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Quand les usines reviennent en France

Comme avant eux Meccano ou les skis Rossignol, les jouets Smoby ont rapatrié une partie de leur production en France, dans le Jura.

«Acheter français», «produire français», disent-ils. Sur fond de crise et de licenciements, les favoris à l’élection présidentielle française se placent tous comme les champions de la «réindustrialisation». En attendant, la France se vide inexorablement de ses usines, à l’exemple du fabricant de sous-vêtements Lejaby qui ferme son site d’Yssingeaux (Haute-Loire).

Installée à quelques kilomètres de Genève, la marque jurassienne de jouets Smoby qui fabrique des dînettes, des poupées ou encore des tricycles, offre une lueur d’espoir. Jusqu’à l’an dernier, Smoby sous-traitait 40% de sa production en Chine. Un chiffre qui est passé à moins de 20% depuis que la production a été rapatriée sur les sites du Jura à Arinthod, Lavans-lès-Saint-Claude et Moirans-en-Montagne. Cette relocalisation partielle a permis de créer 90 emplois, ce qui porte les effectifs français de Smoby à 450 salariés. Un miracle quand on sait que l’entreprise, fruit de la fusion d’une dizaine de marques de la «Plastic Valley» jurassienne, était en faillite il y a quatre ans.

Repreneur allemand

C’est à Simba, son repreneur allemand, que Smoby doit sa renaissance. Le fabricant de «Steffi», la rivale teutonne de Barbie, a déboursé 13 millions d’euros pour construire une nouvelle usine à Arinthod. Un gros investissement comparé au chiffre d’affaires de Smoby, qui s’élève à 120 millions d’euros par an, mais qui semble payant: l’enseigne française est désormais rentable. «Nous avons la chance d’avoir un propriétaire visionnaire qui compte récupérer son investissement sur le long terme», explique Thomas Le Paul, directeur général de Smoby.

Si l’entreprise reprend racine en France, ce n’est pas pour des raisons éthiques, ni pour le made in France. La qualité chinoise n’est pas non plus remise en cause: «80% du jouet mondial est fabriqué en Chine. Ils sont capables de tout faire. Si on veut la qualité, on peut l’obtenir.»

Ce sont des arguments purement économiques qui ont décidé le retour en France de Smoby. Grâce à leur nouvel équipement, les usines françaises parviennent à concurrencer la Chine car elles sont moins gourmandes en main-d’œuvre. Cette rationalisation du personnel permet de combler des écarts de salaires qui sont de l’ordre de 1 à 10.

La compétitivité française se limite pourtant à quelques catégories de jouets comme les petites voitures ou les tricycles qui exigent une faible intervention. «On ne confectionnera plus jamais en France de poupées ou de peluches qui nécessitent des machines à coudre et des couturiers», tranche Thomas Le Paul.

Les relocalisations bénéficient à chaque fois d’une large couverture médiatique, à l’exemple des retours du fabricant de lunettes Atol dans le Jura, des jouets de construction Meccano dans le Pas-de-Calais ou des skis Rossignol à Sallanches (Haute-Savoie). Mais les économistes relèvent que pour une entreprise qui relocalise, vingt autres délocalisent. D’ailleurs, les entreprises ne se sont pas ruées pour profiter du fonds d’aide à la relocalisation mis à disposition par l’Etat français: seuls 77 millions sur 200 ont été alloués en 2010.

Comme plusieurs de ses pairs, Jean-Luc Gaffard, directeur du département de recherche sur l’innovation et la concurrence de l’OFCE et professeur d’économie, juge ces aides inefficaces. «Elles peuvent créer un effet d’aubaine. Les entreprises en profitent, puis repartent à l’étranger.» Le professeur verrait plutôt dans l’harmonisation fiscale à l’échelle européenne un moyen de lutter contre la concurrence de l’Europe de l’Est. Mais il doute qu’une véritable réindustrialisation soit possible: «Aujourd’hui l’Europe doit se demander s’il faut baisser le coût du travail, ou se lancer dans un programme de recherche et d’innovation bénéfique à l’ensemble de l’Union.»

La portée limitée des relocalisations en termes de création d’emplois fait plutôt pencher pour la deuxième solution. Ainsi, chez Smoby, où l’on comptait auparavant 900 salariés, seule une petite partie des employés est réembauchée. Dans le cas de Rossignol, ce ne sont qu’une vingtaine de postes qui ont été créés alors que près de 400 avaient été supprimés lors de la délocalisation à Taiwan.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.