GLOCAL

La vérité par l’impôt

Le projet fiscal d’Eveline Widmer-Schlumpf agit comme un révélateur des positionnements politiques. Les partis sont obligés de se montrer tout nus.

Blanc bonnet et bonnet blanc. Voilà sans doute le cliché le plus tenace, avec le fameux «tous pourris!», pour dénoncer la prétendue inanité et la tout aussi prétendue équivalence — dans la nullité bien sûr — des positionnements politiques.

Il existe pourtant un critère objectif, chiffrable, démontrable, qui caractérise et sépare tout ce beau monde: la politique fiscale. Envers quels domaines d’activités et quelles catégories de la population se montre-t-on le plus disposés par exemple à sortir de sa hotte des joujoux fiscaux par milliers, par milliards plutôt — entendez des allègements ciblés: voilà qui classe avec précision, loin de toute hypocrisie et des habituelles et pâteuses langues de bois, son homme et son mouvement politique.

Un spectaculaire exemple vient actuellement illustrer cette vérité par l’impôt. La tentation de la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf d’alléger le fardeau contributoire aussi bien des familles que des entreprises oblige les partis à se positionner. A choisir, vue l’ampleur des montants en jeu: 1 milliard pour les familles et 3 pour les entreprises, au doigt mouillé.

Pour le PS, vite décidé, ce ne sera ni l’un ni l’autre. Ni les entreprises en effet — par vieil atavisme marxiste — ni les familles — par moderne réflexe boboïste — ne font partie de la clientèle fantasmée de la gauche d’aujourd’hui. Ringard et rigide, mais c’est comme ça.

Pour les radicaux et l’UDC, en revanche, priorité affirmée aux entreprises. Le révélateur du cadeau fiscal tendrait ici à montrer que sous un vernis à relents populaires et sociaux, les blochériens restent avant tout de banals radicaux, juste un peu plus obtus sur des questions marginales comme la présence étrangère en Suisse.

Que pouvait faire, enfin, le PDC, sinon claironner fort sa préférence pour un soulagement apporté à son cheval de bataille numéro un, son marqueur emblématique: la très sainte famille?

Voilà donc qui est clair, net et transparent. Il s’avère en revanche autrement délicat de tracer des lignes de partage crédibles à propos de la réforme des réseaux de soins soumise en votation populaire le 17 juin prochain.

Qui croire dans cette affaire? Plic ou Ploc? Le socialiste Berset, qui l’assume cette réforme, au nom du Conseil fédéral, ou le tout aussi socialiste Maillard, qui la combat avec l’énergie jusqu’au-boutiste qu’on lui connaît? L’UDC, qui a déjà changé plusieurs fois de position sur le sujet, comme cela devient une habitude chez elle, dans une sidérante cacophonie de lobbyistes — assureurs, médecins, consommateurs — tirant à hue et à dia pour faire pencher la balance du bon côté, c’est-à-dire du leur?

Dans le doute, sous quelle bannière se ranger? Celle du vieux sage bougon Neirynck — opposant — ou de la frétillante blonde Moret — partisane? Quel sera le degré d’efficacité, et de contrainte, de ces fameux réseaux? Feront-ils vraiment baisser les coûts de 18%, comme leurs défenseurs l’affirment? Tout en instillant sournoisement une médecine à deux vitesses dont les efforts de rationalisation pèseront sur les pauvres et les malades au bénéfice des riches et des biens-portants, comme leurs adversaires le proclament?

La vérité qui semble émerger est que personne n’en sait trop rien et que tout cela risque bien de se vérifier, ou de s’infirmer, à l’usage. Et qu’il sera difficile, en son âme et conscience, le 17 juin, de respecter dans l’isoloir la fameuse incitation évangélique: que votre oui soit un oui, que votre non soit un non.