KAPITAL

Rubik: la Suisse pomme sans le bour

La chute de la maison Rubik laisse le pays comme désemparé. Pendant ce temps le prochain président de la Confédération annonce tranquillement qu’il aura du plaisir à rencontrer la population. Ambiance…

Les Allemands — enfin surtout les Länder en mains du SPD — ne veulent donc pas de notre joli Rubik. Aussi bien, nous dit-on, parce qu’ils se méfient de la place financière suisse — ce qui peut se concevoir — que pour des raisons de basse politique interne.

En campagne électorale, le SPD invoque ainsi la morale pour tacler les accords fiscaux avec la Suisse. Selon une bonne vieille tactique des officines sociales-démocrates: brandir quelques grands principes avant les élections — sur l’air par exemple de «Moi, président de la république…» — et puis oublier vite tout ça, aussi facilement que d’autres peuvent oublier si Bettencourt s’écrit avec un ou deux « t ».

Mais la politique, c’est sûr, est un métier bien difficile: on le concèdera rien qu’à imaginer, par parenthèse, les nuits blanches d’Alain Berset pour accoucher de son plan usine à gaz sur les retraites. Pour un résultat mitigé: le plan Berset personne n’y a compris grand-chose, sauf qu’en gros il faudra travailler plus pour travailler plus — surtout les femmes.

Voilà en tout cas la Suisse mal prise et sans véritable plan B après la chute de la maison Rubik. Il y aurait bien le statu quo, mais ce serait s’enfermer dans une réputation d’infréquentables gangsters et s’exposer à d’infamants et nouveaux vols de CD. Reste la reddition pieds et poings liés à la volonté de la Commission européenne, autrement dit accepter l’échange automatique d’informations.

Sauf que, comme le dit l’avocat fiscaliste Philippe Kenel, «la Suisse doit faire attention de ne pas se retrouver à la fin à la fois avec l’auto-déclaration et l’échange automatique d’informations avec l’UE». Peu importe ce que cela signifie réellement, tout le monde aura compris la nature du risque: se retrouver pomme avec le bour. Se faire truander en remerciement de sa vertu, même si ladite vertu vous été arrachée quasiment sous la torture.

Une chose est sûre au moins: pour sortir de ce bourbier, il ne faudra pas compter sur le prochain président de la Confédération. D’ailleurs, Ueli Maurer le dit lui-même dans une interview à «24 heures/La Tribune de Genève»: ce n’est même pas vrai que le 12 décembre prochain il deviendra le prochain président. Enfin, président, oui peut-être, mais attention «seulement du Conseil fédéral et non pas président de la Suisse.»

Tant de modestie et d’honnêteté peuvent laisser confondus. Surtout qu’Ueli le sage précise pour ceux qui n’auraient pas compris: «Le président de la Confédération n’est pas le président des Etats-Unis.» On avait remarqué, merci. Quand à ce que c’est vraiment que d’être président de la Confédération, en quoi consiste concrètement le job, comment il le voit et la manière dont il l’exercera, Ueli Maurer l’annonce tout aussi clairement: «J’aurai du plaisir à rencontrer la population.»

Après tout, il a peut-être raison, Ueli Maurer. Mieux vaut qu’il court les cantines, sert des pognes, mange des saucisses et inaugure des bretelles d’autoroutes. Tout en laissant les grandes personnes s’occuper des choses sérieuses — comme la paix fiscale avec nos plus proches et puissants voisins.

Et que penser d’un homme qui, dans le même discours, porte aux nues le vote populaire — «une décision de la plus haute instance du pays, un mandat impératif qu’il faut appliquer» — et tire à boulets vengeurs sur toute une série d’accords bilatéraux acceptés par le peuple — transit alpin, Schengen et Dublin, suppression des contrôles aux frontières, requérants d’asile, libre établissement des ressortissants européens, etc? Que peut-être cet homme-là pourrait, en stabulation libre sur la scène internationale, ne pas faire avancer beaucoup la cause du drapeau rouge à croix blanche.

Le pronostic donc pour 2013 semble moins de se retrouver pomme avec le bour que pomme sans le bour. Ce qui est peut-être moins humiliant mais revient strictement au même.