigarettes, voulue par le Conseil fédéral. Au fumeur culpabilisé, et bientôt ruiné, cherchant à se consoler en se disant que si on le détrousse, c’est pour sa bonne santé à lui et surtout celle de l’AVS, Thomas Zimmerman, chef de communication de l’Union syndicale suisse, assène un ultime coup de massue: «L’argent perçu sur le tabac passe d’abord par les caisses fédérales et sert à financer les cadeaux fiscaux offerts aux classes supérieures et aux entreprises.»
Quant au rapport entre tabac et vérité, c’est Alphonse Allais déjà qui l’avait établi: «Si on se mettait à composer les journaux avec de seules véracités, ils tomberaient du coup au format de la feuille de papier à cigarette.»