KAPITAL

Après le low-cost, le low-luxe

Plusieurs marques de prestige lancent des produits basiques, plus accessibles. La fin du tape-à-l’oeil? Explications.

On pourrait les appeler basiques, essentiels ou, plus simplement, low-luxe. Des accessoires de marque disposant d’une excellente finition, mais beaucoup plus simples et (un peu) moins chers que la gamme standard. «Ces articles très “understatement » tendent à revenir sur le devant de la scène, note Augustin Scott de Martinville, responsable du Master design et industrie du luxe à l’Ecal. Ils visent un public qui ne recherche pas le côté ostentatoire, les logos, mais plutôt des produits nobles, discrets et extrêmement bien réalisés.»

Une attitude d’esthète, en somme, antishow-off et plutôt individualiste, puisqu’on achèterait d’abord pour se faire plaisir et non pas pour exprimer un statut. A titre d’exemple, la société française Hermès propose toujours plus de produits d’entrée de gamme (comptez tout de même quelque 700 francs pour une ceinture en soie) visant notamment une clientèle plus jeune.

Le label de mode japonais Comme des Garçons vient, pour sa part, de sortir une série de portefeuilles et de pochettes très sobres en cuir noir, gris ou bordeaux (dès 90 francs). Quant à la marque de prêt-à-porter et de maroquinerie Céline, elle propose un sac très minimal, évoquant la forme d’un simple cabas, lui aussi en cuir, pour 1600 francs.

Responsable du Master en management du luxe à la Haute Ecole de gestion de Genève, Leyla Belkaïd Neri met en avant un autre exemple qui va encore plus loin dans ce processus d’ouverture: la boutique Marc by Marc Jacobs, du nom du styliste new-yorkais, ouverte à Paris à la fin de 2008 et qui présente une large variété d’articles particulièrement accessibles. Certains prix y sont comparables à ceux des grandes chaînes de magasins de vêtements Zara ou H&M, avec un assortiment jeune et décontracté, et des nouveautés très fréquentes.

Leyla Belkaïd Neri rappelle que c’est d’ailleurs le géant suédois de l’habit bon marché qui a ouvert cette brèche en invitant plusieurs grands noms du stylisme dans ses collections, décloisonnant ainsi les univers du prêt-à-porter et de la mode grand public. «Je ne suis pas surprise que cette tendance vienne d’un pays du Nord ou d’une ville comme New York, où l’on trouve davantage d’audace pour briser les frontières. Dans les pays traditionnels de la mode, comme la France ou l’Italie, tout reste beaucoup plus figé.» Pas étonnant non plus que, aux Etats-Unis, une marque comme Armani rencontre un gros succès avec son enseigne entrée de gamme Exchange, qui propose une vaste ligne de T-shirts, de jeans et d’accessoires divers très abordables.

Ces sociétés ont donc trouvé, à des degrés divers, le moyen de répondre à une demande toujours plus forte pour des articles à la fois de qualité et plus accessibles. Notamment en cette période de sortie de crise où même les plus fortunés trouvent de plus en plus inadéquat, et même vulgaire, de s’exhiber avec des sacs ou des habits coûtant plusieurs milliers de francs. Car depuis la période du bling-bling, le public a intégré que le vrai sens du style ne s’exprime pas par le clinquant, mais plutôt par la reconnaissance entre «initiés» d’objets qui passeraient presque inaperçus…
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.