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Comment terrasser l’infarctus

Première cause de mortalité en Suisse, l’attaque cardiaque touche toujours plus de femmes et de jeunes adultes. Tabagisme, sédentarité ou encore surpoids augmentent les risques.

Antécédents familiaux, tabagisme et taux de cholestérol élevé: Rémy Miceli cumulait les facteurs de risque de l’infarctus du myocarde (lire son témoignage ci-dessous). L’infarctus du myocarde? Un processus qui se produit quand une ou plusieurs artères coronaires, qui nourrissent le cœur en oxygène, se bouchent, mettant ainsi l’organe vital en souffrance. Ce fâcheux mécanisme touche chaque année en Suisse 30’000 personnes. Et près de 10’000 d’entre elles meurent de ses conséquences, faisant ainsi de l’attaque cardiaque la première cause de décès dans notre pays.

Pourquoi l’infarctus tue-t-il toujours autant? Il y a déjà la mauvaise hygiène de vie, qui favorise l’apparition de ces dommages cardiaques. Puis les victimes n’appellent pas les secours ou ne se rendent pas à l’hôpital suffisamment tôt, c’est-à-dire dès l’apparition des premiers symptômes (lire ci-dessous). «Il faut que les gens prennent vraiment conscience de l’importance de se rendre rapidement dans un établissement hospitalier», insiste Philip Urban, cardiologue interventionnel à l’Hôpital de la Tour (GE). Car, comme les spécialistes le soulignent, «time is muscle». Autrement dit, le temps c’est du muscle cardiaque perdu: plus le manque d’oxygène causé par l’artère bouchée est long, plus les cellules du muscle cardiaque endommagées sont nombreuses. Aussi, la rapidité et l’efficacité de la prise en charge dès l’arrivée en milieu hospitalier sont primordiales. Pour minimiser les dégâts sur le muscle cardiaque, il faut réussir à désobstruer la ou les artères dans l’heure qui suit la manifestation des premiers symptômes.

«De grandes campagnes de prévention ont eu lieu en Suisse il y a une quinzaine d’années, se souvient le professeur François Mach, chef du service de cardiologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Si elles ont eu un impact sur les quinquagénaires de l’époque, il faut toutefois continuellement sensibiliser les nouvelles générations sur la prévention ainsi que sur les symptômes et les gestes d’urgence.» «L’infarctus n’est pas une maladie que l’on pourrait éradiquer, comme par exemple la tuberculose, poursuit Philip Urban. Néanmoins, dans un pays où la surveillance médicale est forte, le taux de mortalité dû à son incidence pourrait baisser.

Les femmes toujours plus concernées

Une fausse croyance sur le profil des potentielles victimes explique également un grand nombre de décès. Ainsi, les hommes âgés ne sont pas les seuls concernés: les femmes peuvent aussi faire un infarctus, tout comme les jeunes adultes. «A priori, elles sont protégées jusqu’à la ménopause, donc jusqu’à la cinquantaine environ, note François Mach. Malheureusement, la sédentarité, le surpoids, le tabagisme — parfois couplé à la prise de la pilule — font que, aujourd’hui, elles sont toujours plus concernées.»

La Fondation suisse de cardiologie vient d’ailleurs de lancer une campagne de prévention baptisée «Femme & cœur», car celles-ci «sont elles-mêmes trop peu conscientes de leurs risques cardiovasculaires». Une ignorance qui retarde très souvent l’arrivée à l’hôpital de nombreuses victimes, augmentant ainsi les dégâts cardiaques. Ces pathologies sont responsables de 40% des décès de femmes en Suisse, contre 33% chez les hommes.

Même inconscience chez les plus jeunes: «Ce n’est plus une exception de devoir soigner en urgence un quadragénaire pour un infarctus», constate François Mach. En 1998, les hôpitaux suisses ont traité 790 hommes victimes d’infarctus âgés de 35 à 44 ans. Dix ans plus tard, ils étaient plus de 1000 dans la catégorie des 35-49 ans. Du côté féminin, la progression est davantage alarmante: dans ces mêmes tranches d’âge et dans ce même laps de temps, les chiffres ont quasiment doublé.

Tabagisme, surpoids et sédentarité expliquent cette évolution. Le symptôme à ne jamais banaliser: une douleur inhabituelle dans le thorax. «La victime ressent comme une gêne, un serrement au niveau de la poitrine qui peut irradier dans le cou, les épaules et toute la cage thoracique, décrit le professeur François Mach. Les patients nous disent qu’ils se sentent comme pris dans un étau.»

L’évolution du traitement

D’énormes progrès médicaux, en matière d’imagerie ou de médicaments par exemple, ont nettement amélioré le traitement de l’infarctus ces quinze dernières années. Et surtout, une majorité des infarctus est aujourd’hui traitée par angioplastie coronaire. Un cathéter — un petit tube flexible — est introduit par l’artère fémorale ou radiale et dirigé dans l’artère rétrécie. Au bout du cathéter se trouve un ballonnet qui, une fois en place, gonfle et débouche l’artère. Une prothèse (baptisée stent) est posée afin de maintenir l’ouverture. «Contrairement à la chirurgie, plus invasive, l’angioplastie permet au patient de se remettre rapidement sur pied, il reste quatre à cinq jours maximum à l’hôpital, explique Philip Urban. Cela ne signifie pas que la personne est guérie et peut reprendre sa vie d’avant. Elle est entrée dans un groupe à risque et doit impérativement, pour éviter une récidive, adopter sur le long terme une hygiène de vie saine.» A chacun donc de choyer ses coronaires en leur accordant le traitement discipliné qu’elles méritent…

Les instruments de prévention

Un seul mot d’ordre pour les médecins: avoir une alimentation équilibrée et une activité physique. «Il est essentiel de bouger au moins deux fois par semaine, et ceci à n’importe quel âge, préconise vivement le cardiologue François Mach. Chacun doit choisir la discipline qui lui convient, qu’il s’agisse de vélo, de marche ou de jogging. Ce qu’il faut avant tout, c’est transpirer et mettre sa pompe cardiaque régulièrement sous tension.» Pratiquer un sport peut aussi permettre de détecter précocement une anomalie: «A l’effort, le moindre rétrécissement sur une artère peut se manifester par une douleur. Il faut alors consulter un médecin, même si celle-ci s’estompe une fois le cœur au repos.»

En matière d’alimentation, la diversité et la présence quotidienne de légumes sont recommandées. «Il faut avant tout diminuer les graisses animales, telles que le jaune d’œuf, la cochonnaille ou le fromage, précise le cardiologue Philip Urban. Une quantité trop importante de sel peut aussi augmenter la tension artérielle.» Ces conseils permettent également de se maintenir à un poids adéquat, critère important dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Les personnes présentant des facteurs de risque, comme des antécédents familiaux, peuvent se soumettre à un check-up cardiaque.

Surveiller sa tension artérielle, son cholestérol et son diabète figure également au rang des recommandations. Point essentiel: le tabagisme est l’un des principaux facteurs de risque de l’infarctus et d’autres maladies. Arrêter de fumer (ou ne pas commencer) est alors vivement encouragé.

Quant à la prise de remède à titre préventif, elle fait à nouveau débat parmi les spécialistes depuis l’apparition du Polypill, un comprimé qui combine plusieurs médicaments: un bêtabloquant pour ralentir le rythme cardiaque, un antiagrégant pour fluidifier le sang et un anticholestérol pour prévenir l’athérosclérose. Cette pilule sera commercialisée en ce début 2013 aux Etats-Unis. Son concepteur, Nicholas Wald, directeur du Wolfson Institute of Preventive Medicine à Londres, préconise que l’ensemble de la population adopte préventivement ce médicament dès 55 ans. «Même si seulement 50% des quinquagénaires prenaient la Polypill, environ 94 000 crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux seraient évités chaque année en Grande-Bretagne», assurait-il en 2011. Gérard Waeber, médecin-chef au CHUV, craint qu’une généralisation de la prescription de ce nouveau remède préventif ne relègue au second plan le dépistage et le suivi médical régulier.

La Polypill risque aussi de «se transformer en “oreiller de paresse” qui rendrait l’exercice physique régulier et l’équilibre alimentaire accessoires», témoignait-il. L’efficacité de ces différents médicaments, lorsqu’ils sont combinés, est aussi remise en question par certains spécialistes, qui relèvent aussi la difficulté à isoler celui en cause si d’éventuels effets secondaires se manifestaient. Pour l’instant, une hygiène de vie saine reste la seule mesure de prévention qui fait l’unanimité.

La Suisse au cœur de la recherche

La Suisse a toutes les cartes en main pour voir son taux d’infarctus diminuer: outre les multiples campagnes de prévention et les structures de prise en charge très sophistiquées, la recherche cardiovasculaire helvétique fait partie des plus développée. Un vaste projet baptisé «Prévention de l’infarctus», soutenu par le Fonds national suisse pour la recherche scientifique et réunissant les principales cliniques de cardiologie universitaires du pays (Berne, Genève, Zurich et Lausanne), se concentre sur la prise en charge après l’infarctus, sur le dépistage précoce ainsi que sur le traitement par cellules souches. Objectif: injecter des cellules souches, prélevées dans la moelle osseuse du patient, dans les parties du muscle cardiaque endommagées, afin de leur redonner vie.

Un précieux outil de recherche est aussi disponible depuis la fin des années 90, le registre suisse de l’infarctus du myocarde, baptisé «AMIS plus». «Grâce à la participation de 81 hôpitaux helvétiques, nous avons recueilli en quinze ans les données de 40’000 victimes d’infarctus, détaille Philip Urban, membre du comité de chercheurs de ce registre. L’analyse constante de toutes ces informations nous permet de progresser sur toutes les étapes de la prise en charge de cette maladie.»
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Les signes annonciateurs

— Violentes douleurs et oppression dans la poitrine de types pincement, serrement ou brûlure, d’une durée supérieure à quinze minutes, souvent liées à des difficultés à respirer et à une angoisse de mort.

— Irradiation des douleurs dans toute la cage thoracique, vers les deux épaules, les bras, le cou, le maxillaire inférieur et la partie supérieure de l’abdomen (du cou au nombril).

— Possibles symptômes concomitants: visage pâle et blafard, nausées, sensation de faiblesse, crise de sudation, pouls irrégulier.

— Douleur indépendante des mouvements corporels ou de la respiration, qui ne disparaît pas après la prise de médicaments (tels que la nitroglycérine).

— Chez les femmes, les personnes âgées et les diabétiques, les symptômes d’un infarctus sont parfois beaucoup moins violents ou sont même carrément absents. Seuls une faiblesse inexpliquée, des nausées et de violents vomissements, une dyspnée, un épuisement, des douleurs dans le dos ou la partie supérieure de l’abdomen sont le signe qu’un infarctus a pu se produire.

— En cas de doute, il ne faut pas hésiter à appeler le 144, le numéro d’urgence pour l’ensemble de la Suisse. En quelques questions, le correspondant va comprendre s’il doit rapidement envoyer une ambulance.
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«Un infarctus à 35 ans me semblait irréel»
Patricia Pinaya, 41 ans

C’est sur le chemin du travail, qu’elle effectue au pas de course, que Patricia Pinaya ressent une pression au niveau de la poitrine pour la première fois, en octobre 2007. «C’était si douloureux que je n’ai pas pu me rendre chez la personne qui m’emploie en tant que femme de ménage.» Loin d’imaginer que derrière cette sensation désagréable se cache un infarctus, la Bolivienne d’origine, alors âgée de 35 ans, ne se rend pas à l’hôpital dans l’immédiat. «Des lancées ont commencé, de mon cœur en direction de mon bras gauche. Une amie a fini par me convaincre de me rendre aux urgences.» Un électrocardiogramme viendra confirmer l’infarctus. «Pour que je reste calme, le personnel soignant ne pas m’a parlé d’infarctus pendant l’angiographie. Je l’ai compris par moi-même, mais cela me semblait irréel…» Outre son jeune âge, cette mère de deux enfants ne présentait aucun facteur de risque. «Les médecins n’ont pas pu expliquer les causes de mon attaque cardiaque. Peut-être le stress? Aujourd’hui, je vais bien, mais je m’essouffle rapidement, car mon cœur a été endommagé. Je m’efforce de manger sainement, je marche autant que possible… et je danse la salsa!»

«J’ai eu du mal à accepter cette nouvelle vie»
Rémy Miceli, 40 ans

Lorsqu’une douleur dans son thorax apparaît en 2008, les médecins lui parlent «d’angine de poitrine, prémices à l’infarctus», raconte ce père de 4 enfants qui cumulait les facteurs de risque: antécédents familiaux, tabagisme et taux de cholestérol élevé. C’est dans le cabinet de son médecin qu’il fera sa première attaque. Moins d’une année plus tard, une deuxième le surprendra à son domicile. «Aujourd’hui, six stents sont placés dans mes artères. Je ne m’attendais pas du tout à faire un infarctus si jeune. Un changement de vie s’est imposé à moi. Au début, j’ai eu du mal à l’accepter.» Pour partager son expérience, Rémy Miceli a créé sur Facebook le groupe «La vie après les stents». «J’étais Monsieur 2000 volts jusque-là! J’étais un bon vivant, je faisais de l’animation de soirée, parallèlement à mon activité dans l’horlogerie. A la suite de mes problèmes cardiaques, mais aussi à d’autres soucis de santé, j’ai dû calmer le rythme. Psychologiquement c’est difficile. Plusieurs séances de rééducation en clinique m’ont beaucoup aidé à connaître mes limites en termes d’efforts, et à me retrouver.»

«Cet incident a déclenché une alerte»
Antonio Cruz-Sanabria, 47 ans

Antonio Cruz-Sanabria a modifié son quotidien il y a deux ans. «Je fais dorénavant de l’exercice physique, du vélo d’appartement trois fois par semaine, j’ai intégré davantage de légumes dans mon alimentation quotidienne et j’ai diminué la viande.» Ces changements, il les doit à l’incident cardiaque qu’il a subi: «Mon infarctus a déclenché une alerte.» Agent de sécurité à Genève, ce père de famille a suivi des cours de premiers secours sur l’attaque cardiaque. Pourtant, cette nuit de mars 2011, il a quelques doutes lorsqu’une douleur dans la poitrine le réveille. «Elle ne se situait pas au niveau du cœur, mais sur le côté, je pensais à une douleur musculaire. Je ne ressentais pas d’irradiations, comme il arrive parfois en cas d’infarctus.» Un test d’efforts effectué quelques mois auparavant n’avait d’ailleurs rien révélé d’anormal. Inquiet, il se rend dès son arrivée au travail au service médical du lieu. «Un premier électrocardiogramme sur place, puis un deuxième passé le jour même à l’hôpital ne démontreront rien. C’est grâce à une prise de sang qu’un cardiologue a identifié l’infarctus.» Trois artères coronaires devront être débouchées. «J’ai suivi trois semaines de réhabilitation au sein d’une clinique, lors desquelles j’ai fait beaucoup d’exercice et bénéficié de conseils sur mon alimentation.»
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.